Evolution de l'armée romaine du début du Vème siècle à la fin de l'Empire en Occident

L'armée au début du V siècle

Le début du Vème siècle coïncide avec les plus terribles épreuves qu'aura à affronter l'armée romaine dans son histoire, les migrations de peuples entiers au sein de l'Empire.
Nous sommes assez bien documentés sur l'armée romaine à cette époque grâce à divers documents, dont la célèbre notita dignitatum, qui compile les grades et les unités sur diverses périodes allant du dernier quart du IV siècle au premier quart du V siècle.

Le texte suivant est tiré du livre "La formation de l'Europe et les invasions barbares" d'Emilienne Demougeot (ancienne professeur honoraire à l'université Paul Valéry de Montpellier III), aux éditions Montaigne, 1979. E. Demougeot y analyse l'évolution de la défense sur le Rhin dans les années précédants la grande migration germanique de 407, et principalement les troupes frontalières.

"Selon la notice des Dignités, les deux armées impériales comitatenses étaient à peu près équivalentes : 157 unités en Orient et 169 en Occident, soit, d'après les estimations d'A.H.M Jones (Later Rom. Empire, t. II 683-684) 104.000 hommes et 113.000 hommes. [...] Dans la Notice des Dignités occidentale, l'armée d'Honorius correspond aux changements apportés, de 395 à 423 [...] c'est-à-dire notamment à l'apport des 25 nouvelles unités formées par Stilicon entr 396 et 405, grâce à la confiscation des biens du Comte d'Afrique Gildon en 398 (D.Hoffman, o.c., 168-169 : 8 auxilia d'Honoriani seniores et iuniores,359-365 : 10 autres Honoriani Gallicani et Britanniciani iuniores, 3 légions et 4 vexillationes d'Honoriani) : cet apport compensa les pertes subies entre 395 et 399, tant lors des révoltes pannoniennes que lors des campagnes contre Alaric en Illyricum, et il contribua aux victoires italiennes de 402. En 403 donc, l'armée d'Honorius avait sûrement des effectifs plus nombreux que celle d'Arcadius, affaiblie, de surcroît, par les révoltes de Trigibild et de Gaïnas.
En outre, commandée par un seul généralissime, le magister peditum praesentalis, auquel était tacitement subordonné le magister equitum praesentalis et expressément les 6 petites armées régionales des Comtes frontaliers (Not. Dign. Occ : le magister peditum praesentalis a sous ses ordres les 6 comites limitum d'Italie, d'Afrique, de Tingitane, de Strasbourg, des Bretagnes et du rivage Saxon en Bretagne, ainsi que 127 unités palatines, comitatenses, et pseudocomitatenses. Le magister equitum praesentalis a 42 unités vexillationes, palatines et comitatenses sous ses ordres. Le seul général régional de l'Occident, le magister equitum per gallias est vacant de 395 à 407-408),l'armée d'Honorius était plus puissante que celle d'Arcadius, demeurée depuis la réforme du haut commandement en 388 morcellée entr 5 généraux ou magistri militum disposant à la fois de fantassins et de cavaliers, soit deux praesentales et trois régionaux, en Orient, en Thrace, et en Illyricum oriental, avec 5 armées à peu près équivalentes (Not. Dign. Or : en Orient, les magister militum praesentalis I et II ont 36 unités chacuns, le magister militum per orientem 31 unités, le magister militum per Thrac. 27 unités, le magister militum per illyricum 26 unités. Les deux seuls Comtes frontaliers d'Egypte et d'Isaurie n'ont que des Limitanei et des soldats "inférieurs" inscrits dans le petit Laterculus).

En revanche, la notice des Dignités montre que l'Empire d'Orient avait presque deux fois plus de limitanei que l'Empire d'Occident : A.H.M Jones en dénombre 248.000 en Orient et seulement 136.000 en Occident (Later Roman Empire, t.III, Append. II, 380). Si sur le Danube, ce déséquilibre n'apparait pas (64.000 sur la frontière de la pars Orientis et 81.000 sur la frontière plus longue de la pars Occidentus)), il est ailleurs éclatant et oppose les 184.000 limitanei massés sur les frontières d'Asie ainsi que d'Egypte-Libye aux 45.000 que totalisent les frontières d'Afrique tripolitaine, de Bretagne et des Gaules, où 17.500 se dispersent entre le haut Rhin et l'Océan. Les frontières de la pars Orientis étaient donc beaucoup mieux défendues que celles de la pars Occidentis, où de plus l'invasion de l'Italie en 402 avait entraîné des rappels de troupes aux dépens des petites armées régionales des Comtes frontaliers.

Frontières Gauloises

Dans les provinces rhénanes et "océaniques", les limitanei sont très peu nombreux, en principe 17.500 mais en fait moins, car il n'y a pas de garnisons légionnaires, même sur le Rhin, et les unités de milites représentent 22 des 25 corps énumérés (A.H.M Jones, o.c., t. III, 380, suppose une légion dans le Duché de Mayence et une autre dans celui d'Armorique, mais il s'agit de restes que la notice désigne sous le nom de Milites, unités issues d'anciennes légions ou cohortes tétrarchiques, puis renouvelées sur place par le recrutement local et, depuis Valentinien I, souvent transférées sur le littoral gaulois ou le rhin; on peut les évaluer à 500 hommes). En revanche, la distributio affecte au magister equitum per gallias 47 unités d'infanterie et 12 de cavalerie qui constituent la plus forte des armées régionales dans les deux parties de l'Empire, et il y a un Comte de Strasbourg dont le chapitre n'indique pas cependant les troupes qui lui sont attribuées. Près de la moitié des Limitanei, sans doute seulement 6.500 hommes sont censés garder les côtes de la Manche et de l'Océan contre les pirates saxons, in litore saxonico : le duc de Belgique II dispose de 3 petites garnisons, au nord et au sud de Boulogne et le duc d'Armorique de 10 unités.

Sur le Rhin, il n'y a plus que les 11 garnisons des Milites du duc de Mayence, ramassées sur la rive gauche entre Andernach, au nord de Coblence et Seltz au nord de Strasbourg (Milites à Seltz, Rheinzabern, Germersheim, Spire, Altrip, Worms, Mayence, Bingen, Boppard, Coblence et Andernach). [...] Par rapport à l'époque de Valentinien I et de Gratien, l'affaiblissement de la défense frontalière gauloise est si manifestement avoué dans la notice occidentale qu'il faut, à la fois, compléter ces limitanei par des fédérés ou des colons militaires barbares, ne figurant pas sur les listes de soldats réguliers, et supposer la présence en Gaule de troupes comitatenses, malgré le départ en 393 de la grande armée d'Arbogast, que Théodose avait retenue en Italie après sa victoire de la rivière froide en septembre 394.

La notice des dignités atteste qu'il y avait en Gaule deux armées régionales, celle du général magister equitum per gallias de rang illustre, celle du Comte de Strasbourg de rang spectabile, ce qui est beaucoup voire presque trop. S'il est vraisemblable que ces deux armées n'ont pas coexisté en Gaule, laquelle était présente entre 395 et 406? Le général gaulois n'a pas de chapitre et n'apparait que dans la distributio numerorum qui lui attribue outre 12 vexillationes, 47 unités d'infanterie dont notamment 11 légions pseudocomitatenses : 6 anciennes garnisons des ducs de Bretagne et d'Armorique, plus 5 du duc de Mayence, qui ont été promues pseudocomitatenses après 407. Ainsi apparait-il que seul était présent en Gaule avant 407 le comte de Strasbourg. De rang seulement spectabile, crée probablement en 396 ou 398, en même temps que le duc de Mayence, il eut à couvrir l'accès aux routes menant à l'Italie et en Gaule méridionale, au moment où le siège de la préfecture des Gaules fut transféré de Trèves à Arles. Son armée évidemment moins importante que celle du magister equitum per gallias, reçut sans doute les 6 auxilia palatins d'honoriani Gallicani et 3 légions comitatenses destinées aux Gaules, unités formées entre 396 et 400, qui constituaient avec des vexillationes et d'autres corps un ensemble de 10 à 12 unités, cest-à-dire de quoi contenir d'éventuelles incursions d'Alamans et de Francs, de quoi aussi compenser l'évacuation vers 400 des forts du haut-rhin, en aval du Lac de Constance.

La notice occidentale donne une liste de praepositurae, garnisons de soldats de catégorie inférieure inscrits sur le Petit Laterculus qui en Occident dépendait du magister peditum praesentalis. Sur cette liste figurent une série de Lètes et une autre de Gentiles gaulois (Not dign Occ XLII, 12 garnisons de Lètes à Chartres, Bayeux, Arras, Noyon, Rennes, per diversa en Belgique I, Yvoy-Carignan, Famars, Tongres, Le Mans, Clermond-Ferrand, Reims, Senlis. 6 garnisons de Sarmates à POitiers, dans la chora de Paris, entre le rhin et Ammiens, dans le tractus entre Rouen et le Puy, à Langres) ou colons militaires barbares à statut létique, tous plus ou moins renouvelés depuis la première moitié du IV siècle, avec des apports de Germains rhénans et de Sarmates. L'archéologie révèle leur dissémination dans les mêmes régions gauloises que les garnisons antérieures de Lètes et de Gentiles, c'est-à-dire surtout entre le rhin de Germanie II et la Loire, avec des Francs et autres peuples d'entre Elbe et Rhin.

Evolution de la défense des Gaules

Après la mort de Théodose, la grande armée gauloise d'Arbogast ne revint pas à Trèves en 395 et l'insécurité réapparut sur la frontière rhénane. dès le printemps 396, contraint d'accourir sur le rhin avec peu de troupes, Stilicon n'y séjourna qu'un mois et se borna à renouveler les traités avec les Francs et les Suèves ou Alamans. Ce bref séjour ne put suffire à intimider les Transrhénans qui rompirent la paix dès 397 semble-t-il. La guerre ne s'acheva qu'à l'automne 398, quant les Germains révoltés envoyèrent à Milan des ambassadeurs pour implorer la paix qu'Honorius accorda [...] en levant des troupes chez les Sicambres c'est-à-dire les Francs du Rhin moyen. Le motif de cette ambassade était précisément la mort du roi franc Sunno tué par ses sujets après s'être révolté pour venger son frère Marcomer que Stilicon avait exilé vers 396 en Etrurie, mort terminant un soulèvement des Francs et de leurs alliés, qui avaie été réprimé au cours d'opérations menées durant toute la saison militaire de 397 et presque toute celle de 398 par des Limitanei rhénans, renforcés par des comitatenses venus soit en 397 soit plutôt en 398. La paix fut rétablie sur le Rhin seulement à l'automne 398. Pour la consolider, Stilicon reconstitua une armée rhénane en recrutant des Francs, notamment des Sicambres [...] et il le fit d'autant plus largement que la confiscation des biens du comte d'Afrique rebelle lui permit de former plusieurs unités d'Honoriani Gallicani. Pour éviter que cette armée ne suscite un nouvel usurpateur gaulois, elle fut moins importante que celle de l'ancien magister equitum per gallias : son chef, un simple comte, reçut le tractus de Strasbourg avec des unités comitatenses dont le nombre dépendait du généralissime de Milan qui en demeurait le maître. Vers la même date probablement , les garnisons frontalières furent concentrées, au nord du Comte de Strasbourg, dans le secteur de Mayence, limitrophe des Francs rhénans, sous le commandement d'un duc, tandis que, dans le secteur de Trèves et sur les routes qui en partaient vers Lyon, vers Reims et le littoral, on multipliait les colonies militaires barbares à statut létique avec des Francs, des Alamans et autres Transrhénans. Autant que l'entrée dans l'armée comitatensis, ces petits établissements de soldats barbares absorbèrent de nombreux Germains. Au début de l'hiver 402, quand Alaricenvahit la plaine du Pô et assiégea Milan, Stilicon courit en Rhétie II chercher des troupes et rappela des légions bretonnes mais aussi les unités du comte de Strasbourg. Ces unités gauloises restèrent en Italie après les victoires de Pollentia et de Vérone. Elles y furent même rejointes dans l'hiver 406, par d'autres unités gauloises à cause de l'invasion de Radagaise qui déboucha aussi dans la plaine du Pô, invasion plus massive que celle de 402. Aussi quand l'invasion plus massive encore des Vandales-Alains-Suèves franchit le Rhin devant Mayence le 31 décembre 406, put-elle submerger aisément d'abord les 5.500 tous au plus limitanei de ce secteur, puis les Lètes Francs du Namurois venus à la rescousse, enfin le peu qui restait des comitatenses du tractus de Strasbourg."

(La formation de l'Europe et les invasions barbares" d'Emilienne Demougeot, éditions Montaigne, 1979, tome II, première partie, p.180-196)

Emilienne Demougeot souligne donc la faiblesse du dispositif militaire disposé aux frontières. Incontestablement, la défense des frontières s'est délitée au contact du monde germanique et par manque de moyens et d'entretien. Néanmoins, pour ce qui est de l'armée centrale, elle cite doctement les données chiffrés de la notitia dignitatum. Ces derniers demandent cependant à être commentés.

Les effectifs selon la Notitia Dignitatum
Le texte est disponible sur le site http://www.thelatinlibrary.com/notitia1.html.
Son étude permet d'établir la liste des hauts commandements, ainsi que les unités en théorie sous leurs commandements.
En ne prenant en compte que les deux grands officiers occidentaux Magister praesentalis (le magister equitum per gallias semblant vacant à l'époque), on obtient la liste d'armée suivante (les effectifs moyens des unités sont donnés par Emilienne Demougeot et Philippe Richardot cf la bibliographie) :

Magister peditum praesentalis :
12 Legio palatinae. Effectifs : de 7.200 à 12.000
65 Auxiliats palatinae. Effectifs : 32.500
32 Legio comitatenses. Effectifs : de 20.800 à 38.400
18 Legio pseudocomitatenses. Effectifs : 9.000
TOTAL : 69.500 à 91.900

Magister equitum praesentalis :
10 Vexillationes palatines. Effectifs : 2.000 à 5.000
32 Vexillationes Comitatenses. Effectifs : 6.400 à 16.000
TOTAL : 8.400 à 21.000

TOTAL pour les deux magisters praesentalis : 77.900 à 112.900

Une partie des unités affectées aux deux magister praesentalis se retrouvent ailleurs dans la notita dignitatum, sous les ordres d'autres officiers. On peut en conclure que bien que conservant le commandement sur ces troupes, des détachements aux frontières furent nécessaires. Dans cette optique, on retrouve pour le magister peditum 9 Legio palatinae sur 12, 39 Auxiliats palatinae sur 65, 14 Legio comitatenses sur 32 et 14 Legio pseudocomitatenses sur 18 sous ses ordres stricts. En terme d'effectif, on passe à une évaluation allant de 41.000 à 52.300. Même chose pour le magister peditum : s'il dispose de ses 10 Vexillationes palatines, il n'a plus que 10 Vexillationes Comitatenses sur 32. Les effectifs théoriques de ces troupes passent à une évaluation allant de 4.000 à 10.000 cavaliers.
Ainsi les effectifs théoriques des troupes ne dépendant que des deux magister praesentalis vont de 45.000 à 62.000 hommes, soit près de deux fois moins que ne le laisse supposer la notita dignitatum au premier abord.

Une pénurie de troupes est constatée dans les faits
Ces effectifs semblent encore importants, car ils ne concernent que les unités stationnées en Italie du Nord. Pourtant de nombreux éléments permettent de remettre en doute des effectifs aussi importants. De nombreuses preuves indiquent qu'au contraire, il y pénurie de troupes et qu'on ne peut se fier à la notitia dignitatum.
(Pour les sources, les noms des auteurs renvoient à leurs livres notés en bibliographie)

350 : L'armée à Trèves compterait 18.000 hommes (Demougeot P80)
351 : L'armée à Trèves compterait 36.000 hommes grâce aux Francs (Demougeot P80). 54.000 tués dont 24.000 pour Magnence et l'Occident à Mursa (Demougeot P80-81). Constance recrute certainement une partie de l'armée de Magnence pour combler ses pertes, affaiblissant encore l'armée en Occident (Demougeot P81)
350-352 : La guerre civile vide les provinces allant de la Pannonie II à la Germanie II de leurs meilleures garnisons (Demougeot P82)
352-356 : Invasions alamaniques; beaucoup des garnisons laissées en Gaule par Magnence disparaissent (Demougeot P101 note75)
354 : Constance traite avec les Alamans et recrute des auxiliats pour son comitatus (Demougeot P87)
357 : Julien à Strasbourg : 13.000 hommes; 38.000 à 43.000 hommes pour le comitatus de la Gaule et de l'Italie avec renfort d'Illyrie. Ce chiffre dénote déjà un net fléchissement des effectifs dans le comitatus occidental bien que ne comprenant pas les troupes d'Afrique et de Bretagne (Richardot P88)
358 : Julien recrute des Francs (Demougeot P94)
361 : Julien part contre Constance en Illyricum avec seulement 23.000 hommes, 10.000 de plus que ce dont il disposait à Strasbourg, tout en laissant des troupes en Gaule. (Demougeot P99-102)
364 : Bipartition de l'empire entre Valentinien et Valens; le partage des troupes porte sur le tiers des comitatenses et se fit en scindant les meilleures unités (surtout les auxiliats occidentales) en unités de seniores (Valentinien) et juniores (Valens). Ce partage a comme conséquence une perte importante en hommes pour l'armée occidentale (Demougeot P104-105)
367 : Valentinien édicte une série de lois (C TH VII, 13,3 et 4 ; C TH VII, 1, 10) pour recourir au recrutement de provinciaux; c'est un échec et il doit se résoudre à recruter des barbares (10 à 14 auxiliats) (Demougeot P119)
La loi C TH VII, 13,3 abaisse de la taille minimale des recrues de 1.69 à 1.62m.
La loi C TH VII, 1,10 verse les valets des soldats dans les effectifs combattants.
368 Printemps Les Alamans attaquent Mayence dépourvue de garnison. Valentinien franchit le Rhin à l'été. Il ne peut intervenir qu'avec un renfort d'Italie et d'Illyrie (Demougeot P108)
369 Juin Offensive de Valentinien contre les Alamans. Il retarde ses opérations par manque d'effectifs en raison des campagne de Théodose l'ancien en Bretagne; pour continuer ses guerres il demande des renforts orientaux et s'allie avec les Burgondes (Demougeot P109) (15 unités de fantassins et 1 d'équites vinrent de l'Orient cf Demougeot P111) Ces renforts affaiblissent d'autant le comitatus oriental qui ne pourra faire face à l'invasion gothique de 376.
373 Révolte du Maure Firmus en Afrique; Théodose l'ancien est envoyé par Valentinien avec des troupes, signe que l'armée du Comte africain ne peut suffire pour faire face (Demougeot P112) Valentinien ne peut guerroyer contre les Alamans en 373-374 en raison d'un manque de troupes.
374 Paix par épuisement entre Alamans et Romains, montrant l'usure des deux forces militairement (Demougeot P113)
378 Février Les Alamans Lentienses passent le Rhin gelé. Victoire romaine, Gratien recrute des auxiliats sans doute en vue de ses futures opérations contre les Wisigoths en orient (Demougeot P122)
388 : Défaite d'une expédition romaine au-delà du Rhin, après la guerre civile une quinzaine d'unité de Maxime, usurpateur occidental, sont transférées dans l'armée de Théodose (Demougeot P155)
393 : Francs et Alamans fournissent des renforts à Arbogast en prévision de la guerre civile contre Théodose (Demougeot P127)
394 : Une partie de l'armée d'Eugène est transférée dans celle de Théodose après la guerre civile (Demougeot P128)
395-397 : Stilicon n'a que peu de troupes pour combattre Alaric en Orient et ne peut venir à bout de celui-ci (Demougeot P164)
396-402 : Recrutements de Stilicon (25 unités dont 18 auxiliats) (Demougeot p180)
401 : Panique à l'arrivée d'Alaric en Italie malgré un comitatus massif. Alaric pourtant ne compte guère plus de 20.000 guerriers. Il assiège impunément Milan, la capitale impériale, dans un premier temps (Demougeot p172-173)
401-402 : Rappel d'urgence de troupes des Comes par Stilicon pour contrer Alaric en Italie (Rhin, Bretagne) (Demougeot p128-173-182)
402-403 : Recrutements de Stilicon en Italie dans l'urgence pour contrer Alaric (Demougeot P175)
403 : une série de lois sont passées contre les déserteurs (C TH VII.13 et 18)
406 : Panique à l'arrivée de Radagaise en Italie en dépit d'une grande armée. Stilicon n'attaque qu'après le renfort des fédérés de Pannonie (Richardot P90, Demougeot P424-425). On recrute même des esclaves :

Contre les assauts de l'ennemi, nous ordonnons de prendre en compte non les seules personnes, mais les forces; et bien que les hommes libres soient incités à l'amour de la patrie, nous exhortons à ce que les esclaves soient relevés par la récompense de la liberté, s'ils sont aptes au service militaire et s'ils prennent les armes, et aussi à ce qu'ils reçoivent deux solidus en salaire, par tête - avant tout réellement les esclaves qu'habite la bravoure militaire, ceux des alliés et des soumis, puisqu'il est admis qu'eux-mêmes fassent une seule guerre avec leurs maîtres. (C. TH VII.13.16) Loi du 17 avril 406 pour recruter en urgence contre Radagaise.

Par cet édit, pour les nécessités de l'urgence, nous invitons tous les gouverneurs, que la liberté innée dresse vers le service militaire que les hommes libres, qui dans le service militaire prennent les armes pour l'amour de la paix et de la patrie, qu'ils sachent qu'ils recevront chacun dix solidus de notre trésor public et nous ordonnons que trois solidus de cette somme susdite soient donnés dès maintenant à chacun car nous avons confiance que ceux que le courage et l'utilité publique poussent aux nécessités seront les meilleurs. (C. TH VII.13.17) Loi du 19 avril 406 pour recruter en urgence contre Radagaise.

407 : Faiblesse des effectifs menés par Sarus contre Constantin III en Gaule; il se fait remettre son butin de force par des bagaudes (Richardot P90)
408 : Arcadius mort, Stilicon projette de se rendre à Constantinople avec seulement 4 unités pour prendre le contrôle de l'empire d'orient (Zosime V, 31 note 70 détail de Zosomène, Histoire ecclesiastique, livre IX, chapitre 4)
408-410 : Grande concentration de troupes en Italie, mais pas d'intervention après la sédition de Pavie en août 408
409 : Honorius se rassure contre l'usurpateur Attalus et se maintient à Ravenne après avoir reçu le renfort de 4.000 soldats orientaux (Richardot P90)
409 : 6.000 soldats vont renforcer la garnison de Rome. Raids de seulement 300 Huns contre les Wisigoths d'Athaulf (Zosime, V, 45)
410 : Sarus renforce Honorius avec seulement 300 guerriers (Zosime, VI, 13)
Les Wisigoths sont à la fois redoutables et indispensables mais guère plus de 15-20.000.

Le problème posé par le manque de troupe semble remonter au milieu du IV siècle. Pour le début du V siècle, cette pénurie devient encore plus criante. Les recrutements se multiplient mais Stilicon ne sauve que de justesse l'Italie d'Alaric et de Radagaise.

Disproportion entre la Notita Dignitatum et les sources écrites (Zosime)
Zosime est le seul historien citant le nombre d'unité rassemblé par Stilicon pour contrer Radagaise en 406. Ce faisant, il permet d'estimer la taille de l'armée impériale vers 406. Divers indices permettent d'établir de façon certes conjectural mais réaliste les effectifs globaux de l'armée, en cohérence avec les faits.
Zosime parle de 30 unités stationnées à Pavie (V, 26-4 : 30 tagmata), ce qui représente plus ou moins 20.000 soldats réguliers impériaux (legio comitatenses) et germains (auxiliats). Ces 30 unités régulières rassemblent les unités des Comes d'Italie, de Strasbourg, une partie de celles du Comes de Bretagne. Seuls les Comes d'Espagne et d'Afrique maintiennent une armée régionale. Les auxiliats étant plus facile à recruter, ces derniers composent sans doute une part conséquente des 20.000 réguliers.
D'après les sources, la cavalerie de Stilicon repose sur les fédérés (Zosime V note 56 P201), ces 30 unités seraient donc composées surtout d'infanterie; néanmoins on ne peut considérer un chiffre proche de 30.000 soldats / 1.000 soldats par unité, car les auxiliats comptent moins de soldats que les légions comitatenses (500 contre 1.000 environ). D'après la notitia dignitatum, il y a deux fois plus d'Auxiliats que de Legions comitatenses pour le magister peditum. Si ces troupes ne sont que composées d'infanterie, elles pourraient comprendre 10 légions et 20 auxiliats, soit plus ou moins 10.000 légionnaires et 10.000 germains. Une estimation de 20.000 soldats semble donc raisonnable, si le chiffre de 1.000 soldats pour une légion comitatenses est encore valable à l'époque.

Lors de l'invasion d'Alaric en 401, Stilicon ne peut compter que sur ces unités, puis sur une partie des fédérés qu'il se dépêche d'aller recruter alors qu'Alaric qui a démarché une partie de ces mêmes fédérés fait le siège de Milan. Pour Fiésole en 406, Stilicon peut compter sur ces 30 unités et sur les fédérés de Pannonie. Richardot (P90-310) parle schématiquement en 406-408 de 30.000 soldats réguliers (les 30 unités de Zosime) et de 30.000 fédérés en Italie du Nord (les 30.000 barbares au sens large se joignant à Alaric toujours selon Zosime). L'armée régulière, tant composée d'impériaux que de Germains ne compterait donc pas plus de 20.000 soldats en Italie. Emilienne Demougeot cite à la fois doctement la notitia sans la remettre en cause pour le comitatus occidental (plus de 100.000 soldats!), puis les 30 unités de Zosime.

La Notitia décompte 96 unités en Italie du nord aux ordres exclusifs des deux magister praesentalis (9 legio palatinae, 39 auxiliats palatinae, 14 legio comitatenses, 14 legio pseudocomitatenses, 10 vexillationes palatinae, 10 vexillationes comitatenses, 4 scholes palatines), contre 30 unités pour Zosime. En théorie, ces 96 unités correspondent à des effectifs allant de 45.000 à 62.0000 soldats. En fonction des estimations d'effectifs croisées entre Richardot et Demougeot, 96 unités pour 45.000 soldats donnent en moyenne 468 soldats par unité en moyenne, 62.000 soldats au maximum donnent 645 soldats par unité. Les 30 unités de Zosime comptabiliseraient ainsi 14.000 soldats en option basse, 20.000 soldats en option haute, pour une moyenne de 17.000. Cette “reconstitution” permet de maintenir dans l'armée de Zosime la diversité des unités existantes dans la Notitia, infanterie et cavalerie. La cavalerie semble cependant être du ressort des alliés fédérés. Là encore, l'estimation haute de 20.000 soldats semble la plus réaliste.

Faut-il encore déduire des troupes impériales les 6.000 soldats dont parle Zosime (V,45) qui sont capturés ou tués par Alaric en 409 et qui provenaient d'Illyrie? Comme Stilicon avait fait des rappels des Comes proches et qu'il n'y avait plus de Comes Illyricum, ces 6.000 soldats proviennent probablement des 30 unités initiallement rassemblées en Italie du nord pour contrer Alaric et Radagaise, et qui étaient stationnées en Illyrie auparavant. Le chiffre de 20.000 soldats reste valable.

Avec la sédition de Pavie en 408, Zosime fait deux allusions à d'autres troupes présentes en Italie alors : lors du massacre des civils des fédérés perpétré par des soldats répartis dans des villes ("les soldats stationnés dans les villes [...] se jetèrent sur les femmes et les enfants des barbares qui se trouvaient dans chaque ville." Sozime, Histoire Nouvelle, V, 35-5), et lors de la sédition quand Stilicon estime que fondre sur les troupes révoltées feraient rentrer dans l'obéissance les autres soldats ("Lorsque ces évènements eurent été annoncés à Stilicon qui se trouvait à Bologne, il n'en fut pas peu troublé; après avoir convoqué tous les chefs des alliés barbares qui étaient avec lui, il mit en délibération ce qu'il fallait faire, et tous estimèrent unanimement que la meilleure solution consistait, au cas où l'Empereur aurait été assassiné (c'était en effet encore incertain), à ce que les barbares alliés aux Romains fondent ensemble et d'un seul mouvement sur les soldats et rendent ainsi tous les autres plus disciplinés". Zosime, Histoire Nouvelle, V,33-1). Faut-il en conclure que d'autres troupes que les 30 unités étaient disponibles en Italie? C'est peu probable, car ces soldats peuvent tout autant provenir de ces unités concentrées en 406 pour contrer Radagaise. Une fois cette menace écartée, des troupes ont pu être distribuées en Italie dans les villes où furent placées les familles des fédérés de Pannonie et celles des Goths de Radagaise recrutés par Stilicon, pour s'assurer de la loyauté de ces derniers. En effet, les fédérés de Pannonie s'étaient révoltés en 395-399 et en 401-402. Cette “prise d'otage” permettait de maintenir dans de bonnes dispositions les fédérés. Les soldats autres que ceux de Pavie doivent donc être des soldats de garnisons dans les villes italiennes.

Constantin III, avant de recruter des Francs sur le Rhin (chose qu'il s'empresse de faire dès son débarquement) ne compte guère plus de quelques milliers de soldats, en ayant promu des Limitanei dans des pseudocomitatenses. La Bretagne avait connu des rappels de troupes avec Stilicon, et l'usurpation de Magnus Maximus en 383 l'avait déjà privée d'une partie de sa défense. Plusieurs éléments permettent de penser que l'armée de Constantin III ne comptait que peu de troupes : il n'entreprend que peu ou pas d'opérations contre les Germains et même contre Honorius, Sarus est envoyé contre lui en 407 avec des troupes relativement peu nombreuses. De plus si Sarus est envoyé avec de faibles troupes, c'est non seulement parce que Stilicon n'en a que peu mais aussi parce que Constantin III n'en a guère plus et ne représente peut-être qu'une menace symbolique pour Honorius. Cependant, l'occupation de la rive du Rhin lui permet certainement de recruter des mercenaires en nombre. Il peut également diviser ses forces pour garder une partie de la Gaule et aller conquérir l'Espagne. Ces éléments permettent de chiffrer de 5.000 à 10.000 ses troupes, en comptant ses recrues franques.

L'armée du Comes Africae doit être sensiblement la même. On dispose des chiffres suivants pour l'armée d'Afrique : 1 Auxiliat, 3 Legio palatina, 8 Legio comitatenses, 19 Vexillationes soit selon les effectifs que l'on accorde aux uités, entre 7.700 et 22.600 soldats. Comme pour les magister praesentalis, suivre à la lettre la notitia dignitatum revient à largement surévaluer la réalité des effectifs.
La disproportion entre la Notitia Dignitatum et Zosime est la suivante pour l'Italie du nord : 96 unités contre 30, disproportion qui appliquée à l'Afrique donnerait : 1 Legio palatina, 3 Legio comitatenses, 6 Vexillationes, pour un total évaluable de 2.400 à 7.600 hommes.
L'incapacité des troupes africaines à faire face à la révolte de Gildon en 398, quelques années avant le franchissement du Rhin, les faibles renforts de Stilicon plaident pour une armée de taille réduite pour une province le plus souvent calme. La décision en cas de troubles militaires est toujours venue d'un corps impérial provenant du continent.
Comme pour la Bretagne on ne peut faire que des estimations; une armée de 5.000 hommes semble raisonnable.

En Espagne, Gérontius, général de Constantin III, doit combattre en 408 des unités régulières renforcées par des propriétaires terriens qui mobilisent leurs colons. L'Espagne maintient donc à l'époque une petite armée, certainement peu nombreuse et peu combative, la région étant calme et loin des frontières. Ces unités sont donc davantage des forces de police, mais existaient bien ; dans une lettre de 411, Honorius attribue la solde d'unités détruites à 4 unités d'Espagne encore opérationnelles pour leur loyauté. Avant 406, on peut donc évaluer à quelques milliers l'armée d'Espagne, certainement moins nombreuse que celle d'Afrique ou de Bretagne, et moins combattive.

En Illyrie, de nombreuses troupes furent envoyées en renfort en Italie dans les premières années du V siècle. Néanmoins, cettz région tampon n'a pu être totalement privée de ses troupes comitatenses, d'autant que l'on trouve jusqu'aux années 450 un tribun (Mamertinus, cité dans la vie de s. Severin ; IV,2) ; la région n'est donc pas abandonnée en dépit des razzias régulières des barbares dans ce diocèse. L'armée régulière et comitatenses ne compte cependant que quelques milliers de soldats en 406, l'essentiel ayant rejoint l'Italie.

En Gaule, on considère que l'essentiel des troupes comitatenses sont parties pour l'Italie dans les années 401-402 pour lutter contre Alaric, puis en 405-406 pour contrer Radagaise. De fait, les peuples migrateurs du début 407 ne semblent guère rencontrer de résistance, bien qu'Emilienne Demougeot estime que quelques unités furent sans doute maintenues auprès du Comte de Strasbourg.

Enfin il faut sans doute y ajouter les 4 unités de scholes palatines que compte l'Occident, soit environ 1.500 cavaliers d'élite, mais peut-être ces dernières sont-elles comprises dans les 30 unités rassemblées à Pavie pour contrer Radagaise en 406. Dévolues à la sécurité de l'empereur, il reste possible qu'elles soient demeurées à Ravenne.

Dans ce cas l'armée en Occident au début des migrations germaniques approche les 35.000 soldats, contre 113.000 selon la Notitia : 20.000 en Italie, 5.000 en Afrique, 5.000 en Bretagne sans les recrues ultérieures, plus ou moins 5.000 en Espagne-Illyrie-Gaule. Chiffre incomparablement faible, semblant même invraisemblable, mais cohérent avec le déroulement des réactions et des choix politiques. Reste à expliquer une perte sèche de près de 80.000 soldats. Le déclin intervient sans doute dès Mursa, bien qu'une large part des pertes concernaient des germains enrôlés dans les deux camps. On en conclue une forte disproportion entre le papier de la Notitia, correspondant davantage à une armée plus précoce (Valentinien, Gratien), et la réalité en Italie du Nord au début du V siècle.

Combien de fédérés?
Zosime estime que 30.000 barbares rejoignent Alaric (V, 35-5). Mais ce chiffre comprend des civils. Les fédérés sont de deux types : les fédérés pannoniens de Gratien de 380 (Ostrogoths Alains et Huns cf Demougeot P148-149-172-173) et les mercenaires Goths de Radagaise recrutés en 406, évalués à 12.000 ce qui relève probablement d'une exagération d'Olympiodore (The chief men of the Goths with Radagaisus, about 12,000 in number, called Optimati, are defeated by Stilicho, who enters into an alliance with Radagaisus ; + Zosime note n°57). Zosime (V,33) semble estimer que les fédérés sont moins nombreux que les soldats réguliers de Pavie en août 408, qui sont alors environ 20.000; une estimation de 20.000 fédérés au maximum peut donc être posée, voir 15.000 pour prendre en compte l'infériorité numérique. L'inquiétude dans les cercles de pouvoir est bien compréhensible, l'armée étant en passe de devenir minoritaire face aux fédérés, qui plus est aux mains d'un général vandale.

Au total, l'occident disposerait en 406 de 50.000 soldats dans ses armés "de manoeuvres" et avec ses alliés installés dans l'Empire : Goths Alains et Huns (35.000 dans l'armée régulière, 15.000 fédérés). A ce chiffre s'ajoutent les troupes dites "Limitanei", les alliés en dehors de l'empire (Francs principalement), les Lètes et autres petites garnisons installées dans l'empire).

La Notitia témoigne non pas d'une armée fantôme mais d'une armée qui devait exister à un moment donné dans la seconde moitié du IV siècle, du temps de Valentinien et de ses fils. Mais soit de nombreuses unités avaient disparu, soit les effectifs théoriques de ces unités n'étaient pas atteints. Ainsi les légions africaines ne comptent selon Richardot que 200 à 400 soldats.

Comment expliquer la disproportion entre entre la Notitia et la reconstitution cohérente mais minimaliste de l'armée en Italie? Cette dernière pourtant conjugue les troupes praesentales, les troupes de la Gaule, de l'Illyrie, et une partie de celles de la Bretagne. Il ne reste plus grand chose d'autre en Occident.

Crise des effectifs; la faute aux désertions?
Le Codex Theodosianus se fait le témoin des préoccupations des gouvernants concernant le recrutement militaire. De 365 à 413, 33 lois sont passées contre les déserteurs : 1 pour 365, 1 pour 379, 6 pour 380, 1 pour 381, 2 pour 382, 5 pour 383, 4 pour 396, 1 pour 400, 9 pour 403, 1 pour 406, 1 pour 412, 1 pour 413.

Voici quelques lois passées en 403, juste avant le choc des grandes migrations :

Au temps de la condition de recrue, les administrateurs qui auraient estimé devoir camoufler les fugitifs ou qui ne les auraient pas spontanément révêlés, seront traduis en justice, et sanctionnés en tant que rebelles ou en tant que corrupteur des décrêts (C TH VII.13.21) Loi du 30 janvier 403 luttant contre les déserteurs.

Si des déserteurs errant en province sont pris, qu'ils soient aussitôt arrêtés et traduits en justice, afin qu'entendus – s'ils reconnaissent le crime de désertion, ils soient retenus en prison. Que leurs noms te soient rapportés, afin que les maîtres de la milice informés décident de leur propre autorité ce qu'ils adviendront. Si ces déserteurs retrouvés pensent devoir opposer de la résistance, qu'en tant que rebelles ils soient châtiés de leur propre entreprise de témérité (C TH VII.18.11.pr) Loi du 24 février 403 luttant contre les déserteurs.

De même, lorsque par précaution, ils recherchent les juges des provinces, qu'ils n'essaient pas de défendre leur crime de désertion sous le prétexte de fausses convocations, et qu'ils ne puissent pas s'en sortir par des lettres imaginées ( C TH VII.18.11.1) Loi du 24 février 403 luttant contre la désertion.

A l'encontre de ceux qui cachent des déserteurs, il sera poursuivi en justice avec la plus grande sévérité, conformément aux lois promulguées (C TH VII.18.11.2) Loi du 24 février 403 luttant contre les déserteurs.

Si quelqu'un accueille dans son domaine un soldat en fuite et déserteur de son camps (à moins qu'il le livre lui-même et le présente à la sévérité du pouvoir judiciaire), s'il est convaincu de le dissimuler, ce domaine dans lequel on trouvera ce fugitif sera réuni aux fonctionnaires de notre Trésor impérial. (C TH VII.7.18.12.pr) Loi du 25 juillet 403 luttant contre les déserteurs.

Si par hasard quelqu'un arrive dans un domaine et y habite à l'insu de son maître, ce domaine étant alors exonéré du lien de cette loi, et individu doit être condamné à un supplice sévère. En outre, nous voulons que les dispositions concernant les agents de notre Maison soient maintenues (C TH VII.18.12.1) Loi du 25 juillet 403 luttant contre les déserteurs.

Nous accordons aux gouverneurs le pouvoir légal pour surprendre les déserteurs. Pour ceux qui auraient oser résister, nous ordonnons un supplice rapide en quelque lieu que ce soit. Que tous sachent que le droit militaire contre les mercenaires et les déserteurs sera appliqué pour la tranquilité commune (C TH VII.18.14.pr) Loi du 2 octobre 403 contre les déserteurs.

Crise des effectifs; la faute au recrutement héréditaire?
Des lois sont passées de plus en plus souvent pour contraindre les fils de vétérans à rentrer dans l'armée. Si cette solution permet en théorie de rassembler de nombreuses recrues, elle a deux inconvénients. Elle consacre sans doute un état de fait, de nombreux fils de vétérans entrant naturellement dans l'armée; l'efficacité de ces mesures n'est peut-être pas alors important et ne sert que de palliatif. De plus, en faisant de ce mode de recrutement une obligation, l'armée ne peut que rebuter ceux qui ne souhaitent pas servir. Le recrutement devient de fait plus autoritaire, et moins tourné vers le volontariat. Les recrues ainsi versées dans les effectifs sont des candidats évidents à la désertion.

Crise des effectifs; la faute à un service peu attractif et mal payé?
Yann Le Bohec, dans son livre sur l'armée romaine, reprend les conditions de vie du soldat et du service dans l'armée.
"Les guerres du III siècle avaient donné mauvaise réputation au métier militaire. D'abord, il était devenu très dangereux. Et ensuite, à la différence du haut-empire, il était mal payé : le salaire, maigre, était versé en partie en nature et de plus en plus souvent avec irrégularité; quant au butin, il se faisait rare, voire nul quand les Romains avaient emporté une victoire sur un de ces peuples que tenaillait la faim. De ce fait, si le volontariat paraisait la meilleure solution, il ne fournissait pas assez de recrues et surtout pas du tout de recrues de valeur : les seuls à se présenter au camp étaient des hommes qui n'avaient pas pu trouver mieux." (Y Le Bohec, l'armée du bas-empire P55)

Concernant la solde, seule motivation sérieuse si l'on met à part le patriotisme :
[...] il est évident qu'au IV siècle un soldat vivait sur trois types de revenus venant de l'Etat : un salaire en principe régulier (stipendium), des distributions en théorie plus irrégulières (donativa) et des livraisons en nature (annona). A l'époque de Dioclétien, le stipendium était versé quatre fois par an. A partir de là, les chiffres divergent [...]. Le grand historien A.H.Jones estimait qu'un fantassin auxiliare touchait à cette époque les 2/3 de ce que percevait un légionnaire ou un cavalier, soit 400 deniers par an pour le premier et 600 pour les seconds [...]
En ce qui concerne les donativa, deux interprétations sont en présence. D'un côté, des anglo-saxons ont estimé qu'ils étaient versés avec régularité, représentant une partie du salaire payé sous un autre nom [...]. Encore fallait-il qu'ils aient été versés avec régularité, ce qui dépendait de la situation des finances publiques et, surtout, de choix politiques. Car d'un autre côté, P. Bastien [...] rappelle que le donativum était un versement en espèces ou en métal, et qu'il allait aux militaires [...], sous le bas-empire, il était devenu un cadeau personnel de l'empereur à ses chers soldats. Cet auteur a constaté que ces versements étaient effectués avec de l'or, de l'argent ou du bronze argenté, mais que le métal était donné en priorité aux officiers. Les donativa [...] étaient effectués dans des circonstances bien précises, surtout pour l'anniversaire de l'accession à l'Empire du souverain, et surtout pour les 5ème, 10ème et 20ème anniversaires de cet évènement. D'autres circonstances particulières favorisaient ces distributions : anniversaires divers (naissance du chef de l'Etat, de Rome, de Constantinople), accession du souverain ou d'un de ses parents au consulat, calendes de janvier, succès militaires, réels ou inventés. Les soldats pouvaient ainsi espérer des versements dans toutes sortes de situations, et ils ne se gênaient pas pour en réclamer, parfois en vain. [...]
Quand aux livraisons effectuées au titre de l'annone, d'après R.Duncan-Jones, elles auraient atteint une valeur de 600 deniers par an pour tous les soldats, rien que pour l'huile. Dès le IV siècle, d'autres produits s'ajoutèrent à l'huile. Les papyrus surtout montrent que des vêtements étaient remis aux soldats dans les mêmes conditions, ainsi que des aliments divers. Les soldats consommaient surtout du blé. Ils avaient aussi pris l'habitude de manger de la viande, de boire du vin [...]. Dans tous les cas, il leur fallait aussi de l'eau et du sel. Quand aux chevaux, ils étaient également fournis par l'impôt [...]. A ces denrées s'ajoutaient les armes fournies désormais par des ateliers d'Etat [...].
En fait les livraisons en nature augmentaient quand les finances publiques diminuaient. Deux motifs concouraient à cette dégradation, et finalement, l'aggravaient.
D'une part il est arrivé à l'Etat, au IV siècle, de ne pas avoir de métal disponible. [...] Le métal partait des mines et il allait aux ateliers monétaires par l'intermédiaire soit du préfet du prétoire soit du comte des largesses sacrées. De là, il était envoyé vers les civils [...] et surtout vers l'armée. [...] L'atelier de Lyon fonctionnait travaillait pour les troupes qui étaient stationnées en Bretagne, en Germanie, en Afrique et dans la péninsule ibérique. [...] Pour la deuxième moitié du IV siècle, le métal frappé était surtout l'argent et non l'or.
D'autre part, ne pas payer les militaires, ou au moins les faire attendre, était sans doute une facilité que s'octroyait l'Etat quand cette solution l'arrangeait. Et le pli, -le mauvais pli-, avait été pris, avec deux conséquences. Du point de vue économique, ce non-paiement causait du tort à la bonne marche générale des affaires; du point de vue militaire, il décourageait les jeunes gens les plus doués qui recherchaient alors d'autres employeurs, des employeurs payant mieux, avec pour conséquence un recrutement toujours plus médiocre. Quelques remarques d'Ammien Marcellin montrent ce processus de dégradation. En 360, l'Etat déclara qu'il ne pouvait pas payer les soldes, et en 363, les militaires de l'armée d'Afrique se plaignirent de n'avoir rien touché depuis longtemps. De nombreuses réclamations se faisaient entendre en Gaule, en Orient et en Afrique. [...] (Y Le Bohec, l'armée du bas-empire P177-180)


Encore vers le milieu du V siècle, les soldats chargés de la garde des frontières dans un grand nombre de villes étaient rénumérés sur les fonds publics; lorsque cet usage prit fin, les unités militaires disparurent en même temps que la frontière.

[...] S'ils cumulaient stipendium, donativa et annone, les soldats bénéficiaient d'autres sources de revenus. En cas de guerre, ils espéraient faire du butin (praeda). Mais il fallait que l'expédition fut victorieuse, et, même dans cette hypothèse, ce qui était pris à l'ennemi devait être partagé avec les officiers et avec l'Etat, et n'allait pas automatiquement aux hommes de troupes. [...] Et les ennemis ne possédaient pas toujours des biens de grande valeur : si les Germains voulaient envahir l'Empire, c'était précisément parce qu'ils étaient poussés par la faim. Les vaincus pouvaient être amenés à livrer des aliments, comme firent les Alamans, ou du bois. Les humains faits prisonniers devenaient esclaves. [...]

A ces revenus plus ou moins hypothétiques, les soldats ajoutaient des privilèges fiscaux, des exemptions. [...] L'Etat baissait ou augmentait les impôts des militaires, pour attirer plus ou moins de jeunes gens, mais les soldats n'étaient jamais ni complétement dispensés ni astreints au paiement total de ce genre d'obligations. (Y Le Bohec, l'armée du bas-empire P181-182)


La discipline apparait comme très sévère, mais pas nécessairement plus que par le passé :
" L'indiscipline entraînait l'application de punitions, parfois terribles, qui ne faisaient pas disparaître les désordres. Les simples soldats pouvaient être consignés, mis en prison, traînés devant les tribunaux. A l'occasion, ils étaient privés de leurs emblèmes, leur signa, ce qui était humiliant, ou condamnés à marcher avec les prisonniers, ce qui avait la même conséquence. Des hommes qui avaient fui le champ de bataille à Strasbourg, en 357, furent habillés en femmes et chassés. La pratique de la décimation [...] fut maintenue : un homme sur dix était tiré au sort et exécuté. Théodose (dit l'ancien, père de l'empereur), dans sa campagne africaine, se révéla très dur : les lâches eurent la main coupée, ou même furent brûlés vifs. Des traîtres, on fit deux parts : les archers furent amputés du bras et les autres tués. Valentinien I menaça de vendre comme esclaves des Bataves qui ne s'étaient pas bien conduits au combat. [...] Au temps de Julien, des hauts gradés qui avaient désertés furent exécutés." (Y Le Bohec, l'armée du bas-empire P96)

Pour échapper à un service rebutant, les italiens n'hésitent pas à se mutiler, comme le rapporte Ammien Marcellin :
"L'habitude locale en Italie de s'amputer le pouce pour échapper au service militaire, et l'épithète de "murcus" (poltron) qui en dérive, sont choses inconnues chez eux (les Gaulois)" (Ammien Marcellin, Res Gestae, 15.12)

Crise des effectifs; la faute à Théodose?
Théodose, avec l'invasion gothique de 375-382, profite de deux guerres civiles (387-388 et 392-394) pour recruter des soldats impériaux de l'armée occidentale, limitant sa dépendance aux Wisigoths qu'il a fait rentrer massivement dans son armée en Orient suite à une paix baclée. Mais ce faisant, à deux reprises, il altère l'appareil de défense occidental, tant par ces transferts que par les pertes sur le champ de bataille. En effet, lors de ces deux guerres, les prétendants occidentaux se sont montrés ouverts et non désireux d'entrer en guerre avec l'Orient. La responsabilité de la guerre civile incombe à chaque fois à Théodose. Stilicon recrute certes sur le rhin après 395 mais principalement des auxiliats germains. Tout cela concours à réduire encore la part des impériaux dans l'armée. Les recrutements de Stilicon couvrent-t-ils seulement les pertes et les transferts d'unités opérés par Théodose? La carence en troupe apparait de façon flagrante en Occident après 395.

Crise des effectifs; la faute à des unités plus de police que de guerre?
Une théorie pour expliquer la faiblesse du comitatus d'occident serait que d'autres unités existaient (les Honoriani?) mais faisaient davantage office de troupes de police, telles les unités espagnoles combattues en 409 par Gérontius, le général de Constantin III. L'armée aurait compté un nombre sensiblement plus élevé d'unités que ne le rapporte Zosime, mais incapables de mener de véritables guerres.

Crise des effectifs; la faute aux guerres?
Si d'une part les recrutements de Stilicon sont nombreux (Stilicon recrute 25 unités de 396 à 402 (Demougeot p180) puis dans l'urgence en avril 406 pour contrer Radagaise), ils ont pour but immédiat de pallier aux pertes consécutives aux guerres civiles de Théodose et aux opérations militaires nombreuses de 395 à 406, mais qui en fait n'ont pas connues d'interruption depuis 50 ans :

350-353 Guerre civile entre Magnence et Constance (Demougeot P79-81)
351 28 septembre Bataille de Mursa entre Constance et Magnence; 54.000 tués? (Demougeot P80)
352 Invasion des Alamans septentrionaux en Germanie I qui battent Décencius, césar de Magnence (Demougeot P82-86) Alamans méridionaux et les Lentienses suivent.
352 vers septembre; victoire de Constance à Pavie sur Magnence (Demougeot P81)
353 juillet, défaite définitive de Magnence (Demougeot P81)
354 Constance prend trop de retard pour sa campagne contre les Alamans, et traite avec eux. Il recrute des auxiliats pour son comitatus (Demougeot P87)
355 début de l'année Invasion des Lentienses en Rétie I (Demougeot P87). Ils défont le général Arbitio dans une embuscade.
355 Invasion des Alamans jusqu'en lyonnaise (Demougeot P87-88) Silvanus parvient à dégager Trèves et gagne Cologne (Demougeot P88) Invasion des Francs dans la région de Cologne (Demougeot P89) Une ligue regroupe Alamans septentrionaux et méridionaux et occupe la Germanie I, la Séquanique, perçant jusqu'en Lyonnaise I et Belgique II. Cologne est détruite (Demougeot P89)
355 Les Brisigavi rompent la paix au printemps et reprennent leurs incursions en Rétie (Demougeot P90)
355-356 Premières opérations militaires de Julien à Troyes et à Decempagi (Demougeot P89)
356 Julien reprend Cologne, est attaqué dans ses quartiers d'hiver à Sens (Demougeot P90)
356 Constance traite avec les Brisigavi (Demougeot P90)
357 Les Suèves de la ligue des Juthunges attaquent la Rétie II et la Norique. Les Quades attaquent la Valérie, les Sarmates la Pannonie. Constance part en campagne contre eux. Arrivé à Sirmium en juin, il défend la frontière de la Savie aux Rétie. (Demougeot P91)
357 Défaite du Magister peditum Barbation (Demougeot P91)
357 Fin août Victoire de Julien à Strasbourg (Demougeot P92) Campagne outre-Rhin de Julien (Demougeot P92-93)
357 Automne Des Francs pillent la Germanie II. Ils se heurtent au magister equitum Severus (Demougeot P93)
358 Campagne de Julien contre les Francs Saliens et les Alamans, contre les Chamaves outre-Rhin (Demougeot P93-94)
358 Hiver Les Suèves Juthunges franchissent le Danube gelé et dévastent les Réties. Constance charge Barbatio de dégager les routes rétiques de l'Italie sillonnées par les Suèves. Victoire de Barbatio (Demougeot P94)
358 Mars-avril Constance en guerre contre les Sarmates puis contre les Quades outre-Danube (Demougeot P95)
358 Constance en guerre contre les Limigantes et les Pincenses (Demougeot P95-96)
358 Campagne de Julien outre-Rhin contre les Alamans (Demougeot P97)
359 Printemps Constance en guerre contre les Limigantes (Demougeot P96)
359 Campagne de Julien outre-Rhin contre les Alamans (Demougeot P97-98)
360 Janvier Pictes et Scots pillent en Bretagne. Julien envoie quelques unités avec Lupicinus (Demougeot P98)
360 Julien soumet les Chattes (Demougeot P99)
361 Janvier Révolte des Alamans de Vadomar; défaite des Celtes et des Pétulants, Julien capture Vadomar, puis guerre outre-Rhin de Julien contre les Alamans (Demougeot P99)
365 Janvier Les Alamans méridionaux franchissent le Rhin au sud de Strasbourg. Ils envahissent la Germanie I, la Belgique I, la Lyonnaise I, la Séquanique et les Réties (Demougeot P85) Défaite des romains (Demougeot P106)
366 Printemps Jovinus Magister equitum praesentalis défait les Alamans (Demougeot P107)
366 ou 367 Valentinien refoule de la Belgique II des Francs et des Saxons (Demougeot P107)
368 Fin hiver Théodose l'ancien en Bretagne contre les Saxons (Demougeot P108)
368 Printemps Les Alamans attaquent Mayence dépourvue de garnison. Valentinien franchit le Rhin à l'été. Il ne peut intervenir qu'avec un renfort d'Italie et d'Illyrie. Campagne peu décisive de Valentinien (Demougeot P108)
369 Juin Offensive de Valentinien contre les Alamans, opérations conjointes avec les Burgondes (Demougeot P109)
370 Printemps Le Comte Nannien est débordé par des Saxons, empêchant la campagne de Valentinien contre les Alamans (Demougeot P110)
370 Théodose est envoyé guerroyer en territoire alamanique (Demougeot P111)
372 Printemps Valentinien passe le Rhin, mais ne peut forcer les Alamans à la bataille (Demougeot P111-112)
373 Révolte de Firmus en Afrique; Théodose l'ancien est envoyé par Valentinien (Demougeot P112) Valentinien ne peut guerroyer contre les Alamans en 373-374 par manque de troupes
374 Invasion de Quades et de Sarmates en Pannonie (Demougeot P112-114). Ils battent en Valérie deux légions.
375 fin hiver Théodose bat les Argaragantes qui avaient envahis la Mésie I (Demougeot P114)
375 Printemps Valentinien attaque les Quades (Demougeot P114-115)
378 Février Les Alamans Lentienses passent le Rhin gelé. Victoire romaine, Gratien recrute des auxiliats (Demougeot P122) Gratien est retenu à Sirmium par des Alains, Huns et Ostrogoths dispersés en Illyricum.
378 Septembre-Octobre Brève campagne de Gratien contre les Alamans (Demougeot P123)
379 Printemps Gratien opère avec Théodose contre les Wisigoths (Demougeot P122-123)
380 Gratien retourne en Rétie à cause d'incursion alamanique (Demougeot P123)
380 Théodose malade ne peut empêcher Ostrogoths, Alains et Huns de piller la Mésie I et la Pannonie II-Savie. ils sont fait fédérés en novembre 380 (Demougeot P123)
383 Guerre civile entre Maxime et Gratien, tué le 25 août (Demougeot P116-121-123)
384 Fin hiver, Bauto repousse en Rétie II les Juthunges grâce à ses alliés fédérés de 380, puis bat les Sarmates en Valérie (Demougeot P123-124)
387 Sarmates et Goths reviennent menacer les routes des Alpes orientales (Demougeot P124)
388 Défaite en Germanie du magister militium Quentin (Richardot P124-125, Demougeot P124-125)
388 Guerre civile entre Maxime et Théodose : morts, transferts d'unités (Richardot P43, Demougeot P125-155)
388 Guerre entre Victor et Arbogast (Demougeot P125)
388 Fin de l'année Arbogast force les Francs à la paix (Demougeot P125)
392 Printemps Les frontières alpines sont menacées par de nouvelles invasions (Demougeot P126)
392 Pillage de Trèves par les Francs (Demougeot P126)
393 Campagne d'Arbogast au-delà du rhin (Richardot P126-127, Demougeot P121-127)
394 Guerre civile entre Arbogast et Théodose : morts, transferts d'unités (Demougeot P128)
395-397 Guerre avec Alaric en Orient (Demougeot p164-165)
395-399 Révolte des fédérés de Pannonie (Demougeot p159-164-171-186)
398 Guerre en Afrique contre Gildon (Demougeot p180, Richardot P87)
397-398 Guerre sur le rhin (Demougeot p128-194-195)
401 Guerre avec les Quades, vandales et marcomans qui pillent la rétie (Demougeot p172-187)
401-402 Guerre avec Alaric en Italie (Demougeot p169-173-174)
406 Guerre avec Radagaise en Italie (Demougeot p424-425)

De 350 à 406, sur 56 ans, l'Empire connait 39 années de guerres et 17 seulement sans opérations militaires. L'appareil militaire ne peut que s'éroder face à une telle mobilisation de ses ressources.

Après Pavie; désagrégation des unités régulières?
Après Pavie en 408, les 20.000 soldats réguliers (Gaulois, Bretons, Germains des auxiliats) ne peuvent contrer les Wisigoths (20.000), rejoints par les fédérés pannoniens et les Goths de Radagaise (15.000, 30.000 selon Zosime en comptant des civils, soit 35.000 à 50.000 au total). Les unités joignant Alaric ne sont pas les auxiliats palatins : intégrées depuis longtemps, ces unités n'ont pas de raison de le faire, à l'inverse des Goths de Radagaise recrutés en 406 et des fédérés de Pannonie, qui ont déjà trahi en 395-399 et en 401, et dont les familles sont maintenues en otage dans les villes d'Italie.

Les troupes de Pavie, coupées de leurs hiérarchies, sans généraux, prompts selon l'époque à la désertion, sans contrôle administratif, sans soldes, inemployées et inemployables au regard du contexte, se débandent probablement pour la plupart. Aucune intervention majeure n'est envisagée avant le début 411 avec Constance contre Constantin III en Gaule, soit 2 ans ½ après la sédition. Ces unités seraient-elles restées l'arme au pied pendant ce temps dans de telles conditions? Logiquement, ces unités échappent au contrôle de l'administration impériale après Pavie et se dispèrsent, sans doute rapidement.
Si 6.000 soldats peuvent être envoyés pour la défense de Rome au début 409, probablement en provenance de la garnison de Pavie, il ne semble pas que d'autres soldats soient mobilisés depuis les garnisons d'Italie du Nord, indiquant que l'essentiel des troupes de Pavie ne sont plus opérationnelles. La même année, Honorius, sous la pression d'Attale et d'Alaric, est prêt à abandonner Ravenne pour Constantinople ; il est sauvé par 4.000 soldats orientaux, ce qui indique que les troupes restantes après la sédition d'août 408 ne sont pas amenées à Ravenne et qu'Honorius y demeure seul, sans doute sous la seule protection des scholes palatines.
On ne voit intervenir contre les Wisigoths qu'un nombre limité de Huns et de suivants de Sarus (300 à chaque fois). Le mode de recrutement, héréditaire pour les impériaux, laisse à penser qu'il devient dès lors impossible de renouveller ces unités d'autant que Gaule et Bretagne, provinces d'où devaient provenir les dernières recrues impériales échappent elles-aussi à l'administration impériale.
Constance et ses prédécesseurs recrutent auprès de peuples riverains des Auxiliats (cf liste des Comes Hispenias et Comes Illyricum, prédominance nette de ce recrutement), signe que la legio comitatenses composée d'impériaux a vécu, et que ces derniers n'ont plus voix au chapitre de la guerre. En comparaison les mercenaires germains par l'entremise des auxiliats représentent une main d'oeuvre abondante, relativement fidèles, ne proposant pas d'usurpateurs, et directement recrutables.

Le recrutement des auxiliats pour combler les vides
351 : L'armée de Magnence à Trèves compterait 36.000 hommes, soit un recrutement de près de 18.000 Francs en un an, versés certainement dans des unités d'auxiliats (Demougeot P80, P94 note 39).
354 : Constance traite avec les Alamans et recrute des auxiliats pour son comitatus (Demougeot P87 note 7)
361 : Julien part contre Constance en Illyricum avec 23.000 hommes (Demougeot P94-99-102), soit 10.000 hommes de plus qu'à Strasbourg en 357, sans doute pour l'essentiel des Auxiliats Francs. Il laisse de plus un haut gradé en Gaule (magister equitum per gallias) avec donc des troupes importantes. Le chiffre de 10.000 recrues est donc un minimum ; en réalité peut-être supérieur à 20.000.
367 : Valentinien recrute 10 à 14 Auxiliats soit 5.000 à 7.000 hommes suite à l'échec d'un recrutement national (Demougeot P119).
Ainsi, de 351 à 367, sur 16 ans, un minimum de 33.000 auxiliaires sont recrutés : le chiffre réel atteint peut-être 50.000 si l'on prend en compte l'armée que Julien doit laisser en Gaule pour sécuriser cette dernière! Cette politique permet de soulager d'autant la pression aux frontières et de combler les vides dans l'armée impériale.
378 Février Les Alamans Lentienses passent le Rhin gelé. Victorieux, Gratien recrute des auxiliats sitôt la victoire acquise (Demougeot P122)
393 : Francs et Alamans fournissent des renforts à Arbogast, sans doute auxiliats (Demougeot P127)
396-402 : Recrutements de Stilicon (25 unités dont 18 auxiliats pour 9.000 hommes) (Demougeot p180)
Après 408 : le Comte d'Espagne a 11 auxiliats (contre 5 légions), le Comte d'Illyrie 12 auxiliats (contre 5 légions et 5 pseudocomitatenses), le magister equitum per gallias 1 légion palatine, 4 vexillation palatina et 16 auxiliats (contre 8 vexillation comitatenses, 9 légions comitatenses, et 21 légions pseudocomitatenses) (Notitia Dignitatum)

Avec la réticence des impériaux à s'engager (succession des lois contre les déserteurs, contre les mutilés, passage au second plan dans les récits des Legio comitatenses au profit des Auxiliats et des Legio palatina à recrutement germanique), le mode de recrutement par excellence devient celui des Auxiliats, rapidement disponibles aux frontières en grand nombre, loyaux et efficaces. S'y ajoute l'emploi de fédérés, souvent admis dans de mauvaise conditions (Wisigoths en Orient), et des Lètes parfois peu fiables (coup de force devant Lyon avant la bataille de Strasbourg en 357). L'armée se germanise, mais cela ne peut visiblement suffire à assurer des effectifs suffisants, peut-être en raison de la crainte de voir les soldats germains devenir plus nombreux que les soldats impériaux. Cela semble pourtant le cas en 406. On retrouve en Italie du Nord 10.000 impériaux, 10.000 germains d'auxiliats, 15.000 fédérés Goths-Alains et Huns).

Le règne de l'empereur militaire Valentinien I (364-375) : rétrospectivement un échec?
Valentinien possède une double caractéristique intéressante pour l'antiquité tardive et ce problème des effectifs de l'armée : il règne longtemps et c'est un militaire. Face au problème de son temps, on s'attend donc à ce qu'il expérimente des remèdes. Valentinien mène ses actions sur plusieurs points :

-Mesures façilitants le recrutement dans l'armée tel que la réduction de la taille minimale pour les recrues;
-Lutte contre les déserteurs;
-Verser dans les effectifs des unités combattantes les valets des soldats, tour de passe-passe qui semble en dire long sur la pénurie de troupes : “La plupart des soldats emmènent avec eux des hommes nés dans le pays, comme s'ils étaient leurs parents, ou en tant que valets d'armée si bien que l'armée s'accroit d'une foule très nombreuse. Avertissement leur est donné de présenter ces hommes à leurs tribuns ou à leurs officiers faute de quoi, ils seront relégués loin de leurs compagnons d'armes, sans marque d'attachement et avec une atteinte à l'honneur. En outre, un grade sera accordé à ceux qui auront révêlé les perfides qui les cachent, en récompense de leur indication. Tandis que seront rétrogradés à un rang inférieur ceux qui par le soin d'une molle complaisance, auront cru devoir cacher des jeunes aptes au service militaire.” (C TH VII, 1,10 du 14 février 367)

Ceci ne permet pas le recrutement d'impériaux. Valentinien se résigne alors :
-Recrutement d'auxiliats, entre 10 et 14 (Demougeot P119). Les auxiliaires deviennent le grand ressort du recrutement avec les Déditices et les Lètes, pour combler pertes et désertions, ce qui confirme la tendance sous Magnence et Julien. Ces nombreux recrutements d'auxiliaires soulèvent une question : y a t-il une obligation héréditaire pour ces unités?

Mais ce recrutement ne permet pas de combler les vides :
-Valentinien mène une politique de fortification aux frontières.
-Valentinien use de la diplomatie pour opposer entre eux les barbares.
-Surtout, il ne peut parfois mener campagne faute de troupes (lorsque Théodose l'ancien est en Bretagne puis en Afrique avec des troupes d'élite). L'armée semble donc compter sur l'élite du comitatus pour faire la décision en bataille rangée. Y a t-il un impact psychologique sur les autres troupes dans une bataille lorsque l'élite est engagée? Cela confirmerait ce que dit Philippe Richardot de l'armée tardive (“La capacité opérationnelle repose sur peu d'unités expérimentées fréquemment engagées” P85-86-89). Ammien Marcellin lui cite très souvent dans ses textes des noms d'unités prestigieuses souvent engagées à la guerre, mais rarement d'autres unités :
Les Joviens (une légion palatine) sont cités 6 fois, les Bataves 6 fois, les Celtes 6 fois, les Hérules 5 fois, les Pétulants 5 fois, et les Cornutes 5 fois (tous des auxilias). Cela ne signifie pas que l'armée se résume à quelques unités d'élites mais que ces dernières semblent être la charpente d'une armée en guerre, et que sans elles, on hésite à engager les autres unités, dont la valeur ou la capacité à rompre l'armée adverse semble moindre. Ces unités d'élites décident souvent des batailles. C'est le signe que le comitatus occidental tourne avec très peu de troupes. Ce fut peut-être le cas tout au long de la seconde moitié du IV siècle, mais le contexte se dégrade au début du V siècle.

Après 12 ans de règne, Valentinien I consacre le déclin de l'armée régulière romaine (lois inefficaces, désertions, mutilations, pertes à la guerre) sur les Auxiliats, le manque général de troupes, le recours à des fortifications pour pallier ce déficit, dans un contexte certes complexe et difficile de guerres permanente, contre les Alamans principalement.

Conclusion
Dans de telles conditions, il n'est pas étonnant que l'Occident s'effondre militairement au début du V siècle. Au regard d'un problème aussi chronique, on aurait pu même s'attendre à ce qu'il connaisse un tel destin plus tôt, au cours du IV siècle. Mais les empereurs parviennent alors à faire la guerre sur un seul front la plupart du temps.
Par contre au début du V siècle, la situation est plus complexe que jamais :
-Des fédérés Wisigoths sont présents dans l'Empire et leur roi Alaric cherche à obtenir un haut commandement dans l'armée. Pour cela il alterne une politique d'alliance avec l'empereur et des périodes de révoltes ouvertes (401-402, 407-410)
-Le généralissime Stilicon cherche avant tout à prendre l'ascendant sur ses adversaires politiques antigermaniques de Constantinople, ainsi qu'à garder son pouvoir sur Honorius. Se faisant, et pour pallier son manque de troupes, il ne peut détruire les Wisigoths.
-L'empereur veut plus que tout se débarasser d'un usurpateur, Constantin III, qui menace son trône.
-L'aristocratie sénatoriale semble être gagnée par l'antigermanisme comme le montre les propos d'un sénateur opposé à l'alliance avec les Wisigoths prônée par Stilicon en 408.
-L'armée régulière est soucieuse du sort des familles des soldats et se préoccupe peut-être davantage de l'état de la Gaule et des invasions de 406-407.
-Les fédérés Ostrogoths, Alains, Huns sont soit révoltés périodiquement soit recrutés depuis trop peu de temps pour être fidèles. On leur témoigne de plus une forte défiance, et leurs familles sont retenues en otage; ils savent peut-être ce qui est advenu des civils Wisigoths en Orient après Andrinople (tous furent massacrés cf Ammien Marcellin, Res Gestae, 31,16).

Cette situation complexe amène Stilicon à mener une politique impopulaire en terme d'alliance (wisigothique) et de recrutement (barbares de Radagaise); ménageant un ennemi intérieur (Alaric), suscitant antigermanisme au sénat, ne donnant ainsi pas la priorité à l'invasion de la Gaule dévastée (grogne chez les soldats réguliers) ou à Constantin III (priorité pour Honorius qui se détache de son généralissime sous l'influence d'intrigants tel Olympius, partisan d'un nationalisme irréaliste vu le contexte).
La moitié du comitatus est alors composée de fédérés peu fiables, ne tenant leur place qu'en raison de la protection de Stilicon; la révolte antigermanique démontre que ces barbares exotiques devaient faire l'objet de défiance voir de menace plus ou moins ouvertement, et ce dans les milieux officiels ou populaires. Ces milieux semblaient s'en méfier, de même que Stilicon qui prend la précaution d'enfermer les civils barbares pour donner une mesure de défense et de rétorsion à la population civile romaine.
La mort de Stilicon, en raison de sa politique tendant à la guerre civile avec Constantinople et progermanique provoque la désertion des fédérés, ce qui renforce d'autant les Wisigoths. L'empereur, impuissant militairement, empêtré dans une alternance de politique pro et antigermanique, obsédé par Constantin III autant que Stilicon l'était de l'Orient empêche toute solution diplomatique. Rome sert d'otage à Alaric de 408 à 410.


Les raisons de l'inaction de l'armée romaine dans les années 408-410

En 411, Constantius utilise certainement pour la guerre contre Constantin III les survivants de l'armée séditieuse de Pavie. Mais pourquoi ces soldats n'interviennent-ils pas en 408-410 contre Alaric?
Honorius est à Pavie lors de la sédition le 13 août 408. Par la suite à Milan, il se retrouve assez vite à l'abri à Ravenne, accompagné de quelques troupes, hors de portée des Wisigoths, qui passent en Italie dès fin septembre ou début octobre 408. Honorius et Olympius durant ces 6 semaines commencent à mettre en place leur politique antigermanique et traquent des proches de Stilicon.
Mais quel sort pour l'armée de Pavie? Est-elle désorganisée, peut-elle être rassemblée par Olympius, a-t-elle encore sa cohésion, une cohérence en terme d'unités? On note que seuls les 6.000 hommes de Valens interviennent en 409, ce qui laisse sur le carreaux environ 14.000 soldats.

-Olympius, avec son pouvoir neuf, devait avoir un soutien militaire pour s'imposer aux autres intrigants d'Honorius. Les 6.000 pouvaient y suffire, mais pourquoi négliger les 14.000 autres?

-Faut-il penser que les autres unités sont à ce point désorganisées après la sédition (mort des officiers germains, dispersion des troupes, désertions...) qu'Olympius ne peut les ramener à Ravenne? Cela parait peu cohérent, car il s'agit d'une marche en terrain connu et maitrisé, allant de Pavie à Ravenne. Même à titre individuel, un soldat peut être transferé sans difficulté d'un point de ralliement à un autre d'autant que la distance est courte. Il n'y a pas de problème logistique. En cas de besoin, les soldats auraient donc pû être amenés à Ravenne. Or après la destruction des 6.000 début 409, Attale viendra mettre impunément le siège devant Ravenne et Honorius ne devra son salut qu'aux renforts de Constantinople (4.000 hommes), ce qui indique qu'il ne restait plus aucune troupe, à part les scholes palatines, pour défendre Ravenne et Honorius. Ces scholes palatines sont au nombre de 5 selon la notitia dignitatum : Scola scutariorum prima, Scola scutariorum secunda, Scola armaturarum seniorum, Scola gentilium seniorum, Scola scutatorium tertia. Au total, environ 2.000 cavaliers d'élite. Donc les 14.000 ne sont pas à Ravenne.

-Une partie des 14.000 est peut-être à Ravenne avec les scholes en plus des 6.000. Ainsi Honorius ne se sépare que d'une partie de sa garnison lors de l'envoi de Valens en 409, et garde des soldats auprès de lui pour le défendre en plus des scholes palatines. Mais même dans ce cas, ce supplétifs sont peu nombreux car le renfort des 4.000 constantinopolitains est présenté comme décisif pour Honorius. Ainsi, peut-être 1.000 ou 2.000 soldats supplémentaires sont amenés à Ravenne. Il en resterait encore au moins 12.000 aux alentours de Pavie dont le sort est inexpliqué.

-Les 14.000 sont-ils laissés sur place, à Pavie, car jugés non fiables après la sédition? Il est possible que les 6.000 se soient montrés zélés et les 14.000 passifs, ou inversement qu'Honorius se soit senti menacé par les 14.000 auteurs de la sédition et qu'il garda avec lui ultérieurement les 6.000 qui restèrent l'arme au pied et qui ont ainsi garanti sa sécurité.

-Des désertions massives ont-elles touché ces troupes? Elles sont possibles mais ne peuvent toucher autant de troupes simultanément. En cas de désertion, ces troupes peuvent rejoindre Stilicon – mais il est au sud, jugé comme un traître, puis rapidement assassiné, de plus, la sédition s'est voulue antigermanique ; rejoindre Constantin III aurait donné un avantage à ce dernier qu'il n'eut jamais. Donc si désertion il y eu, sans doute pas un phénomène massif expliquant la disparition de ces 14.000 soldats.

-Ces 14.000 soldats auraient été placés en garnisons dans des villes de l'Italie du Nord, comme les 6.000 le seront d'ailleurs à Ravenne. Le renfort des 6.000 en 409 indique que Rome est sans garnison et que les 14.000 n'y sont pas envoyés suite à la sédition. Donc ces 14.000 ont pu être envoyés dans d'autres villes, comme semble l'indiquer le massacre des familles des fédérés.
Ces civils germains sont placés précédement par Stilicon dans les villes d'Italie pour garantir la loyauté des fédérés. Ce massacre est selon Zosime non le fait des citadins, mais de garnisons. Les 14.000 participent peut-être au pogrom antigermanique suivant la mort de Stilicon. Zosime parle de soldats qui entreprennent le massacre une fois la mort de Stilicon connue, or le massacre suit de très près chronologiquement sa mort. Donc il pourrait être le fait de garnisons en place avant la sédition, et ne pas concerner les 14.000.
Les établissements de fédérés dits sarmates sont concentrés en Italie du Nord autour de plusieurs villes. 7 des 10 établissements recensés en Italie du Nord sont situés entre 35 et 75 kilomètres de Pavie, lieu de la sédition militaire où stationne l'armée ; les deux plus éloignés étant à 130 et 150 kilomètres. Enfin, un établissement se situe à Bologne, ville où est cantonné Stilicon avec les fédérés eux-mêmes. On ne sait pas où Stilicon avait décidé d'installer les familles de ces fédérés, mais au regard de la difficulté de déplacer des populations entières, peut-être furent-elles installées dans les villes voisines des établissements, simplifiant le problème de la logistique, et évitant d'humilier les fédérés envers lesquels Stilicon restait bienveillant. Par ailleurs, l'installation dans le sud de l'Italie de ces familles n'entraînait aucune garantie de sécurité supplémentaire. Il est donc possible que le massacre des familles des fédérés se soit produit uniquement dans le nord de l'Italie, zone géographiquement restreinte, ce qui explique que les fédérés restés à Bologne soient rapidement au courant de la situation et cherchent à s'allier à Alaric lors de son arrivée en Italie après la chute de Stilicon.
L'ordre du massacre des familles des fédérés, premier acte de la politique “d'épuration”anti-barbare d'Olympius, a dû être donné par prudence après l'annonce de la mort de Stilicon survenant le 23 août. Le massacre aurait pu pousser les fédérés à se révolter avec Stilicon si ce dernier était encore en vie et apparaissait comme un recours possible pour eux. Alaric lui arrive encore bien après (fin septembre, début octobre) et ne menace pas encore l'Italie. Plus d'un mois s'écoule entre la mort de Stilicon et l'arrivée d'Alaric en Italie. Une armée sur des voies pavées pouvant parcourir 20 km par jour, les 14.000 ont pu être envoyés dans toute l'Italie du Nord pour participer au pogrom aux côtés des garnisons déjà établies dans diverses villes, voir pour leur en donner la consigne ou pour les forcer à obtempérer, car ces 14.000 ont pu être montés contre ces civils germains par les intriguants de Pavie. Pour faciliter ce pogrom, Olympius a pu donner l'autorisation de piller les biens de ces civils. Cependant, celà exclut probablement les familles gardées à Bologne-même, là où la présence des fédérés concentrés par Stilicon dissuade les troupes régulières d'intervenir. Les autres familles sont par contre sans défense, les fédérés étant à Bologne.
Comme Alaric n'est pas encore passé en Italie et parlemente dans un premier temps, Honorius et Olympius ne voient peut-être pas la nécessité immédiate de concentrer une grande armée comme l'avait fait Stilicon, l'Italie n'étant pas sous la menace d'une invasion. Ils peuvent également estimer que les fédérés ne se révolteront pas – d'ailleurs une partie des fédérés n'est pas prête à rompre avec l'autorité impériale dans un premier temps. Ainsi, Sarus est présenté comme ayant de nombreux barbares sous ses ordres prêts à combattre Alaric (Zosime V,36). Ces fédérés qui sont prêts à rester dans l'alliance avec les impériaux sont peut-être ceux dont les familles, placées dans Bologne ou plus à l'est, sont épargnées par le massacre des soldats. Honorius et Olympius estiment donc que les fédérés seront contrôlables, et que la négociation ou la menace éloigneront Alaric. Les troupes anciennement concentrées à Pavie sont donc divisées :
“Si l'on choississait de faire la guerre (à Alaric), (il convenait) de rassembler tout ce qu'il y avait d'unités armées, de les mettre en position sur le passage de l'ennemi, d'empêcher le Barbare de s'avancer plus loin et de désigner Sarus comme chef et général pour toutes les opérations ; d'une part il était de taille à terrifier les ennemis [...], d'autre part il disposait aussi d'une foule de barbares qui suffisait à leur faire obstacle. Cependant Honorius n'accepta pas de conclure la paix, ni ne se concilia l'amitié de Sarus, ni ne rassembla l'armée romaine” (Zosime, V,36).
Il apparait donc que l'armée est divisée. Une partie va à Ravenne avec Honorius et Olympius, 6.000 hommes ou plus qui serviront de renforts à Rome début 409. L'autre partie, environ 14.000 hommes, est envoyée dans les cantonnements tout proche des fédérés pour piller leurs biens et pour participer au massacre de leurs familles stationnées dans les villes voisines de ces cantonnements. Par ailleurs, il est également possible qu'une part de ces 14.000 hommes soient placée en garnison au Nord de l'Italie pour surveiller l'usurpateur Constantin III. Enfin, multiplier les cantonnements permet de contrôler plus facilement l'armée, séditieuse et toujours mécontente, car l'un de ses motifs de révolte, l'état de la Gaule, reste d'actualité. Avec l'abandon de l'intervention programmée par Stilicon, la Gaule reste ouverte aux déprédations des barbares. Honorius a donc intérêt à ne pas concentrer à nouveau l'armée en un seul point. Il apparait que les 14.000 restent répartis dans divers cantonnements au moins jusqu'à l'arrivée d'Athaulf début 409. Mécaniquement, 14.000 soldats ont pu être répartis équitablement entre les 7 différentes préfectures barbares du Nord de l'Italie lors des pillages et des massacres suivant la séditionde Pavie, soit 2.000 soldats par cantonement.

Liste des préféctures de Sarmates en Italie selon la notitia dignitatum :
Praefectus Sarmatarum gentilium Apuliae et Calabriae.
Praefectus Sarmatarum gentilium per Brittios et Lucaniam.
Praefectus Sarmatarum gentilium Apulia et Calabriae.
Praefectus Sarmatarum gentilium Brutios et Lucaniam.
Praefectus Sarmatarum gentilium, Foro Fuluiensi. ?
Praefectus Sarmatarum gentilium, Opittergii. (Opitergium - Oderzo)
Praefectus Sarmatarum gentilium, Patauio. (Padoue – Padova)
Praefectus Sarmatarum gentilium, ..... (lacune)
Praefectus Sarmatarum gentilium, Cremonae.
Praefectus Sarmatarum gentilium, Taurinis. (avg taurinorum - Turin)
Praefectus Sarmatarum gentilium, Aquis siue Tertona. (Tortona?)
Praefectus Sarmatarum gentilium, Novariae. (Novare)
Praefectus Sarmatarum gentilium, Vercellis. (Verceil – Vercelli)
Praefectus Sarmatarum gentilium, Regionis Samnitis.
Praefectus Sarmatarum gentilium, Bononiae in Aemilia. (Bologne)
Praefectus Sarmatarum gentilium, Quadratis et Eporizio. (Eporadia/Eporedia ; Ivrea)
Praefectus Sarmatarum gentilium, (in Liguria) Pollentia.

Italie


En Rouge : les trois capitales de l'Occident : Rome, Ravenne, Milan.
En Orange : les sites précis des préféctures de Sarmates en Italie du Nord, tous relativement proches de Pavie.
En Bleu : les sites approximatifs de préféctures de Sarmates.
En Noir : Pavie, lieu de la révolte antigermanique.
En Violet ; Pise, lieu de l'escarmouche entre Athaulf et 300 cavaliers Huns en février 409.

Alaric ne semble pas disperser ses troupes en Italie du Nord pour contrôler les routes et empêcher tout renfort vers Rome ; ainsi, Olympius peut envoyer 6.000 hommes en renfort vers Rome début 409, après s'être concilié avec Constantin III, reconnu comme co-empereur. A cette occasion, on note que les 14.000 hommes stationnés plus au nord-ouest de l'Italie auraient pu être envoyés, mais cela aurait dégarni la défense de l'Italie du Nord contre soit les barbares danubiens, soit éventuellement de Constantin III qui aurait alors pu passer impunément en Italie sans rien craindre d'Honorius. Enfin, le but de ce renfort de 6.000 hommes n'était visiblement pas de faire la guerre à Alaric avec lequel un accord venait d'être conclu, mais de placer à Rome une garnison à même de défendre la ville en cas de nouveau siège, ainsi que de sécuriser la région soumise au pillage et à l'insécurité ; inutile donc d'y envoyer des renforts qui auraient alors manqué en Italie du Nord.

Vers le mois de février, ces 6.000 hommes sont tués ou plus probablement capturés par Alaric. De fait, la tension remonte entre Honorius et Alaric, alors que l'empereur ne dispose plus que des 14.000 soldats situés aux alentours de Pavie, et encore divisés entre plusieurs cantonements. A la même date, Athaulf, le frère d'Alaric, passe en Italie avec des renforts et n'est pas arrêté, mais subit un revers à Pise contre des Huns de la garnison de Ravenne. Cette attaque d'une partie de la garnison de Ravenne témoigne sans doute du regain de tension entre Honorius et Alaric suite à l'expédition malheureuse de Valens et de ses soldats. A cette occasion, Honorius aurait demandé aux garnisons de quitter leurs cantonements pour combattre Athaulf :
“lorsque l'empereur en eut vent et sut qu'il ne disposait pas de forces considérables, il ordonna à tous les soldats, cavaliers et fantassins qui se trouvaient dans les villes de s'avancer contre lui avec leurs commandants” (Zosime V, 45).
Ceci témoigne qu'au début de l'année 409, l'armée est encore divisée en divers cantonements dans les villes d'Italie du Nord. Cependant, seuls des cavaliers Huns parviennent à combattre Athaulf avant que ce dernier ne réalise sa jonction avec son frère Alaric, ce qui témoigne peut-être de l'éloignement des autres garnisons, ou de leurs divisions ; il était en effet risqué de les engager dans le combat de façon dispersée. Enfin, les ordres d'Honorius arrivent peut-être trop tard, alors que le contingent de cavaliers Huns part directement de Ravenne avec les ordres de l'empereur. Il lui est plus facile d'agir avec diligence.

En mars-avril éclate une sédition à Ravenne qui aboutit au remplacement des généraux de l'armée et par une inflexion de la politique nationaliste menée jusqu'alors. La présence des hauts-gradés de l'armée Turpillion, Magister equitum praesentalis, et Vigilance, Magister equitum per gallias peut être un signe de la présence d'autres troupes à Ravenne restantes dans la capitale suite au départ des 6.000 dalmates. Par ailleurs, la sédition est le fait de soldats certainement impériaux et non le fait de troupes germaniques composant habituellement les scholes palatines et peu ou pas sujettes aux révoltes. Cependant, ces troupes doivent être peu nombreuses, car les renforts orientaux de la fin 409, 4.000 soldats, semblent décisifs pour assurer le trône d'Honorius contre Attale.

Les ambassades se succèdent. Les échecs successifs mettent dos à dos Honorius et Alaric. Honorius percevant qu'une reprise des hostilités est possible après que les principaux ministres aient jurés sur sa personne de poursuivre la lutte contre Alaric à tout prix (Zosime V, 49) : il rassembla ses forces de toutes parts” (Zosime, V,50). Cette indication qu'il faut peut-être remettre en cause, car Zosime parle dans le même paragraphe de l'embauche de 10.000 Huns en renfort, qui n'apparaitront jamais nulle part. Par ailleurs, la suite des évènements montre que Ravenne est globalement dépourvue de garnison d'importance.

Au troisième trimestre 409, Alaric, déçu par les négociations infructueuses avec Honorius et ses ministres, revient devant Rome, et en reprend le siège en automne. Fin octobre ou début novembre 409, pour éviter une nouvelle famine dans la ville, le sénat conclu un accord avec lui et nomme le préfet de la ville Attale empereur (Zosime VI, 6-7, Sozomène IX, 8). Début 410, Honorius panique et envoie une ambassade à Attale pour lui demander un partage du pouvoir. Attale se rend à Rimini avec une armée composée de romains et de Goths :
"When it was announced that Attalus had reached Ariminum, with an army composed partly of Roman and partly of barbarian troops, Honorius wrote to him to acknowledge him as emperor, and deputed the highest officers of his court [...]" (Sozomène IX, 8,5).
Les troupes romaines accompagnant Attale sont sans doute toute ou partie des 6.000 renforts dalmates du début 409, capturés par Alaric. A cettte occasion, ils sont certainement très “encadrés” par les fédérés et les Wisigoths, et servent sans doute davantage de garde à Attale, ce qui permet à se dernier de s'afficher cependant avec des troupes impériales. Outre ces troupes, Attale emmène certainement de quoi faire pencher la balance de son côté : Alaric peut rassembler jusqu'à 20.000 wisigoths, et environ 15.000 fédérés qui marchent enfin contre celui qu'ils jugent responsable de la mort de leurs familles, soit potentiellement 40.000 soldats. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que les 14.000, tout au plus, soldats stationnés aux alentours de Pavie ne tentent rien de suicidaire à cette occasion. Seuls les renforts arrivés par mer de Constantinople dissuadent Honorius de fuir en Orient. Ravenne semble donc dépourvu d'une garnison nombreuse, ces renforts étant estimés à seulement 4.000 hommes :
"The affairs of Honorius were reduced to so critical a condition, that ships were kept in readiness to convey him, if it were necessary, to his nephew, when an army of four thousand men which had started from the west arrived unexpectedly during the night at Ravenna; Honorius caused the walls of the city to be guarded by this reinforcement, for he distrusted the native troops as inclined to treachery" (Sozomène, IX,8,6 ; Zosime VI,8).
Honorius fait donc garder les murs de Ravenne par ces renforts, et semble se méfier ici de la garnison précédante, composée certainement d'une partie des troupes anciennement stationnées à Pavie avant la sédition. Ces troupes, les dernières avec les scholes palatines à Ravenne, après le départ des 6.000 en renfort à Rome début 409, s'étaient révoltées en mars-avril contre les favoris d'Olympius, d'où peut-être une certaine méfiance d'Honorius. Le fait qu'Honorius décide de rester après l'arrivée des renforts montre que ces derniers sont plus nombreux, mais aussi et surtout jugés plus fiables.

Au printemps 410, Alaric entre en guerre contre les villes fidèles à Honorius. Il se rend d'abord en Emilie. Après quelques succès et un échec devant Bologne, il se rend au nord-ouest en Ligurie où se trouvent Milan et Verceil, non loin de Pavie et de l'armée impériale (Zosime VI,10). Alaric passe donc peut-être à l'offensive contre les troupes restantes à Honorius en Italie du Nord, peut-être dans le but de prévenir toute jonction entre ces troupes et celles de Constantin III, plus certainement pour affaiblir encore davantage Honorius. Aucun récit de bataille ne nous est parvenu.

Peu avant l'été, alors qu'entretemps le siège de Ravenne est abandonné, un débat a lieu au sénat de Rome sur la nécessité d'envoyer des soldats Goths en Afrique avec des soldats romains pour le contrôle de cette province, encore fidèle à Honorius :
“tous pour ainsi dire furent d'avis qu'il fallait aussi envoyer des barbares en Afrique avec les soldats. [...] Seul Attale avec d'autre en petit nombre n'approuve pas l'opinion de la majorité car il ne voulait envoyer aucun barbare avec l'armée” (Zosime VI,12).
Il est donc clair qu'Attale dispose bien de soldats romains, certainement les 6.000 dalmates qu'Alaric n'a pas tués mais seulement fait désarmer avec leur capture. Attale est publiquement dégradé de son titre d'Auguste peu après par Alaric.

En juin 410, Constantin III part pour Ravenne avec son armée, qu'il a renforcée avec des rappels de troupes de son général Gérontius en Espagne (Demougeot P445), soit pour combattre contre Alaric, soit pour s'imposer à Honorius. Il fait finalement demi-tour après être arrivé jusqu'aux plaines du Pô : “il guerroya en Ligurie contre Alaric, s'avança jusqu'à Bologne et cèda probablement à l'offre de supplanter Honorius, faite par le Comte des domestiques Allobic mais il renonça à cet expédient dès qu'il apprit la mort d'Allobic et, au début juillet, il regagna la Gaule, sa pars imperii, pour y rester un empereur légitime associé à Honorius” (Demougeot P441,445). (Sozime VI,1 notes).
"In the meantime, Constantine [...] caused his son to be proclaimed emperor instead of Caesar, and determined to possess himself of Italy. With this view, he crossed the Cottian Alps, and entered Liverona, a city of Liguria. He was on the point of crossing the Po, when he was compelled to retrace his steps, upon being informed of the death of Alavicus. This Alavicus was the commander of the troops of Honorius, and being suspected of conspiring to place the entire Western government under the domination of Constantine, he was slain when returning from a procession [...] Constantine fled and seized Aries, and Constans, his son, hastened from Spain, and sought refuge in the same city" (Sozomene, IX,12).
"Meanwhile, the command of Ravenna devolves upon the praepositus Eusebius, who, soon afterwards, by the cruelty of Allobich and by public decree is flogged to death in the sight of the emperor. [...] Soon afterwards, Allobich pays the penalty for the murder of the praepositus Eusebius, and is put to death before the emperor. The tyrant Constantine, when informed of the death of Allobich, sets out in haste for Ravenna, to make a treaty with Honorius, but being alarmed, turns back" (Olympiodore).

A l'été 410, Alaric se rend à Rimini pour négocier avec Honorius, ce qui est rendu possible par la déposition d'Attale. Sarus, depuis le massacre de la garde de Stilicon en août 408, a gardé sa garde de 300 buccellaires dans le Picénum. En juillet 410, Athaulf se prépare à attaquer Sarus avec des forces supérieures en nombre. Jusqu'alors neutre, Sarus décide de prendre le parti d'Honorius, précisément au moment où Alaric et Honorius commençaient à s'accorder. Sarus se rendit compte que cette alliance lui serait fatale et chercher à l'empêcher. Il attaque à l'improviste les hommes d'Alaric et en tue un certain nombre; puis prend contact avec Honorius et le convainc de ne pas réaliser d'alliance avec Alaric. Sarus entre à nouveau au service de l'empereur avec le grade de Magister militium, apparement comme successeur de Valens. Destitué de l'espoir de conclure un accord avec Honorius, Alaric retourne vers Rome qu'il assiège pour la troisième fois. Il s'en empare le 24 août 410. A cette date, il est délicat de déterminer l'état des armées impériales :
- Les 6.000 dalmates de Valens puis d'Attale : dans un premier temps épargnés pour ménager Honorius et ses ministres, ils deviennent encombrants à partir du moment où, Rome pillée, la perspective d'un accord avec Honorius s'éloigne considérablement. Ne pouvant se mettre au service d'Alaric, ils sont probablement tués après le sac de la ville lorsque Alaric décide de se diriger vers le sud pour passer en Sicile.
- Les 14.000 soldats restant à Pavie et dans ses environs sont divisés en plusieurs cantonnements au moins jusqu'en février 409 (arrivée d'Athaulf). Par la suite, vers l'été 409, Honorius rassemble ses troupes selon Zosime, à une époque où il ne dispose que de sa garnison réduite de Ravenne et de ces 14.000 soldats. Fin octobre ou début novembre 409, la proclamation d'Attale comme empereur pousse peut-être Honorius à concentrer ces soldats dans une grande ville (Milan, Pavie...). Enfin, au printemps 410, Alaric entre en guerre contre les villes soutenant encore Honorius, et se rend en Ligurie où ces 14.000 sont sans doute encore stationnés, soit en un point ou en plusieurs cantonnements. A cette occasion, plusieurs cantonnements tombent peut-être.
- La garnison de Ravenne : les scholes palatines, les renforts orientaux, les quelques autres troupes y stationnant, représentant entre 5.000 et 10.000 hommes.

En septembre 410, Constantin III, fort de son armée intacte, puisqu'il n'a pas ou peu combattu les Wisigoths, proclama son fils Constant empereur et l'envoya en Espagne avec une partie de son armée, pour combattre les Vandales, Alains et Suèves, qui avaient envahi l'Espagne à l'automne 409. Gérontius, peut-être dépouillé de son grade, se révolta à l'automne 410, se concilia les envahisseurs barbares et chassa Constant dont une grande part de ses troupes firent défection. Proclamant son fils ou son client Maxime empereur, il marcha sur Arles au printemps 411, où s'était réfugié Constantin III, et renforça son armée au passage avec d'autres soldats bretons et gaulois de ce dernier, assiégé dans sa capitale. Constantin III ne semblait alors disposer que de peu de troupes et se hâta d'engager de nouveaux mercenaires : “As soon as Constantine heard of the usurpation of Maximus, he sent one of his generals, named Edovicus, beyond the Rhine, to levy an army of Franks and Alemanni” (Sozomène, IX,13).

En apprenant la guerre entre Gérontius et Constantin III, Honorius pensa, ou fut persuadé qu'il tenait là l'occasion de se débarasser de ces usurpateurs en profitant de leurs divisions. Honorius envoie alors Constantius et Ulphila en Gaule :
“He (Gérontius) then pursues Constans, puts him to death, and sets out after Constantine. While these events are taking place, Constantius and Ulphilas are sent by Honorius against Constantine; having reached Arelate, where Constantine was living with his son Julian, they lay siege to it” (Olympiodore).
Constantius, le nouveau générallissime d'Honorius, avait rassemblé des troupes pendant l'hiver 410-411, en laissant les Wisigoths d'Athaulf piller le sud de l'Italie. Désormais éloignés, ces derniers constituaient moins une menace pour Honorius que Constantin III et Gérontius. Constantius pouvait en théorie recruter et concentrer :
-Les scholes palatines (2.000 cavaliers).
-Les autres soldats de la garnison de Ravenne dont se méfiait Honorius (peut-être 1.000 ou 2.000 soldat au grand maximum, Honorius ne restant à Ravenne qu'après le renfort de 4.000 soldats orientaux).
-Les renforts orientaux de 409 (4.000 fantassins).
-Tout ou partie des soldats anciennements stationnés à Pavie et dans ses alentours, mais attaqués et mis à mal par Alaric au printemps 410 (au maximum 14.000 soldats, sans doute moins en raison de l'attaque d'Alaric et des désertions qui n'ont sans doute pas manquées entre août 408 et le printemps 411).
-Tout ou partie des 6.000 soldats dalmates capturés par Alaric en février 409 bien qu'il soit plus probable que ces derniers furent exécutés par les Wisigoths après le sac de Rome et leur départ pour le sud de l'Italie.
-Divers mercenaires recrutés en Pannonie, la voie étant dégagée par le départ des Wisigoths.
-Une partie des fédérés, qui après leurs révoltes de 408 décident de quitter les Wisigoths pour rentrer à nouveau au service de l'Etat romain. En effet, il est probable que tout les civils des fédérés ne furent pas tués suite à la sédition de Pavie, en raison de l'éloignement ou de la protection de Stilicon (à Bologne où il résidait avec les fédérés étaient installé en permanence une partie des fédérés avec leurs familles).

Au minima, Constantius peut concentrer les scholes, les renforts de l'Orient, la garnison de Ravenne, une partie des soldats de Pavie, soit 10.000 hommes, peut-être le double si les troupes de Pavie parvinrent à se protéger contre Alaric et si une part des fédérés se joignent à lui.

Gérontius fut surpris devant Arles par l'armée de Constantius, s'enfuya vers l'Espagne et fut tué, alors qu'une large partie de son armée déserta pour rejoindre Constantius :
“when the army of Honorius had come to hand against the tyrant, under the command of Constantius, the father of that Valentinian who subsequently became emperor of Rome, Gerontius retreated precipitately with a few soldiers; for the greater number of his troops deserted to the army of Constantius” (Sozomène IX,13).
Renforcé par ces ralliements, Constantius parvint à battre les renforts de Constantin III, des Francs conduits par son général Edobic.
“Although the city of Aries was closely besieged by the army of Honorius, Constantine still resisted the siege, because Edovicus was announced as at hand with many allies. This frightened the generals of Honorius beyond measure. Then they determined to return to Italy, and to carry on the war there. When they had united on this plan, Edovicus was announced as in the neighborhood, so they crossed the river Rhone. Constantius, who commanded the infantry, quietly awaited the approach of the enemy, while Ulphilas, the fellow-general of Constantius, remained not far off in ambush with his cavalry. The enemy passed by the army of Ulphilas, and were about to engage with the troops of Constantius, when a signal was given, and Ulphilas suddenly appeared and assaulted the enemy from the rear. Their flight was immediate. Some escaped, some were slain, while others threw down their arms and asked for pardon, and were spared” (Sozomène, IX,14).

Edobic fuya mais fut tué. Apprenant la nouvelle, Constantin III fut forcé à abdiquer, contre la promesse d'avoir la vie sauve, mais il fut tué le 18 novembre 411 sur le chemin de Ravenne (Demougeot P445-446). Constantius recrute sans doute une partie des renforts Francs d'Edobic et les restes de l'armée de Constantin III pour se renforcer. Ses victoires incitent peut-être d'autres fédérés qui tergiversaient jusque là de rentrer à son service. Sa capacité à faire plier et respecter leurs engagements aux Wisigoths dans les années 414-418 indique que les forces impériales et wisigothiques devaient peu ou prou s'équilibrer, et on estime en fonction du ravitaillement des Wisigoths leur armée à 20.000 hommes, ce qui indiquerait le nombre de soldats que Constantius peut aligner dans une bataille, chiffre auquel il convient d'ajouter les troupes nécessaires à la garde de l'Italie du Nord et du sud-est de la Gaule.


L'armée romaine après le choc des années 406-410
Les années 406-410 sont des années noires pour l'armée en Occident. 15.000 fédérés désertent et rejoignent le camp des Wisigoths, l'armée des Gaules se purge de ses officiers germains et se désorganise par là-même, 6.000 soldats sont écrasés ou capturés par Alaric. Constantin III disperses ses troupes déjà peu nombreuses, perdant tout moyen d'action. Seules subsistent les troupes d'Afrique, en nombre restreint.
En 411, il ne reste donc presque rien des armées romaines occidentales. C'est pourtant la même année que le général Constance élimine Constantin III. En 414-415, il met en échec les Wisigoths, et assure une relative stabilité politique qui dure jusqu'en 428, date où les peuples germains s'agitent à nouveau. Il parvient même à mettre les Wisigoths au service de l'Empire, pour un temps.
En 416-418, les fédérés wisigoths se battent en Espagne pour le compte des romains. Constance préfère opposer les barbares entre eux plutôt que de risquer son armée dans un conflit.

Quelle armée après 411 ? Constance devait disposer :
-des Scholes palatines d'Honorius
-de tout ou partie des troupes anciennement stationnées à Pavie en 408 par Stilicon
-des garnisons diverses en Italie, telle que celles gardant les familles des fédérés en Italie du Nord en 408
-des renforts orientaux envoyés en 409
-des fédérés retournant au service de l'empire
-des déserteurs de Gérontius lors de sa défaite en 411, apparement nombreux
-de mercenaires recrutés auprès des renforts Francs battus en 411 devant Arles
-des derniers soldats de l'armée de Constantin III restés avec lui dans Arles à sa rédition fin 411
-et peut-être de divers mercenaires recrutés en Pannonie ou auprès des Wisigoths en Italie

Cela lui octroi certainement une armée relativement nombreuse, en comparaison des années passées, mais dépareillée et divisée en de nombreuses nationalités : Gaulois, orientaux, Huns, Alains, Ostrogoths, Francs, Alamans...

L'hérédité semble cassée pour les troupes régulières : une partie de l'armée régulière a disparu, de plus l'essentiel de cette armée était gauloise. L'invasion des années précédentes a dévasté la Gaule, qui échappe à l'administration de Ravenne, sans parler des massacres, des famines et de l'insécurité généralisée. L'armée régulière, et surtout nationale, est donc condamnée au déclin inéxorable. Il aurait fallu plusieurs générations pour reconstituer une nouvelle armée régulière, après la récupération de la Gaule et la sécurisation des frontières.
Les fédérés ont peut-être rejoint en partie les rangs de l'armée de Constance. Mais le même problème de recrutement se pose : les Lètes étaient structurés en préféctures, certainement misent à mal par les invasions, échappant administrativement à Ravenne. A noter qu'on trouvera encore des Lètes lors de bataille des Champs Catalauniques en 451 selon P. Richardot, mais en nombre probablement négligeables.
Reste donc pour l'essentiel les alliés stationnés hors et dans l'Empire, ainsi que les Déditices, mercenaires ne disant par leurs noms, de sorte que le recrutement des fédérés se fait sur la base d'un mercenariat auprès des peuples envahisseurs, et non plus auprès de communautés installées dans l'Empire depuis de nombreuses générations.

Le général Constance dispose donc d'une armée dépareillée, tant sur le plan de sa composition que sur le plan des modes de recrutement. Elle lui permet néanmoins de garder sous contrôle Vandales, Alains, Suèves et Wisigoths.
"Dès 413, Constance entreprend la reconstitution d'une grande armée comitatensis gauloise et quelques armées régionales, au moins en Espagne et en Illyricum (Not dign occ : 16 auxilia palatins, 31 légions et 12 esquadrons d'Equites pour le magister equitum galliarum avec des unités provenant soit de comitatenses des Comtes de Bretagne et de Strasbourg, soit d'ancien limitanei des Ducs de Mayence et d'Armorique promus pseudocomitatenses. Le Comte d'Illyricum attesté en 409 a 22 unités de fantassins, et le Comte d'Espagne cité en 421 a 16 unités de fantassins). Aux frontières et dans les régions les plus ruinées, les plus éloignées aussi de l'Italie et des côtes méditerranéennes, il avait remplacé les limitanei par des établissements militaires barbares d'importance variable et de statuts divers allant de tout le peuple des Wisigoths installés comme fédérés à un groupe du peuple burgonde établi en Germanie I et à de petites colonies de Francs, Alains et même Saxons, comparables aux colonies létiques du IV siècle."
(La formation de l'Europe et les invasions barbares" d'Emilienne Demougeot, éditions Montaigne, 1979, tome II, seconde partie, p.473)

Selon la liste d'unités fournie par la notitia dignitatum, on retrouve pour le magister equitum galliarum : 14 auxiliats (7.000 hommes), 11 légions comitatenses (7.150 à 13.200), 8 légions pseudocomitatenses (4.000), 1 légion palatine (600 à 1.000), 13 unités indéterminées (6.500 au minimum), 4 Vexillationes palatinae (800 à 2.000), 8 Vexillationes comitatenses (1.600 à 4.000). Sur le papier, on obtient 27.650 à 37.700 soldats.

Pour l'armée régionale en Illyrie, on a 12 auxiliats (6.000 hommes), 5 légions comitatenses (3.250 à 6.000), 3 légions pseudocomitatenses (1.500), 2 unités indéterminées (1.000 au minimum). Soit de 11.750 à 14.500 soldats.

En Espagne, on a 11 auxiliats (5.500 hommes) et 5 légions comitatenses (3.250 à 6.000). Soit de 8750 à 11.500 soldats.

Au total, sur le papier, si l'on suit Emilienne Demougeot, Constance pouvait disposer de 48.000 à 64.000 soldats. Mais la notitia dignitatum ne peut être suivie à la lettre; les faits démontrent que Constance ne peut forcer les Wisigoths à servir l'Empire au-delà de 418; son armée n'est donc probablement pas plus nombreuse que celle de ces derniers et suffit juste à maintenir les Wisigoths dans une prudente neutralité. La notita donnerait 113.000 soldats pour le comitatus occidental, or on ne peut guère en retrouver que 30.000 pour le début du cinquième siècle, soit à peine un pour quatre. En appliquant ce ratio aux effectifs de Constance, on arrive à des corps d'armées totalisant 7.300 à 10.000 hommes pour la Gaule, 3.100 à 3.800 hommes pour l'Illyrie, 2.300 à 3.000 hommes pour l'Espagne. Des troupes sont attestées en Espagne par une lettre de l'empereur Honorius, qui récompense l'armée de sa loyauté à son égard lors de la guerre civile l'ayant opposé à Gérontius, en octroyant des soldes d'unités détruites aux Speculateurs et Britanniques juniores et seniores, soit quatre unités encore opérationnelles (P. Richardot P91).
Au total, on aurait de 12.700 à 16.800 hommes. On peut raisonnablement estimer ces armés à environ 15.000 hommes au total ; Constance n'a pas le temps ni les moyens financiers, ni les ressources humaines pour constituer une vaste armée, ce que Stilicon n'avait pu lui-même réaliser en son temps.


Le maintien d'armées régionales après 420
La guerre civile de 423-425 met certainement à mal l'appareil militaire développé par Constance. Les Wisigoths s'empressent en effet d'assiéger Arles, dégagée par Aétius. En 425, l'occident connait une bipartition. La Gaule revient à Aétius, alors que Galla Placidia, mère de l'Empereur Valentinien III, régente l'Italie, l'Afrique et une partie de l'Espagne.
On perd à cette époque la trace de l'armée régulière en Occident jusqu'aux années 460. Une dernière mention en est faite en 425 : "une inscription de la Porte Dorée à Constantinople datée de 425 fait état de trois corps occidentaux envoyés à l'empereur d'Orient Théodose II par l'impératrice régente Galla Placidia. [...] A partir de cette époque, les sources littéraires perdent l'habitude de nommer ou de chiffrer les unités combattantes. Les évaluations d'armées en occident deviennent rares et symboliques" (Philippe Richardot, La fin de l'armée romaine p91-92). Ces unités sont : les Cornus juniors (Auxilia palatina), les Premiers Archers (probablement Auxilia palatina), et les Lions juniors (Auxilia palatina également), soit environ 1.500 soldats, si le nombre de 500 soldats est encore valable à l'époque pour les unités d'auxiliats palatins.

L'autorité impériale ne solde plus qu'un nombre limité de troupes régulières. Pour pallier au manque d'effectifs, le gouvernement impérial change sa stratégie : au IV siècle, l'empire enrôlait dans l'armée régulière des germains frontaliers, essentiellement dans les auxiliats ; ces troupes se romanisaient bon gré mal gré au fil de leur service militaire, et était sous les ordres d'officiers romanisés (romains ou non). Ces recrues faisaient partie de l'armée régulière et permanente. Désormais, après Constance, l'empire a recours à ses alliés installés à la frontière de l'Empire (Francs, Huns) ou installés dans l'Empire (Burgondes, Wisigoths...). Des levées de troupes temporaires sont effectuées au cas par cas pour faire face à une menace ponctuelle ; c'est une nouvelle armée qui apparait, avec un nouveau rapport entre ces soldats et l'autorité impériale. L'essentiel des soldats ne servent que temporairement l'empire, et restent sous les ordres de leurs chefs ou de leurs Rois. Ce schéma perdure jusqu'à la fin de l'autorité impériale en 476-480. Cet expédient permet d'avoir ponctuellement un nombre relativement important de soldats à disposition pour peu de frais (le coût d'une campagne, et non d'un entretien permanent hors des moyens des gouvernements d'alors) et permet à l'empire de reprendre l'initiative (en 458-460 sous Majorien par exemple) mais pose divers problèmes. Quelles relations avec les troupes régulières ? Quelle fiabilité et quelle disponibilité pour ces levées ? Comment mettre à son service des peuples qui s'émancipent progressivement ?

Plusieurs armées permanentes perdurent cependant, bien que l'on ne sache rien de la composition de ces troupes et de leurs effectifs :

-En Espagne, on retrouve le Comte Asterius en 421 (contre les Suèves), le comes domesticorum Castinus en 422 (contre les Vandales en Bétique), le Comte Censorius en 432 et 440 (contre les Suèves), le magister utriusque militiae Asturius en 441 (contre les bagaudes de Tarraconnaise), Merobaude en 443 (contre les bagaudes), le Magister utriusque militiae Vitus en 446 (contre les Suèves de Bétique), le dux de Tarraconnaise Vincentius en 473-474 qui passe dans le camp des Wisigoths. Ces officiers demandent souvent - et obtiennent rarement - l'octroi de renforts Wisigoths lors de leurs missions, signe que les effectifs propres à cette armée sont faibles. En 409, ce sont des propriétaires terriens qui résistent le plus au général de Constantin III, Gerontius en 408. 4 unités se maintiennent en 411 (P. Richardot P91), puis on perd la trace des troupes espagnoles. Cependant, la présence de Vincenttius en 473-474 au grade de dux indique un commandement local, et donc des troupes locales, au moins de gardes-frontières en Tarraconnaise.

-En Illyrie, on retrouve le dux Norici et Pannoniae Primae Promotus en 449 (en ambassade chez Attila), le tribun Mamertinus dans les années 450 en Norique, Marcellinus et Julius Nepos comme magister militum Dalmatiae de 454 à 474 en Dalmatie. Ces troupes dalmates permettent à Marcellinus et à Julius Nepos de garder indépendante cette région et de combattre victorieusement les Vandales sur mer.

-En Gaule, on retrouve le magister utriusque militiae Aetius jusqu'en 451, le magister militum galliarum Aegidius de 458 à 461 puis le magister militum galliarum Agrippinus de 461 à 463, et le Comte Paulus, dernier grand officier en Gaule qui meurt en 469. Des trois armées régionales, elle est certainement celle qui a le plus recours à des contingents non-permanents d'alliés, comme l'illustre la bataille des Champs Catalauniques de 451.

Durant la période 425-450, l'armée régulière stationnée en Italie intervient sur divers théatres d'opérations. Elle intervient peut-être en Afrique contre Boniface en 427-428 dans le cadre de la guerre civile opposant ce dernier à Felix, Patrice et tout-puissant à la cour de Ravenne. En 430 et 431, elle ne semble pas intervenir contre les Vandales ; seul l'empire d'Orient envoie des renforts à Boniface. Cette armée assure ensuite la défense de l'Italie et de Ravenne, capitale impériale. En 432 et 434, elle combat contre Aétius sous les ordres de Boniface et de Sébastien. Ses effectifs sont sans doute faibles, les ressources financières de l'Etat étant limitées. Peut-être compte-t-elle 10.000 soldats, effectifs qui seraient plus ou moins ceux du corps d'armée que Constance III avait concentré à Arles et qui fut peut-être placé en Italie en 425 après la guerre civile pour préserver Valentinien III et Galla Placidia d'un coup de force d'Aétius et de ses renforts Huns (en 425, suite à la guerre civile, les Wisigoths tentent de prendre Arles, ville qui n'est plus défendue par le corps de troupes de Constance ; n'ayant pas été employé pendant la guerre, on peut supposer qu'il a été transféré en Italie).
Après 434, Aétius s'impose à Galla Placidia. Nommé Patrice, il dirige certainement l'armée régulière d'Italie, mais les guerres civiles ont amoindries ses effectifs. Aétius emploie surtout dans ses guerres des fédérés Huns, au moins jusqu'en 442.

L'effort de défense du temps d'Aetius (425-454)
La défense de l'Occident repose de 425 à 450 pour l'essentiel sur les efforts d'Aétius.
Ce grand homme de guerre s'entourera de brillants militaires tout au long de sa carrière. On retrouve en effet dans son état-major :
-Avitus, un noble gallo-romain, grand diplomate et empereur en 455-456.
-Majorien, empereur en 457-461.
-Ricimer, Patrice et tout-puissant chef de l'armée d'Italie en 456-472.
-Aégidius, général indépendant au nord de la Loire en 461-464.
-Flavius Melobaude, son panégyriste.
-Marcellinus, général indépendant pour un temps en Dalmatie puis en Sicile qui luttera contre les Vandales jusqu'en 468.
-Litorius, son commandant en second jusqu'en 439.

Proche des Huns auprès desquels il fut otage pendant sa jeunesse de 408 à 423, il utilise ces derniers dans ses guerres, et ce dès 425 : "Aetius, one of the generals of the usurper John, arrived three days after the death of the latter, bringing with him much about sixty thousand barbarian troops, whom he had succeeded in hiring as auxiliaries ; he at once engaged in battle with the forces of Aspar, and many fell on both sides. After this Aetius made a treaty with Placidia and Valentinian, and was promoted to the dignity of a count. On the payment of a sum of gold, the barbarians laid down their arms and returned to their own homes, after a mutual interchange of hostages and promises of fidelity." (Philostorge, Histoire ecclesiastique, Livre XII, Chapitre XIV). N'ayant sans doute pas de finances régulières au regard de la Gaule en perpétuelle guerre, ni de fonds en provenance de Galla Placidia méfiante à son égard, il ne peut solder de troupes régulières et doit compter sur le butin pour payer ses alliés qu'il emploie au cas par cas.

La carrière d'Aétius est une longue succession de batailles qu'il mène inlassablement contre les peuples limitrophes ou installés sur le territoire impérial, parfois contre des bagaudes gauloises ou espagnoles ou contre les favoris de l'impératrice Galla Placidia.
Si dans un premier temps, Aétius se repose sur les Huns en 425, leur expulsion de 425 à 427 de la Pannonie où ils étaient installés depuis 50 ans par les troupes italiennes et des mercenaires Wisigoths porte un coup à ce recrutement pour l'armée d'Aétius. Suite à la défaite d'Andrinople en 378, Gratien avait en effet installé en octobre 380 des fédérés Ostrogoths, Alains et Huns en Pannonie II et en Savie. La Pannonie II est cédée par Galla Placidia à Théodose II, peut-être plus à même de défendre cette province contre les incursions étrangères. Les restes des fédérés Huns sont réinstallés dans les provinces de Savie, de Valérie et de Pannonie I, toujours sous administration occidentale.
Pendant 5 ans, Aétius combat les Francs (428 et 432), les Wisigoths (430), les Alamans (430 et 431), les Suèves en Espagne (432) et Boniface, le favori de Galla Placidia et ancien Comte d'Afrique (432). Ces guerres affaiblissent considérablement ses effectifs, quel qu'en furent alors la composition.
C'est en 432 contre Boniface qu'Aétius perdit la seule bataille de sa carrière militaire. Il se rendit auprès de ses alliés Huns, qui lui fournissent un contingent suffisant pour ré-entreprendre des opérations militaires dès l'année suivante.

En 433, les Huns sont réinstallés en Pannonie comme fédérés. Il apparait que ce retour en Pannonie des Huns fut le moyen pour Aétius de payer l'aide militaire qu'il reçut du roi Rua après la défaite de Rimini ; il céda les ressources de ces provinces, impôts et réquisitions levés par le gouvernement, en lieu et place de l'or et des vivres qui leurs avaient été précédement fournis lors de leur précédante installation. La souveraineté impériale est néanmoins maintenue sur ces provinces, et Attila se voit octroyer une dignité impériale : il est fait strategos, ou général, par valentinien III.
Cette installation des Huns devint pour les années à venir un vivier essentiel du recrutement d'Aétius. De plus, ces Huns aidèrent sans doute Aétius à maintenir la paix sur les frontières du danube et du rhin avec l'arrêt des incursions des Francs rhénans après 432. Peut-être même Aétius poussa ses pions jusqu'à demander aux Huns de ne plus servir le gouvernement de Ravenne. Ces fédérés lui permettent de s'imposer à Gala Placidia, qui contrainte et forcée, dépourvue de généraux de valeurs, le nomme Patrice en 434. Devenu sans doute à la fois le chef de l'armée d'Italie et commandant la loyauté de ses alliés Huns, Aétius remporte de grandes victoires : contre Sébastien, fils ou gendre de Boniface (434), contre les Alains (435), contre les bagaudes d'armorique (de 435 à 437), contre les Burgondes (435 et 437), contre les Wisigoths (de 436 à 439), contre les Suèves (437 et 438), contre les bagaudes de Tarraconnaise (441).
Sur ces 9 années de guerre permanentes, les Huns ne sont battus qu'une fois, devant Toulouse fin 438 ou en 439 par les Wisigoths, et ne désertent qu'à une reprise fin 436 ou en 437 et sont alors vaincus par le futur empereur Majorien. Les Huns, en dépit de leur réputation, se révèlent plus fiables que les Wisigoths, qui tentent régulièrement en dépit des traités de s'étendre hors de leurs frontières (425, 430, 435-439) fixées en 416-418 par Constance, et qui refusent de fournir des renforts comme les traités l'exigent (en 441, en 443. En 446, ils fournissent des renforts mais totalement indisciplinés et entrainent une défaite romaine).

En 442, Attila prend conscience du danger du mercenariat : ses propres troupes paient un prix du sang élevé au travers des guerres d'Aétius ; étant de plus en guerre contre l'empire d'Orient, il interdit le mercenariat aux Huns, privant Aétius de sa principale source de recrutement. Comme en 427, Aétius manque de troupes, l'armée d'Italie ayant non seulement des effectifs réduits mais encore ne pouvant l'utiliser sans nuire à la sécurité de l'Italie. Dans les années suivantes, il installe les Alains en 442 et les Burgondes en 443 comme fédérés en Gaule pour disposer de recrues et pallier au départ de ses recrues hunniques. Mais les années suivantes se caractérisent par peu de combats : guerre contre les bagaudes espagnols en 443, contre les Suèves d'Espagne en 446, contre les Armoricains et les Francs Saliens du roi Clodion en 448. Clodion est fait la même année fédéré autour de la région de Tournai. Cette volonté de mettre à son service les peuples germains et le peu de batailles indique une pénurie de troupes.

L'armée régulière d'Italie souffre certainement d'effectifs insuffisants à l'époque d'Aétius. En effet, les opportunités de recruter des mercenaires germains ou autre étaient plus faibles qu'auparavant : les Wisigoths étaient installés légalement, les Francs, Alains, Saxons, Burgondes, et Suèves étaient plus ou moins sous le contrôle d'Aétius, les Vandales étaient passés en Afrique pour leur propre profit. Les Huns eux contrôlaient les peuples du barbaricum. Aétius sera lui aussi en grande difficulté de recrutement après interdiction du mercenariat hun par Attila en 442 et devra se contenter de ses fédérés Alains et Burgondes installés dans les années 442-443. L'Italie doit attendre la bataille de Nedao en 454 où les fils d'Attila sont battus par les vassaux des Huns pour voir des opportunités de mercenariat se recréer.
En Italie, l'empereur Valentinien III de son côté ne se désintéresse pas de la chose militaire.
En 440, l'empereur passe une loi sur la défense urbaine : les citoyens romains ne sont nullement forcés à revêtir l'état militaire mais doivent aider à la construction et à la défense des murs et des portes (CTH Val.III.N., V ; IX) (P. Richardot P185)
Vers 440, il rend légales les milices d'autodéfense sur le territoire romain. Les citoyens ont le droit de se défendre par les armes dans le respect de l'ordre public et de faire du butin sur l'ennemi (CTH Val.III.N, IX) (P. Richardot P92).
Le 25 mai 443, il se plaint des sénateurs et des propriétaires terriens cachant des recrues, les punissant de lourdes amendes, ce qui indique sa volonté de recruter et d'augmenter les effectifs de l'armée d'Italie (Nov. Valent. VI, 2) (E. Demougeot P512).
La défense s'autonomise vis-à-vis de l'Etat avec la défense des cités et l'apparition de milices d'autodéfense. Mais il apparait également que les sénateurs et des propriétaires terriens rechignent à fournir des recrues pour l'armée régulière. Faute de réussir à convaincre les possédants et les plus grandes richesses d'Italie de la nécessité de fournir ces recrues, l'Etat ne parvient pas à rebâtir une armée nationale. Il y avait pourtant là une opportunité historique, l'Italie étant globalement en paix de 425 à 432, puis de 434 à 452.

Arrive la confrontation avec Attila, roi des Huns. En 451, Aétius rassemble toutes les troupes disponibles pour contrer l'offensive d'Attila en Gaule : "Le principal contingent (20.000?) est formé par les Wisigoths d'Aquitaine sous le commandement de leur roi Théodoric et de ses deux fils Thorismond et Théodoric (II) [...]. Les Alains de l'Orléanais aux ordres du roi Sangiban sont des cavaliers lourds à l'équipement sans doute romanisé. Aétius, patrice et maître des deux milices, commandant en chef des forces de l'Occident, rassemble un ensemble hétéroclite de Bretons et de fédérés barbares installés en Gaule : Francs Saliens et Ripuaires, Sarmates, lètes, Burgondes, Saxons, Gallo-romains de Celtique et des provinces de Germanie Première et Seconde. Les Francs forment un contingent non négligeable. [...] Il est plus difficile de savoir quelles unités régulières accompagnaient Aétius. La notion est peut-être dépassée à cette époque. Sidoine Appolinaire dans la louange qu'il fait de son beau-père Avitus, déclare qu'Aétius a amené peu de troupes d'Italie. On doit supposer une garde personnelle de cavalerie. L'armée d'Aétius tient de la levée féodale plus que de l'armée régulière. Basée sur des contingents barbares hétéroclites établis sur des fiefs, elle évoque la composition de l'armée de Clovis trente ans plus tard." (P. Richardot, La fin de l'armée romaine, p331-332). L'armée régulière d'Italie a ainsi peut-être participé à la guerre contre Attila, dans une proportion inconnue. Il était de toute façon impossible de retirer toutes les troupes affectées à la défense de l'Italie. On remarque cependant que l'année suivante voit un raid d'Attila en Italie, contre lequel ne semble pas intervenir cette armée, signe d'effectifs trop faibles pour être risqués dans une bataille, ou placés à la défense des villes en tant que garnisons.
L'essentiel des effectifs relèvent cependant des alliés installés en Gaule. Il apparait que jamais Aétius n'aurait réussi à repousser Attila sans les Wisigoths. Mais sans Aétius et les talents diplomatiques d'Avitus, noble gallo-romain et futur empereur, jamais une telle coalition n'aurait été possible. P. Richardot estime les effectifs à environ 40.000 à 50.000 combattants dans chaque camps, ce qui représente la plus forte concentration de troupes "impériales", ou du moins de combattant pour l'empire depuis la fin du IV siècle, peut-être même depuis la grande armée de Julien de 363 en Perse (évaluée entre 60.000 et 100.000 soldats).

Les morts d'Aétius et de Valentinien III en 454 et 455 ne remettent pas en cause ce schéma d'armée. En Gaule, Avitus puis Aégidius utiliseront à leurs profits les peuples installés par le pouvoir impérial pour recruter des troupes ponctuellement. En Italie, l'armée permanente n'a pas de rôle notable avant 457.

L'armée après Aetius
Règnant en 455 après le meurtre de Valentinien III le 16 mars, Pétrone Maxime n'est soutenu dans un premier temps que par le Sénat. N'ayant eu jusqu'alors qu'une carrière purement civile, il ne parvient pas à rallier les anciens officiers d'Aétius. Il cherche alors le soutien des Wisigoths pour consolider son pouvoir, ce qui indique que l'armée régulière d'Italie ne le suit guère plus. Les Wisigoths accordent leur soutien au nouvel empereur suite à la mission diplomatique d'Avitus, nommé magister peditum et equitum. Ce dernier combat de plus des incursions de Saxons, de Francs et d'Alamans en Gaule. Les Vandales profitent de l'absence de ce général capable et pillent Rome début Juin. Comme en 452 lors du raid italien d'Attila, l'armée régulière n'a joué aucun rôle dans cette guerre, à moins qu'elle ai accompagné au moins en partie Avitus en Gaule. Pétrone Maxime, fuyant l'arrivée des Vandales, est massacré par la foule le 21 juin 455.

Après lui, c'est Avitus, appuyé par les Wisigoths, qui devient empereur le 10 juillet 455 à Arles, ville symbolique pour les impériaux et les Wisigoths. Après avoir renouvelé les traités avec les Francs et les Alamans et combattu les Saxons, Avitus s'impose 15 mois en Italie grâce au soutien des Wisigoths. Avitus se rend à Rome en septembre, accompagné de fédérés wisigoths, mais le roi Wisigoth Théodoric II, alors en guerre contre les Suèves d'Espagne, ne lui laisse sans doute que peu de troupes. Manquant de soldats, Avitus se rend en automne en Pannonie pour recruter des mercenaires. Au printemps 456, les vandales pillent la Sicile et les côtes de l'Italie méridionale. Avitus réagit en envoyant en Sicile quelques troupes dont des mercenaires Huns, commandées par Flavius Ricimer, patrice et maître des deux milices, fils d'un prince Suève et d'une princesse wisigothique, et petit-fils de Wallia, un ancien roi wisigoth. Victorieux à Agrigente en Sicile et sur la mer au large de la Corse, ces succès de Ricimer ne permirent pas d'établir la paix ni même d'obtenir une revanche sur le sac de Rome. La piraterie vandale gênant le ravitaillement à Rome et les soldats n'étant pas payés, Avitus devint impopulaire. Il est victime d'un coup d'état mené par Ricimer et par Majorien, qui devient empereur. Tous deux étaient d'anciens proches d'Aétius, comme Avitus. Avitus alla en Gaule recruter des renforts, mais Théodoric II ne pu lui en fournir en raison de sa guerre en Espagne. Avitus fut battu à Plaisance le 17 octobre 456.
Avec Ricimer, l'armée régulière prend des allures d'armée putchiste : elle donne à ce général Suève l'autorité nécessaire pour faire et défaire les empereurs comme bon lui semble. Entièrement entre ses mains, on pourrait presque parler d'une armée clientélaire. Majorien et Anthémius, les deux derniers empereurs énergiques en Occident, ne réussiront pas à remettre en cause la main-mise de Ricimer sur cette armée régulière, ni à s'affranchir de son autorité. Véritable pouvoir derrière le trône, Ricimer est le véritable maître de l'empire pour 15 ans.

Majorien bénéficie dans un premier temps du soutien de Ricimer et donc de l'armée régulière, ainsi que des Francs, des Ostrogoths, des Rugues. Il peut mener une politique offensive. En gaule, une révolte éclate, soutenue par l'aristocratie locale : Avitus avait en effet donné de hautes fonctions aux sénateurs gaulois. Dans un premier temps, Majorien lutte contre les Alamans infiltrés en Rétie grâce à l'armée d'Italie. En Gaule, Aégidius rallié à Majorien recruta des auxiliaires Francs et entra en guerre contre les Burgondes. A la fin du printemps 458, une troupe de Vandales et de Maures furent battus en Campanie. Décidé à combattre les Vandales en Afrique, il recruta d'abord les troupes de Marcellin, envoyé par Aétius en Dalmatie avec quelques troupes et qui se comportait depuis de façon indépendante du pouvoir impérial, pour les envoyer en Sicile. Majorien recruta de plus des mercenaires Skires, Hérules, Ostrogoths et Huns.
Majorien prit des mesures radicales pour financer l'accroissement de l'armée régulière et la construction de sa flotte de guerre destinée à vaincre les Vandales : "Le financement de ces préparatifs considérables obligea l'empereur à des mesures économiques et sociales qui mécontentèrent les sénateurs italiens : témoin depuis longtemps de la carence de ressources publiques suffisantes pour le maintien d'une petite armée en Italie, il eut recours à une véritable réforme fiscale et fit rentrer les impôts auxquels échappaient les puissants grâce à la complicité des fonctionnaires impériaux" (E. Demougeot P583) Ces mesures vont dans le même sens que celle prise en 443 par Valentinien III qui dénonçait sénateurs et grands propriétaires refusant de donner des recrues à l'armée. Cette carence des grandes familles italiennes est à mettre en parallèle avec l'impication simultanée de l'aristocratie gallo-romaine qui défend ses privilèges obtenus sous le règne de leur compatriote Avitus : Avitus avait non seulement donné aux sénateurs gaulois de hautes fonctions impériales, mais permis à Théodoric II d'intervenir dans la politique d'un empereur élu et soutenu par les soldats wisigoths. Les Gallo-Romainsde la préfecture d'Arles s'allièrent donc au roi wisigoth pour se révolter, pourvus ainsi d'une armée de fédérés gaulois contre l'armée italienne de Ricimer et de Majorien. Leur sécession fut plus subversive qu'au temps de l'usurpateur d'Arles Constantin III, en 407-410, car elle était déterminée non par l'invasion barbare, mais par le souci de se défendre eux-même. (E. Demougeot P579)
Il faut donc peut-être voir dans le manque d'implication des sénateurs et des propriétaires terriens italiens une des clés expliquant l'échec de l'Etat à constituer une armée capable de vaincre ses ennemis. Détenteurs d'une double richesse, en or et en main-d'oeuvre, ces derniers semblent s'être opposés tant qu'ils le purent à participer à l'effort de guerre de l'Etat. Ponctuellement, en 458-460 et 470-471, les sénateurs bon gré mal gré financeront des recrutements supplémentaires, permettant à l'armée italienne de s'accroître numériquement.

A la mi-novembre 458, Majorien quitta l'Italie pour la Gaule où Aegidius, qui avait vaincu les gallo-romains, était combattu par les Wisigoths. Devant l'avancée d'une importante armée impériale, Théodoric II évacua les territoires envahis et renouvella le traité de fédération. En mai 460, Majorien repousse les propositions de paix faites par les Vandales et se rendit en Espagne où mouillait sa flotte de guerre construite pour l'invasion de l'Afrique. Mais une attaque surprise détruisit sa flotte. Annulant son expédition, Majorien démobilisa ses troupes de mercenaires, ne disposant pas des moyens financiers pour maintenir en permanence une vaste armée. Sa chute fut consécutive à cette démobilisation : le sénat hostile à ses réformes (réforme fiscale faisant rentrer l'argent dans les caisses de l'état au dépend des plus riches) s'entendit avec Ricimer et l'armée d'Italie. En juillet 461, accompagné d'un faible nombre de soldats, il fut surpris en Ligurie, au nord de Gênes, par Ricimer et son armée qui le capturèrent et l'exécutèrent le 2 août 461.

Son successeur, Libius Severus règne de 461 à 465, mais n'est en réalité que le pantin de Ricimer. Son pouvoir ne tient donc qu'à son mentor, et ne dispose pas d'autres troupes que celles de l'armée d'Italie. Dans une novelle du 20 février 463, Severus abroge les mesures prises par Majorien, dont probablement les mesures fiscales mettant à contribution sénateurs et possédants. Aegidius, fidèle à la mémoire de Majorien, se révolte contre Ricimer et recrute des auxiliaires Francs, mais ce dernier pousse les Wisigoths à se battre contre lui, l'enfermant au nord de la Loire. Vaincu en 462, Aégidius bat les Wisigoths en 463. Cette victoire lui vaut un tel prestige que Ricimer a recours aux fédérés burgondes contre lui. Aégidius fut finalement assassiné à l'automne 464. De 462 à 464, d'anciens soldats démobilisés de Majorien, sans ressources et sans emplois, se regroupent autour du roi alain Beorgor et pillent la région à l'est de Milan. Ce n'est qu'en février 464 que Ricimer défait Beorgor et ses troupes. La piraterie vandale devient à ce point endémique que Ricimer se décide à évincer Sévère du trône et laisse l'empereur d'Orient Léon I choisir son successeur pour mener la guerre contre les Vandales.

Ricimer se fait imposer Anthémius qui règne de 467 à 472. Ce dernier bénéficie du soutien de l'empire d'Orient, du roi des Bretons d'Armorique et des Francs, ainsi que de Ricimer et donc de l'armée régulière dans un premier temps. Arrivé au printemps 467 en Italie avec une armée et une flotte orientales, qui furent renforcées par les troupes et les navires de Marcellin, Anthémius imposa la fusion de son armée avec celle de Ricimer, ce qui ne se fit pas sans difficulté. Ricimer y perdait sa main-mise sur l'armée d'Italie, et voyait cette dernière s'agréger avec les troupes de Marcellin, son ancien rival. La guerre cependant fut un échec, la flotte orientale fut détruite par les Vandales, les généraux orientaux partis d'Egypte par voie de terre firent demi-tour, et l'armée italienne ne disposait plus de navires pour passer en Afrique. En août 468, Marcellin fut assassiné en Sicile, sans doute à l'instigation de Ricimer. Anthémius ne dispose alors que des troupes de Ricimer, celles de Marcellin étant en Sicile. Ricimer, pour garder son armée, s'opposa à Anthémius qui voulu faire la guerre aux Wisigoths, à nouveau en guerre pour étendre leur territoire. En 468, le roi des Suèves demanda de l'aide à Anthémius contre les Wisigoths, mais Ricimer s'y opposa. Au printemps 469, Anthémius entre néanmoins en guerre contre les Wisigoths en utilisant les troupes du Comte Paul, successeur d'Aégidius au nord de la Gaule qui commandait ce qui restait des soldats romains et des auxiliaires Francs de son prédecesseur, et celles du roi breton Riothime, se passant donc de l'armée d'Italie de Ricimer. Mais Paul et Riothime ne parviennent à faire jonction et le roi breton est battu. Paul, après quelques succès, meurt en 469 dans un combat contre des Saxons. Le roi wisigoth Euric fit main-basse sur l'Aquitaine I impunément, Ricimer interdisant aux fédérés Burgondes d'intervenir contre lui. A l'hiver 470-471, Anthémius parvint enfin à recruter des mercenaires qui lui permirent de prendre ses distances avec Ricimer. Au printemps 471, il envoya des troupes en Gaule sous le commandement de son fils Anthemiolus pour soutenir des sénateurs Avernes et la famille d'Avitus, opposés aux Wisigoths. Cette armée fut cependant détruite par les Wisigoths avant qu'elle n'atteigne Arles. Anthémius, soutenu par des sénateurs, parvient à solder des mercenaires Hérules, Skires et scythes refoulés par les Ostrogoths de Pannonie, mais une nouvelle défaite en Viennoise redonne la supériorité militaire à Ricimer qui déclare la guerre à Anthémius au début de l'année 472. En avril 472, le sénateur Olybrius est fait empereur sous les murs de Rome où est assiégé Anthémius par Ricimer. Ce dernier s'allia les Burgondes dans cette guerre, et Anthémius prit à son service le roi Ostrogoth Vidimer. Au début juillet, Vidimer fut tué sous les murs de Rome. Découragés, les romains capitulèrent et Anthémius fut tué. A l'époque de cette guerre civile, Jean d'Antioche estime l'armée de Ricimer à 6.000 hommes (E. Demougeot P613). Cette armée est composée de peuplades hunniques (Rugues, Torcilingues, Scires) et de germains.

Son successuer, Olybrius, règne à partir du 23 mars 472. Il est soutenu par Ricimer, et secrêtement par l'Orient. La mort de Ricimer le 20 août 472 opère un changement dans le commandement de l'armée régulière en Italie. C'est Gondebaud, le fils du Roi Burgonde Gondioc, qui devient maître de la milice des Gaules. A ce titre, il dirige l'armée régulière d'Italie. Le 23 octobre ou le 2 novembre, Olybrius décède à son tour sans avoir mené d'opérations contre les Wisigoths.

Gondebaud désigna comme successeur à Olybrius le Comte des domestiques Glycérius en mars 473. Il régna jusqu'en juin 474. Après la guerre civile, l'armée d'Italie qui avait appartenue à Ricimer mêlait aux soldats barbares de ce dernier des soldats Burgondes de Gondebaud. Glycérius démobilisa les Ostrogoths de Vidimer sous la contrainte de Gondebaud ; ces troupes pouvaient en effet former une armée personnelle à l'empereur. L'armée d'Italie n'intervint nulle part au cours du règne de Glycérius, et les Wisigoths achevèrent la conquête de l'Espagne. Les Vandales eux cessèrent leurs raids sur les côtes de l'Italie.

Julius Nepos, envoyé par l'empereur d'Orient, évinça sans difficulté Glycérius. L'armée d'Italie passa du côté du nouvel empereur. Après avoir déposé Glycérius, Nepos recruta des mercenaires Skires, Hérules et Scythes en Illyrie. Nepos recruta également Oreste, ancien proche d'Attila, qui lui amena des soldats Alains et Goths refoulés par les Ostrogoths. Cependant, cet accroissement de l'armée d'Italie posa des problèmes financiers et les soldats furent de moins en moins régulièrement payés, indiquant que les ressources financières de l'Etat impérial ne pouvaient sans doute suffire à solder plus des 6.000 hommes que comptait l'armée du temps de Ricimer. La participation des plus riches, tel que cela fut le cas en 458-460 pour Majorien et en 470-471 pour Anthémius, apparait comme donc la seule façon de solder davantage de troupes. Néanmoins, les Wisigoths tentèrent de porter la guerre jusqu'en Italie pour contraindre Nepos à abandonner la Gaule et l'Espagne. En dépit des difficultés financières, le renforcement de l'armée s'imposait donc. Les recrutements d'Anthémius et de Nepos portaient les effectifs de l'armée à environ 12.000 hommes, effectifs qui se maintiennent jusqu'à la guerre civile de 476 (E. Demougeot P613). Début 475, une révolution de palai à Constantinople priva Nepos d'un soutien en soldats et en argent. Nepos, renonçant à défendre ce qui restait de la Gaule romaine, reconnu l'indépendance des royaumes Wisigoths et Burgondes en juin 475. Le sénat et l'armée d'Italie abandonnèrent Nepos, discrédité. L'armée exigea d'être payée ; Oreste, un Pannonien parvenu au rang de magister militum, et ancien proche d'Attila, se mit à la tête des révoltés, provoquant la fuite de Nepos.

Oreste fait empereur son fils Romulus Augustule. D'octobre 475 à septembre 476, il sera le dernier empereur officiel en Occident. Oreste resta à la tête de l'armée d'Italie. Cependant, Oreste pas plus que Nepos n'était en état de payer les soldats. Au printemps 476, les Wisigoths firent tomber les dernières villes gallo-romaines, Arles et Marseilles. Oreste négocia avec l'armée pour entreprendre une campagne contre les Wisigoths, mais Odoacre, un des officiers, demanda à ce que les soldats soient payés en terre, comme des fédérés, et reçoivent un tiers de l'Italie. Oreste chercha à gagner du temps, mais Odoacre, ennemi du clan d'Oreste depuis l'époque d'Attila, promet aux révoltés le statut de fédérés s'ils le proclament Roi, ce qui est fait le 23 août. Il marche avec ces troupes contre Oreste. Après un court siège, Oreste est capturé et exécuté le 28 août. Odoacre n'a plus qu'à se débarasser du dernier “Empereur” règnant. Il dépose Romulus Augustule et prend le titre de Patrice avec l'accord de Zénon, qui enterine la fin de l'autorité impériale en Occident. Quelques troupes étant restées fidèles à Oreste, on estime à environ 10.000 hommes les effectifs de la dernière armée régulière "romaine" (E. Demougeot P613)

Après la disparition de la dynastie théodosienne en 455, un empereur a pu être imposé par le sénat (Pétrone Maxime en 455), un peuple germanique installé dans l'Empire (Avitus en 456 par les Wisigoths), imposé par l'empereur d'Orient (Anthémius en 467, Nepos en 474), ou choisit par le chef de l'armée d'Italie (Majorien en 457, Sévère III en 461, Olybrius en 472, tous trois par Ricimer ; Glycérius en 473 par Gondebaud, Romulus Augustule en 475 par Oreste). C'est ce dernier cas qui est le plus fréquent.


Bilan de l'armée régulière d'Italie après 410.

Liste des principaux faits d'armes (411-476) :
411 Victoire de Constance sur Constantin III en Gaule
414-415 Blocus contre les Wisigoths qui acceptent de se mettre au service de l'Etat impérial
424 Révolte à Arles de l'armée contre Jean
425 Transfert probable d'Arles vers l'Italie pour défendre la dynastie théodosienne après la chute de Jean
427-428 Peut-être en Afrique contre Boniface
432 Victoire de Boniface sur Aétius à Rimini
434 Défaite de Sébastien contre Aétius
434-451 Participe sans doute aux guerres d'Aétius, alors Patrice, contre les peuples germaniques en Gaule et en Espagne
451 Des unités participent peut-être à la guerre contre Attila, sous le commandement d'Aétius
452 Pas de rôle dans le raid d'Attila en Italie
455 Pas de rôle pour empêcher le raid des vandales sur Rome en juin
456 Victoire de Ricimer en Sicile et sur mer contre les vandales au printemps
456 Victoire de Ricimer et de Majorien sur Avitus en octobre
457 Victoire de Majorien sur des Alamans infiltrés en Rétie
458 Une troupe de Vandales et de Maures sont battus en Campanie au printemps
464 Ricimer défait le roi alain Beorgor qui pillait la région à l'est de Milan avec d'anciens soldats de Majorien en février
467 L'armée d'Italie est agrégée avec les troupes de Marcellin et des renforts orientaux pour la guerre contre les Vandales
468 Ricimer s'oppose à ce que son armée aille aider les Suèves contre les Wisigoths
472 Guerre civile entre l'armée de Ricimer allié aux Burgondes contre des mercenaires d'Anthémius en Italie. L'armée d'Italie (de Ricimer) compte alors environ 6.000 hommes.
474-475 Nepos recrute dans l'armée régulière mais ne peut solder ces troupes qui se révoltent. L'armée d'Italie compte alors peut-être 12.000 hommes après les recrutements d'Anthémius et de Nepos.
476 Oreste ne peut solder les troupes d'Italie qui se révoltent à nouveau. L'armée d'Italie compte environ 10.000 hommes.


Récapitulatif par période de l'armée régulière de 411 à 476 (hors armée régulière d'Afrique existant jusqu'en 439)

Date : 411-425
Composition : anciens Gaulois de Pavie, peut-être d'anciens fédérés, mercenaires divers (Wisigoths, troupes d'Ulfilas)
Chefs : Flavius Constantius, Castinus, Asterius
Effectifs : environ 15.000 jusqu'en 421, peut-être moins par la suite
Missions : lutte contre les usurpateurs, mettre les peuples germaniques au pas, lutte contre les Vandales, surveillance des Wisigoths d'Aquitaine
Stationnements : Arles, Espagne, Illyrie
Aires d'actions : Gaule (411, 414-415), Espagne (415, 422), peut-être Illyrie
Tactiques : siège (contre Constantin III), blocus (contre les Wisigoths), bataille rangée (contre Edobic)
Financement : trésor impérial, ressources provinciales
Notes : recrédibilise la fonction impériale, sédition à Arles en 424 contre l'usurpateur Johannes

Date : 425-434
Composition : probablement des mercenaires germaniques
Chefs : Felix en 425-429. Sigivult en 428? Boniface en 432. Sébastien en 434.
Effectifs : inconnus, peut-être moins de 10.000 en raison des difficultés à recruter des mercenaires ; les guerres civiles entre 425 et 434 affaiblissent l'armée
Missions : principalement défense de l'Italie, sert dans les intrigues de Felix contre Boniface en 427-428, défense de la dynastie règnante (bataille de Rimini entre Aétius et Boniface en 432, entre Aétius et Sébastien en 434)
Stationnements : Italie
Aires d'actions : peut-être corps expéditionnaire en Afrique contre Boniface en 427-428
Tactiques : ?
Financement : trésor impérial, ressources provinciales
Notes : Difficulté à recruter des mercenaires pendant cette période. Importance des guerres civiles de 425 à 434.

Date : 434-455
Composition : probablement des mercenaires germaniques
Chefs : Flavius Aetius ; Litorius, Mérobaude, Marcellinus, Majorianus, Avitus, Ricimer, Aegidius, Censorius, Asturius, Vitus
Effectifs : inconnus, peut-être moins de 10.000 en raison des difficultés à recruter des mercenaires ; les guerres civiles des années antérieures, entre 425 et 434, affaiblissent l'armée
Missions : défense de l'Italie, défense des provinces (Gaule, Espagne) avec les fédérés Huns, Burgondes, Francs et Alains d'Aétius
Stationnements : Italie
Aires d'actions : Gaule, Espagne, peut-être en Gaule aux champs catalauniques en 451
Tactiques : ?
Financement : trésor impérial, ressources provinciales
Notes : tranquilité de l'Italie pendant cette période. Ne défend pas l'Italie lors du raid d'Attila en 452. Difficulté à recruter des mercenaires pendant cette période. Combat aux côtés des alliés d'Aétius (Huns jusque 442, Au-delà Francs, Alains, Burgondes, sur un schéma qui sera celui de Majorien de 458 à 461)

Date : 455-476
Composition : Skyres, Rugues, Torcilingues, Hérules, Ostrogoths (la défaite hunnique de Nedao contre leurs vassaux en 454 offre des opportunités de recrutements multiples)
Chefs : Ricimer, Gondebaud, Oreste, Odoacre
Effectifs : Elevé sous Majorien, peut-être plus de 10.000 mais confusion avec les levées temporaires? 6.000 avant 472, 12.000 entre 472 et 476, 10.000 après 476
Missions : défense de l'Italie mais en réalité au service du généralissime
Stationnements : Italie
Aires d'actions : Italie, Sicile (456 contre les Vandales), sur mer (456 contre les Vandales)
Tactiques : bataille navale (456), bataille rangée (464 contre Beorgor), guerre de siège (472 à Rome)
Financement : trésor impérial, sénateurs sous Majorien. Absence ou pénurie à partir de 474
Notes : ne défend pas Rome en 455. Cautionne les meurtres de Ricimer. Les Wisigoths (456) et les empereurs d'Orient (467) s'imposent à elle. Pille Rome en 472. Désigne un roi en 476. Au service du généralissime et pas de l'empereur


Alternative à l'armée de métier : des levées non-permanentes
Ainsi qu'il a été vu, le problème majeur de la défense romaine depuis le milieu du IV siècle est de trouver des recrues et de les garder le temps du service militaire. Une alternative à l'embrigadement de force qui se développa de plus en plus avec le temps puis au recours au mercenariat barbare aurait pu être des levées de troupes, certes non-professionnelles, mais qui bien encadrées par des officiers et des sous-officiers de valeurs pouvaient rendre de nombreux service et règler en partie le problème des effectifs.

A plusieurs reprises, on voit au IV et au V siècles des levées de ce genre, opérées le plus souvent auprès des grands propriétaires terriens, qui étaient alors les grands "propriétaires" de main-d'oeuvre...

En 367, Le Vicaire d'Asie Musonius se bat contre les Isauriens : “Musonius prit le parti de rassembler autour de lui quelques éléments de cette milice à demi armée, connue sous le nom de Diogmites” (Ammien XXVII, 9,7). Il s'agit donc bien là de soldats non-professionnels.

En 399, un certain Valentin combat le Goth Trigibild qui s'est révolté : "Un certain Valentin, établi à Selgè, qui avait acquis quelque culture et ne se trouvait pas dépourvu d'expérience militaire, rassembla une foule d'esclaves et de paysans qui étaient bien entrainés grâce aux fréquents combats qu'ils livraient aux brigands leurs voisins, et les installa sur les hauteurs qui dominaient les chemins d'accès, de manière qu'ils vissent tous ceux qui empruntaient la route tout en restant eux-mêmes invisibles, même si les ennemis passaient de jour. Quand Trigibild [...] eut pénétré, alors qu'il faisait encore nuit, dans le territoire que domine Selgè, les barbares furent la cible d'une pluie de projectiles de fronde; [...] Il n'y avait pas de fuite possible, car d'un côté de la route se trouvaient un lac profond et des marais, et de l'autre un chemin montant et étroit qui laissait à peine le passage à deux hommes de front; [...] cet endroit était gardé par un certain Florent, qui avait avec lui assez d'hommes pour bloquer ceux qui tentaient de passer. Pris au piège de ces endroits et accablés par le nombre et la grosseur des pierres, les barbares périrent pour la plupart”... (Zosime, Histoire Nouvelle V,15-16).

En 408, Vernianus, Didyme, Théodose et Lagodius, des propriétaires terriens, lèvent une milice contre Gérontius, général de Constantin III. Au printemps 408, Constantin III avait les mains libres pour conquérir l'Espagne. Dans un premier temps le nouvel ordre établi est bien accepté en Espagne (selon Orose). Puis Vérénianus et Didyme, deux propriétaires terriens et cousins de l'empereur Honorius se concilient, rassemblent une armée d'esclaves et de paysans pour lutter contre l'armée de Gérontius. Ils rallient des troupes régulières stationnées en Lusitanie, renforcées par leur levée de troupes de raccroc. Un engagement en Lusitanie tourne presque à leurs avantages. Les deux propriétaires terriens se dirigent vers les Pyrénées pour empêcher l'arrivée de renforts. Là, arrivent les Honoriani (selon Sozomène), alliés barbares de Constantin III. Ils sont finalement vaincus et faits prisonniers avec leurs familles. (Zosime, Histoire Nouvelle, VI, 4)

En 409, l'Irénarque, luttant contre le brigandage en Cilicie et Isaurie est supprimé; ses fonctions sont réparties entre les grands propriétaires et l'armée (Le Bohec, Bas Empire P165,212)

En 456, après la mort d'Avitus, les gallo-romains de la préfecture d'Arles s'allièrent aux Wisigoths contre Ricimer et Majorien et mirent en place une armée de fédérés gaulois (Demougeot P579).

En 460, le grand père de Cassiodore, éleveur de chevaux, repousse les vandales en Sicile et dans le sud de l'Italie avec une armée privée (Richardot P92-93)

En 470, les sénateurs arvernes se regroupent autour de la famille d'Avitus, de Sidoine Apollinaire et d'Ecdicius pour s'opposer aux Wisigoths, devant la passivité du générallissime Ricimer (Demougeot P597-598, lettres de Sidoine).

En 474, l'empereur Julius Nepos soutient les sénateurs arvernes résistant dans Clermont aux Wisigoths (Demougeot P604).

En la défaillance de l'autorité centrale ou en raison du manque de troupes, il arrive donc que des propriétaires terriens, ou des officiers, s'appuient partiellement ou totalement sur des colons travaillant la terre pour mener des opérations de guérilla. En celà, ces faits témoignent :
-d'une pénurie de troupes régulières
-d'une défaillance de l'autorité centrale
-du poids démographique des grandes propriétés terriennes

Ils annoncent également les armées thématiques de l'orient du VII siècle :
-armée non permanente
-semi-professionnelle
-levée en milieu rural
Cependant cette levée thématique se tiendra chez les petits propriétaires, et non chez les grands propriétaires (cf la réforme de Dioclétien suivie puis dénaturée par ses successeurs). En effet les petits propriétaires ne peuvent se désister là où les grands propriétaires pourraient troquer leurs paysans contre des barbares émigrés, de l'or, ou tenter de corrompre les recruteurs pour leur faire accepter des recrues de seconde catégorie, voir prendre eux-même du poids politique en menant leurs propres guerres; donner un tel pouvoir à des propriétaires revient à déléguer à une bourgeoisie civile et rurale un pouvoir militaire, en concurence du pouvoir central, ce que ce dernier ne peut permettre. Byzance encadrera ses troupes de soldats professionnels aux ordres d'un militaire de carrière, le stratiote.


Conclusion générale sur l'armée romaine
En conclusion, l'armée romaine s'est en permanence adaptée dans son mode d'organisation et de recrutement aux contextes du Ier au Vème siècle. La barbarisation ou germanisation de l'armée du IVème siècle était une réponse adaptée, permettant de faire face à la crise du recrutement. Contrôlée, elle rend de grands services à l'Empire. La barbarisation massive en Orient dans les années 378-382 met à mal cette patiente construction.
L'armée en Occident, elle, tient bon jusqu'en 408. Si la révolte anti-germanique provoque la désintégration de l'armée d'Occident, c'est davantage un nationalisme exploité politiquement par quelques intriguants que la composition de l'armée qui est à l'origine de cette catastrophe scellant le destin de l'Etat à terme. La germanisation, assumée, contrôlée, n'était pas une politique suicidaire, c'était une adaptation à un contexte nouveau.
L'Italie ne parvient pas à reconstituer une armée nationale après 410. La résistance du milieu sénatorial au financement de l'armée sous Valentinien III (443), sous Majorien (461) et après Anthémius (472) n'y est pas étranger. Les élites auraient failli à une époque où l'Etat impérial ne disposait de ressources suffisantes, en hommes, en or, peut-être en ressource morale. La résistance ne vient pas seulement du milieu sénatorial et des possédants, mais également des généralissimes : Ricimer et Gondebaud empêchent les empereurs d'augmenter les effectifs de l'armée, ce qui aurait rendu une certaine autonomie du pouvoir politique romain. Inversement, lorsque le généralissime et les sénateurs s'entendent avec l'empereur pour financer et employer cette armée, l'empire repasse à l'offensive (en 458-460 et en 467-468 contre les Vandales principalement).
Il n'aura donc pas manqué à l'empire des généraux compétents, romains ou germains, qui ne lui manquèrent jamais, pas plus que des mercenaires, recrutables presque en tout temps et en tout lieux, mercenaires fiables par ailleurs pourvu qu'ils soient payés. Il manqua davantage à l'Etat une fonction impériale recrédibilisée dans sa fonction d'imperator, de chef des armées (comme le tenta Majorien, mais qui fut une exception), une solide réforme du financement du recrutement (mettant à contribution les plus riches, comme la tenta également Majorien, mais annulée à sa mort), et une réforme du recrutement qui aurait permit la remobilisation des citoyens, réforme sur laquelle tous les empereurs échouèrent de Dioclétien à Majorien, mais que l'empire d'Orient parvint à mettre en oeuvre, plus tardivement, avec le système des thèmes.

L'armée de l'Orient tient bon, et permet à la moitié orientale de l'Empire de survivre. On estime ses effectifs à environ 150.000 soldats à l'époque de Justinien (527-565).
Ironiquement, l'armée de soldats citoyens paysans chère aux élites occidentales et aux mentalités républicaines, ne sera pas réalisée en Occident mais en Orient, dans un Etat "absolutiste". Avec deux siècles d'écart, les deux parties de l'Empire connaitront en effet une évolution à la fois similiaire et opposée. Similaire par l'abandon d'une armée massivement professionnelle et permanente, par manque de moyens financiers et en raison de difficultés de recrutement, et par le maintien d'une force permanente (Armée d'Italie en Occident au V siècle, Scholes en Orient au VII siècle). Opposée en ce que, au V siècle, l'Occident lève en renfort des troupes auprès de ses alliés germains installés dans l'Empire, là où en Orient le système thématique se mettant en place au VII siècle a recours à la petite paysannerie, encadrée par les scholes, système qui permet le rétablissement d'une armée véritablement nationale, permettant à l'empire de faire face à l'invasion arabe et slave de l'époque et de survivre pour plusieurs siècles encore.

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