407-410 Crise politique et militaire en Occident


Année 407
Migration des Suèves, Alains et Vandales en Gaule
Comme l'année 375 en Orient, 407 marque un tournant, cette fois pour l'Occident. Vers le premier janvier, les Vandales, Alains et Suèves traversent le rhin et pénètrent dans l'Empire.

"Quand ils s'unirent, dès l'été 406, les Alains, les Vandales et les Quades formèrent une masse plus importante que celle qu'avait conduite en Italie Radagaise, sans doute environ 150.000 personnes au moins (selon Grégoire de Tours, HF II,9, armée de 20.000 vandales en janvier 407, ce qui correspond à un peuple de 100.000 personnes au plus, mais Alains et Quades sûrement moins nombreux, car il resta des Quades outre-danube), car beaucoup de leurs compatriotes qui servaient dans les petites colonies militaires de la Valérie et de la Pannonie I vinrent se joindre à eux. [...] La plupart des soldats barbares établis en petites colonies au nord du confluent de la Drave étaient des Vandales, Quades, Alains ou Sarmates. [...]
Le rassemblement de la migration fut aidé non seulement par le ralliement des garnisons barabres, mais aussi par les carences de la défense frontalière amenuisée en outre par les incursions de 401 et les rappels de troupes en 402. [...] Du Danube au Rhin, la marche de l'invasion s'effectua hors des frontières romaines, échappant vraisemblablement aux informateurs du gouvernement impérial qui crut peut-être que le reste des barbares de Radagaise avait reflué en Germanie. [...] Les vandales-Alains-Suèves apparurent soudainement au confluent du Main et du Rhin qu'ils franchirent, le fleuve étant gelé, fin décembre 406. [...]
Le secteur couvrant Trèves en aval et en amont de Mayence n'était plus défendu, selon la notice des dignités, que par les 11 petites garnisons de fantassins du duc de Mayence, tandis que des rappels de troupes en 402 et 406 avaient diminué l'armée du comte de Strasbourg surveillant l'accès aux routes du Rhône et de l'Italie. Aussi les envahisseurs purent-ils anéantir les Milites de la garnison de Mayence, ainsi que ceux de Bingen, au nord et de Worms puis de Spire au sud (seul 5 de ces 11 garnisons ne seront pas détruites et seront promues pseudocomitatenses à partir de 412-413). Selon Grégoire de Tours, le duc de Mayence fit appel aux colons militaires Francs, sans doute ceux du Namurois et de la région de Tongres-Cologne, ainsi qu'à un groupe d'Alains commandé par Goar qu'il parvient à débaucher, mais, si les Francs réussirent à contenir l'armée des 20.000 vandales, ils succombèrent, après leur victoire, sous les coups des Alains du roi Rependial accourus au secours de leurs alliés (Grégoire de Tours HF II,9 : Goar étant passé dans le parti des Romains, le roi des Alains Rependial détourna ses troupes du rhin parce que les Vandales succombaient dans des combats contre les Francs. Le roi des Vandales Godigisèle avait été tué, une armée d'environ 20.000 hommes avait été massacrée et tous les Vandales allaient être exterminés jusqu'au dernier, si les forces des Alains n'étaient venues les secourir à temps). Alors les envahisseurs foncèrent sur la route militaire qui remontait le Rhin à partir de Spire, anéantirent les garnisons de Rheinzabern et de Seltz, s'emparèrent de Strasbourg, enfin, de là, prirent les routes ouvertes sur les Belgiques I et II plutôt que celle menant vers la Saône et la Lyonnaise I, dont peut-être ce qui restait des comitatenses de l'armée gauloise tenta de barrer l'accès."
[...] Les barbares après la ruine de Mayence et de Worms dont le siège fut long, emportèrent Reims, Amiens, Arras, la cité des Morins, Tournai, villes déportées en Germanie comme Spire et Strasbourg. [...] La plupart des Vandales-Alains-Suèves s'étaient dirigés vers Boulogne en passant par Metz et Reims, sauf peut-être des bandes qui prirent la route de Langres.
(La formation de l'Europe et les invasions barbares" d'Emilienne Demougeot, éditions Montaigne, 1979, tome II, seconde partie, p.430-436)

Le rappel des troupes comitatenses de 402 et 406 achève de dégarnir la frontière du rhin. Etaient alors sous les ordres du duc de Mayence 10 à 12 unités dont des auxiliats palatins et des comitatenses, ainsi que des Limitanei, effectifs suffisant pour faire face aux incursions habituelles de Francs et des Alamans. Avec les rappels successifs ne subsistent que 11 unités de Limitanei sous le commandement du duc de Mayence, soit 5.500 Limitanei, auxquels il faut ajouter des Lètes ou colons militaires germains (ainsi des Lètes Francs de la région de Trèves), dont une part impossible à déterminer rejoignent les envahisseurs. Ces défenses sont enfoncées.

Les envahisseurs franchissent la Loire à une date inconnue, datable selon les dépots monétaires retrouvés à une date antérieure au premier mai 408. Les Vandales, Alains et Suèves sont ainsi soit repoussés des Belgiques et des Lyonnaises, y compris des routes de la Lyonnaise I menant vers Arles, capitale de la préfecture gauloise, soit détournés volontairement vers les Aquitaines où ils demeurent jusqu'à l'automne 409, dans le but d'épargner Arles et l'Italie.

Les barbares passent le Rhin
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L'armée des Gaules, surtout composée de Gaulois, a été appelée pour défendre l'Italie du Nord contre Radagaise en 406. Elle admet certainement mal de voir que rien n'est fait par Honorius pour enrayer l'invasion en Gaule.

Usurpation de Constantin en Bretagne
Devant l'inaction de Ravenne, l'armée de Bretagne proclame Empereur un des siens, Constantin III. Aussitôt acclamé, il se rend en Gaule sans perdre de temps. La nouvelle de son usurpation arrive à Ravenne où séjourne Honorius en février-mars 407. Honorius avertit Stilicon de cette révolte. Il parvient également à Stilicon la rumeur selon laquelle Alaric serait mort. Cette rumeur infondée est probablement une machination des ennemis de Stilicon à la cour d'Occident ou de ses adversaires politiques de Constantinople destinée à retarder ou faire échouer la campagne orientale que Stilicon prépare depuis les derniers mois de l'année 406. Les préparatifs de cette campagne sont effectivement ajournés et sa réalisation repousée. Stilicon se rend à Rome au début du mois de mars 407 afin de décider de la marche à suivre quant à Constantin III, l'invasion des Gaules et sa campagne en Orient. C'est également au mois de mars que décède la femme d'Honorius, Marie.

Constantin III remporte quelques succès sur les Germains, renoue une alliance avec les Francs et séjourne à Trèves, à la frontière rhénane, jusqu'en 408. Stilicon, sur ordre d'Honorius qui craint pour sa vie, charge le Goth Sarus d'éliminer cet usurpateur. Arès l'avoir assiégé vainement pendant 7 jours à Vienne, Sarus doit battre en retraite et retraverse les Alpes.

On observe de façon intéressante que Stilicon (en fait sans doute poussé par les favoris d'Honorius) donne la priorité en 407 non pas aux Germains qui dévastent la Gaule, mais à Constantin III. Stilicon est en réalité pieds et poings liés. Il ne peut aller combattre Vandales, Suèves et Alains en Gaule sans exposer l'Italie (et donc Honorius et ses intriguants, prompts à obtenir une disgrâce) aux bandes dispersées de Radagaise, aux Alamans et aux Burgondes, installés au sud du Rhin, et potentiellement à Alaric. Il ne peut envoyer Alaric contre les peuples envahisseurs de peur de les voir faire cause commune contre lui. Enfin, il veut sans doute encore croire qu'il peut contrôler à son profit Alaric. Stilicon n'a en effet pas abandonné ses prétentions sur l'Orient. Il reste donc l'arme au pied.
Il est également possible que l'on ait pensé à Ravenne que ces invasions n'étaient qu'un raid de plus de la part de pillards, qui refranchiraient rapidement le Rhin, chargés de butin, et faciles à tailler en pièces. Mais la présence des Huns, la pression sur le Rhin des Alamans et des Burgondes rendait tout retour en arrière impossible.

Il faut également mesurer l'importance de la Gaule. Très peuplée, elle est de longue date le vivier de recrutement militaire par excellence de l'Empire en Occident, avec dans une moindre mesure la Bretagne. Vers 360, un atlas du monde et des peuples déclare que la force militaire de l'Empire repose en Occident sur les Celtes (Bretons et tout particulièrement Gaulois). Les jeunes fils de militaires étaient tenus de s'engager obligatoirement dans l'armée par des lois édictées au IV siècle, et ce recrutement héréditaire était devenu la principale source de recrues, avec l'enrôlement d'élément germanique. Or Ravenne ne peut plus recruter ces fils de vétérans dans une Gaule dévastée, livrée au pillage, qui lui échappe administrativement, et où son inaction la décrédibilise.

Bilan pour l'année 407
L'Occident ne peut guère plus compter que sur les troupes disponibles alors, à savoir les scholes palatines, environ 15.000 fédérés et environ 20.000 soldats de l'armée des Gaules en Italie, les troupes de Constantin III (sans doute majoritairement des Bretons et des Gaulois – ce qui l'a poussé à intervenir sur le continent à l'inverse de deux précédents usurpateurs bretons de 407 tout deux tués pour être restés passivement sur l'île), les troupes d'Afrique du Nord, peu nombreuses et occupées à mater les Donatistes, les quelques troupes "de police" en Espagne et les rares garnisons d'Illyrie.

La situation apparait donc comme critique à moyen terme, lorsque le renouvellement de l'armée ne sera pas possible, sauf à réduire les envahisseurs rapidement et à empêcher leur expansion dans l'Empire. S'il est possible de sanctuariser l'Italie, l'Espagne et donc l'Afrique en garnisant les cols de montagnes de garnisons, la Gaule et la Bretagne apparaissent comme perdue au moins temporairement.


Année 408
Dégel partiel des relations entre l'Occident et l'Orient
Au début de l'année, Honorius se remarie avec la seconde fille de Stilicon, Thermantia. Stilicon aurait cherché à ne pas remarié Honorius, afin que ce dernier reste sans descendance, pour favoriser son propre fils Eucher. Mais Séréna, la femme de Stilicon, fille adoptive de Théodose, doit sa position et son influence à la dynastie théodosienne. Elle favorise donc le remariage d'Honorius avec sa seconde fille contre l'avis de Stilicon. Thermantia elle sera répudiée à la mort de son père fin août 408.
Conscient de la gravité de la situation, Stilicon abandonne son hostilité à l'égard du gouvernement de Constantinople. Signe du dégel des relations entre les deux parties de l'Empire, le consul d'orient de l'année 408 est reconnu en occident. L'alliance avec les Wisigoths devient superflue pour reprendre l'orient, mais demeure souhaitable pour lutter contre les germains et Constantin III en Gaule.

A la faveur des évènements fâcheux en Gaule, les intrigues de palais se développent à Ravenne, essentiellement contre Stilicon. C'est un sénateur, Olympius et la soeur de l'Empereur Honorius, Galla Placidia, qui mènent cette fronde. Ils accusent Stilicon de vouloir faire empereur son fils Eucherius.

Alaric demande un paiement pour ses services rendus à Stilicon
A la toute fin de l'année 407 ou au printemps 408, Les Wisigoths se remettent en marche. Alaric remonte de l'Epire vers la Pannonie supérieure. Il franchit la passe d'Atrans formant la frontière entre les diocèses de Pannonie et d'Italie annonaire. Alaric se rend devant Emona (Ljubljana) ville faisant partie de la province de Vénétie-Istrie (relèvant de l'Italie), mais ne va pas plus loin.

Depuis 405, Alaric attendait en Epire les ordres de Stilicon pour reprendre l'illyricum oriental à Arcadius. En 406, Stilicon était occupé par Radagaise. En 407, ce sont l'usurpation de Constantin III et l'invasion germanique en Gaule qui retardent ses plans. Honorius ne voulait pas alors voir son général se détourner du vrai problème pour lui, l'usurpation de Constantin III, et voir des troupes d'élites partir à l'est dans une guerre fratricide alors que lui risquait de perdre son trône. Les mesures prises contre l'usurpateur en Gaule dans la seconde moitié de 407 ne portent cependant par leurs fruits. Lassé d'attendre, Alaric se rapproche donc de l'Italie, pensant qu'Honorius, ainsi prit entre la menace de Constantin III et la sienne serait en position de faiblesse, et serait prêt à un accord avantageux pour lui et son peuple.

Alaric demande une compensation financière pour les deux ans passés en Epire. Stilicon se rend à Rome pour conférer avec Honorius et le Sénat impérial, qui ne se réunit pas alors à la Curie mais au palai impérial. Dans un premier temps, le sénat refuse de céder à Alaric, préfère lui faire la guerre et entre en désaccord avec Stilicon. Stilicon doit alors expliquer sa politique devant les sénateurs hostiles : "C'est effectivement pour le profit de l'Empereur qu'il a passé autant de temps dans les provinces d'Epire" (Zosime citant Stilicon, Histoire Nouvelle, 5,29,7).

Certains sénateurs en minorité d'abord se rallient au général d'Honorius, plus par peur de lui que par peur d'Alaric. Ceux s'opposant à Stilicon le font en ayant la conviction qu'ils ont des aliés au sein de l'entourage d'Honorius et parmi les hauts fonctionnaires qu'on verra au premier plan après la chute de Stilicon à l'été 408. Mais Stilicon reste encore le plus influent. Il se rallie donc le sénat. Comme les tractations entre Honorius et Stilicon se passent à Rome, le sénat est simplement utilisé comme une chambre d'enregistrement. Une vélléité d'indépendance apparement imprévue est matée quand le sénateur Lampadius estime : “non est ista pax sed pactio seruitutis” : ce n'est pas un traité de paix mais un pacte d'esclavage (Zosime, Histoire Nouvelle, 5,29,9). L'incident révèle la puissance et l'influence croissante des ennemis de Stilicon sur Honorius. Peut-être cette opposition initiale du sénat s'explique par la volonté de mettre à contribution des sénateurs pour payer le “dédommagement” d'Alaric.
Le sénat décide de payer 4.000 livres d'or. Ces 4.000 livres d'or représentent 288.000 solidus, la monnaie d'or de l'époque, ou encore 1300 kg de métal doré. cette somme pouvait suffire à faire vivre environ 100.000 personnes confortablement pendant un an. Cet indice permet indirectement d'estimer le nombre de guerriers wisigoths, en raison d'un rapport de un guerrier pour cinq individus, soit 20.000 guerriers. Ce chiffre semble faible comparé aux 40.000 Goths intégrés en 382 par Théodose dans l'armée d'orient. Cependant, Alaric ne dirige alors qu'une partie du peuple goth (son frère Athaulf lui apportera des renforts en Italie dans les années suivantes). De plus, les défaites furent nombreuses après 382 (participation à la guerre contre Maxime, défaite face à Stilicon en 392, participation à la guerre contre Arbogast avec 10.000 morts, défaite face à Stilicon en 395, 397, 401, deux fois en 402, et famine sévissant plus d'une fois). Le chiffre semble donc correct. En 416, le roi Wisigoths Wallia sera ravitaillé pour assurer la subsistance de son peuple pour une année. ce ravitaillement sera suffisant pour assurer la subsistance de 15.000 guerriers et de leurs familles. Tout cela permet d'estimer assez précisément le nombre de la tribu d'Alaric et de ses guerriers. La disproportion semble encore grande entre ces 15 à 20.000 guerriers goths d'une part, et les soldats romains, peut-être au nombre de 35.000 en comptant les fédérés dont Stilicon dispose en Italie du Nord.
Selon Zosime, la nature de l'accord entre Stilicon et Alaric n'est plus seulement la conquête de l'Illyricum oriental mais aussi “une guerre contre celui qui règne en Orient” à ses côté. Séréna, la femme de Stilicon, mais qui est également la fille adoptive de Théodose et donc la soeur adoptive d'Honorius et d'Arcadius a pû cherchée à empêcher le projet de se réaliser pour maintenir la bonne entente entre ses deux frères. Stilicon montre au sénat une lettre de Séréna qui est responsable de l'ajournement de son projet militaire en Orient. Cette lettre mettait au courant Stilicon de l'usurpation de Constantin III, et l'enjoint à renoncer à son opération sur l'illyricum oriental (Zosime, Histoire Nouvelle, 5,27,2).

Intrigues de palai contre Stilicon
Honorius marque sa défiance à l'égard de Stilicon et envers son accord financier avec Alaric, en allant se mettre à l'abri à Ravenne, hors de portée d'Alaric et de Constantin III. Stilicon marque son opposition à cette décision mais échoue à faire fléchir Honorius. Séréna prend parti contre Stilicon et conforte ou encourage Honorius dans son choix. Alaric, satisfait de son côté, évacue l'Italie et se rend en Norique, où il demeure jusqu'aux évènements de l'été. Conseillé par les ennemis de Stilicon, Honorius décide de se rendre à Ticinum (l'actuelle Pavie) où l'armée censée aller combattre Constantin III en Gaule est concentrée. Cette armée régulière composée principalement de Gaulois semble mal disposée à l'égard de Stilicon, probablement en raison du manque de sécurité en Gaule suite aux invasions de janvier 407. Honorius emmène avec lui le pire ennemi politique de Stilicon, le sénateur Olympius, qui allait formenter la révolte contre lui et provoquer sa chute.
Stilicon soupçonne que le pire pouvait lui arriver si Olympius et Honorius rencontraient ces troupes mécontentes. Il tente donc de faire annuler ce voyage : le Goth Sarus, à l'instigation de Stilicon, pour intimider Honorius, provoque des troubles devant Ravenne où devait se rendre l'Empereur. Stilicon choisit ensuite un avocat réputé, Justinien, pour dissuader Honorius de faire ce voyage. Ces tentatives de Stilicon échouent. L'insistance d'Honorius ne s'explique que par les pressions des ennemis de Stilicon qui voyaient dans ce voyage le meilleur moyen de mettre leur plan à exécution.

Mort d'Arcadius en Orient ; son fils Théodose devient empereur
Le premier mai 408, l'Empereur d'Orient Arcadius décède. Il laisse un fils en bas-âge, Théodose II, né le 10 avril 401, et donc âgé de seulement 7 ans, jouet facile entre les mains des intriguants de la cour de Constantinople. Le jeune Théodose II, à 7 ans, allait être un jouet entre les mains de ses ministres et conseillers encore plus que son père. La régence de Théodose II sera assurée par Anthémius, le préfet du prétoire jusqu'en 415, puis de 414 à 450 (!) par la soeur de l'Empereur, Pulchérie. En éternelle minorité, Théodose II ne régnera jamais vraiment, comme Honorius, Arcadius, ou plus tard Valentinien III (425-455). Honorius troque ainsi un frère aîné pour un neveu encore enfant. Une intervention en orient devient donc nettement plus aisée.
Cet enfant est le fils d'une Franque, l'impératrice Eudoxie. Pour la première fois dans l'histoire de l'empire Romain, un empereur est à moitié barbare. Cette situation crée un précédent qui ne peut échapper à Stilicon : son fils Eucher, d'origine Vandale de par son père, et romain de par sa mère Séréna. Il pourrait donc éventuellement succèder à Honorius si ce dernier venait à mourir sans descendance. Cependant, en celà il s'opposerait à sa propre femme Séréna, qui, faisant partie de la dynastie théodosienne, perdrait toute influence si cette dynastie venait à disparaitre. Par deux fois, elle s'est déjà oposée à son époux, en tentant d'empêcher la guerre de Stilicon contre Arcadius, puis en remariant Honorius à sa seconde fille. A chaque fois, c'est la défense de la dynastie théodosienne qui a prévalu chez séréna.

Honorius est peut-être tenté de partir pour Constantinople et d'administrer l'Orient de son neveu. Selon la jurisprudence romaine, il en a le droit jusqu'à la 14ème année de Théodose, soit jusque 415. Finalement, Honorius renonce sur la pression de son entourage à partir pour Constantinople.
Honorius quitte Rome pour Ravenne et de là pour Pavie vers la mi-mai 408. Il ne s'agit donc pas pour lui d'embarquer vers Constantinople pour gérer la succession de son frère Arcadius, mais de son voyage visant à s'assurer le soutien de l'armée régulière. Peut-être en raison des troubles provoqués par Sarus devant Ravenne, Honorius se rend directement à Bologne puis à Pavie.
Stilicon laisse Honorius réaliser son voyage sans lui, et se rend de son côté à Ravenne pour recevoir des émissaires d'Alaric. Il tente néanmoins encore une fois de faire échouer le voyage d'Honorius. Des désordres surviennent chez les troupes accompagnant Honorius, sans doute des fédérés puisqu'on rappelle Stilicon pour les calmer. Il est possible que ces désordres aient été provoqués par Stilicon en sous main pour ramener sous son autorité Honorius, ou par Olympius mais qui en aurait perdu le contrôle après que ces troubles aient dégénérés. Stilicon se rend de Ravenne à Bologne, mate la révolte et s'entretient avec Honorius de la situation depuis la mort d'Arcadius.

Un nouveau différent survient alors entre Honorius et Stilicon : les ennemis de Stilicon en Occident et en Orient voient un grand avantage à ce que Honorius se rende lui-même à Constantinople. Les premiers auraient ainsi les mains plus libres pour manoeuvrer contre Stilicon en Italie, et Honorius n'était pas de taille à tenir tête aux ministres de Constantinople. Stilicon lui ne voulait pas laisser passer l'occasion longuement attendue de prendre en main les affaires de l'Orient. Stilicon détourne sans peine Honorius de son projet de se rendre à Constantinople, arguant du danger représenté pour lui par Constantin III, de la proximité d'Alaric dans le Norique, des dépenses du voyage. Il l'emporte en dépit de la mauvaise volonté d'Honorius et des pressions de ses ennemis. Selon certaines sources (l'historien ecclesiastique zosomène) Stilicon prévoit de se rendre en personne à Constantinople avec 4 unités de l'armée, sans doute des unités d'élite, pour tenir la capitale et s'imposer comme régent de Théodose II.

La conférence de Bologne
Stilicon doit mener quatres actions de front : se débarasser de Constantin III, s'assurer de la loyauté d'Alaric, débarasser la Gaule des germains présents depuis 407 et se rendre à Constantinople assurer la régence de Théodose II. Règler ces problèmes passent par un plan ingénieux : "un plan excellent et profitable à l'état consistait à faire partir Alaric en campagne contre l'usurpateur en emmenant une partie des barbares qu'il avait avec lui ainsi que des corps de troupes romaines et des officiers qui se joindraient à lui pour cette guerre, et à ce que lui-même Stilicon gagne l'Orient sur l'ordre de l'Empereur et avec une lettre sur lui sur ce qu'il aurait à faire (Zosime, Histoire Nouvelle, 5,31,5).
Règler les détails pratiques de cette alliance fera l'objet de la conférence de Bologne, longue et difficile, qui se tient de la fin mai à début août 408. Stilicon devait en effet réussir à faire cohabiter des soldats réguliers gaulois et les guerriers Wisigoths d'Alaric, eux qui s'étaient par le passé dans les années 401-403 opposés dans plusieurs batailles. Les soldats Gaulois voyaient certainement d'un mauvais oeil cette alliance de circonstance avec des Germains alors que la Gaule était elle-même envahie et pillée par des peuplades germaniques depuis 18 mois. Stilicon pense donc résoudre le problème en n'utilisant qu'une partie des Wisigoths, qui seraient ainsi en infériorité numérique au cours de la campagne contre Constantin III, et dont ceux restant dans le Norique ne seraient plus assez nombreux pour constituer une menace pour l'Italie. Un commandement conjoint alliant Alaric peut-être promu Magister Militium per Gallias à des officiers romains permettait également de s'allier à peu de frais les services et la loyauté d'Alaric, du moins pour un temps.
Les décisions enfin prises début août 408 semblent aboutir à un triomphe de Stilicon sur toute la ligne. Honorius se rend auprès des troupes stationnées à Pavie conformément à ce qui avait été décidé lors de la conférence. Les 150 kilomètres de routes bien entretenues allant de Bologne à Pavie sont couverts en 6 jours par Honorius qui arrive auprès des troupes régulières le 9 août. Ainsi, au début du mois d'août 408, grâce à la diplomatie active de Stilicon, l'Occident romain est sur le point de résoudre tout les problèmes s'accumulant depuis la mort de Théodose en 395 : l'Empire est sur le point d'être réunifié, les turbulents Wisigoths d'Alaric acceptent de se mettre au service des armées impériales, un dangereux usurpateur est en passe d'être battu, et les Germains ayant envahis la Gaule seront par la suite la cible de l'alliance entre les Wisigoths et les Romains, ce qui rétablira la sécurité en Gaule et sur la frontière rhénane.
Pourtant, trois semaines plus tard, l'Occident sera au bord du gouffre.

La révolte anti-germanique de Pavie
Le 13 août 408, les troupes régulières de Pavie se mutinent en présence d'Honorius, lorsque ce dernier leur demande d'aller combattre l'usurpateur Constantin III et ses troupes gauloises.
"L'Empereur une fois arrivé à Ticinum, Olympius alla visiter ceux des soldats qui étaient malades (il usait en effet aussi de ce procédé comme arme principale de sa modération hypocrite) et sema auprès d'eux aussi des incantations de même sorte.
Alors que quatre jours seulement s'étaient écoulés depuis que l'Empereur s'était installé à Ticinum, les soldats furent convoqués au quartier impérial, l'Empereur parut à leurs yeux et les encouragea à faire la guerre contre l'usurpateur Constantin; aucune agitation ne se manifestant au sujet de Stilicon, Olympius parut faire signe aux soldats et comme leur remettre en mémoire ce dont il s'était précisément entretenu avec eux en secret. Ceux-ci, devenus en quelque sorte déments, égorgent Liménius, le préfet du prétoire dans les provinces transalpines, et en même temps que lui Chariobaude, le général des corps de troupes stationnés là-bas; il se trouvait en effet qu'ils avaient échappé à l'usurpateur et étaient venus à la rencontre de l'Empereur à Ticinum; après ceux-ci ils massacrent Vincent et Salvius, l'un commandant des cavaliers, l'autre chef du corps des domestici.
Lorsque, la sédition s'étant étendue, l'Empereur se fut retiré dans le quartier impérial et que quelques-uns des hauts personnages furent parvenus à s'enfuir, les soldats répandus dans toute la ville, massacrèrent tous les dignitaires qu'ils purent après les avoir arrachés des maisons dans lesquelles ils avaient trouvé à se sauver, et pillèrent les richesses de la ville; quand le mal fut devenu irrémédiable, l'Empereur, vêtu d'une méchante tunique, sans manteau ni diadème, parut au milieu de la ville et fut, au prix d'un grand effort, à peine capable de contenir la démence des soldats. Tous ceux des hauts fonctionnaires qui furent pris même après s'être enfuis furent tués : Naimorius, le maître des services de la cour, Patroinus, le responsable des trésors, ..., le préposé aux caisses qui appartiennent en privé à l'Empereur, et en plus d'eux Salvius, le fonctionnaire chargé de publier les décisions impériales, auquel on a donné le nom de questeur depuis l'époque de Constantin; car même le fait qu'il se tînt prosterné aux pieds de l'Empereur ne suffit pas à le faire échapper à la mort.
La sédition ayant duré jusque tard dans l'après-midi et l'Empereur, par crainte qu'il ne lui arrive à lui aussi quelques malheur, s'étant retiré pour cette raison, les soldats, ayant dans l'intervalle découvert Longinianus, qui était préfet du prétoire d'Italie, le massacrent lui aussi; or, tandis que ces hommes investis de hautes charges étaient victimes de la folie des soldats, une foule de gens qui étaient tombés entre leurs mains et dont il n'est pas facile d'estimer le nombre périrent également
" (Zosime, Histoire Nouvelle, 5,32,2-7).

De nombreux hauts dignitaires sont abbatus par les mutins : le préfet du prétoire d'Italie, celui des Gaules, le maître des offices, le questeur du Palai sacré, le comte des largesses sacrées. De nombreux officiers étaient d'origine germanique depuis le milieu du quatrième siècle. Il est fort possible que, outre le fait d'avoir massacrés de haut dignitaires impériaux, les mutins aient également tué leurs officiers germaniques. Dans de telles conditions, ces troupes régulières furent désorganisées par leur propre sédition. A l'image de l'armée soviétique décapitée en 1939-1940 par les purges de Staline, une armée sans ses cadres est impuissante.

Assassinat de Stilicon
Honorius ne sauve sa vie qu'en promettant de sacrifier Stilicon, accusé de briguer l'Empire pour son fils Eucher. Stilicon, alors toujours à Bologne pour préparer son départ pour Constantinople, apprend la nouvelle de la sédition vers le 15 août. Il refuse d'intervenir militairement avec les fédérés présents à Bologne contre les troupes romaines, jugeant le procédé ni honnête, ni prudent. En refusant de plonger l'occident dans la guerre civile, il se condamne à mort. Le 22 août, il est assassiné à Ravenne où il s'est réfugié :

"Lorsque ces évènements eurent été annoncés à Stilicon qui se trouvait à Bologne, il n'en fut pas peu troublé; après avoir convoqué tous les chefs des alliés barbares qui étaient avec lui, il mit en délibération ce qu'il fallait faire, et tous estimèrent unanimement que la meilleure solution consistait, au cas où l'Empereur aurait été assassiné (c'était en effet encore incertain), à ce que les barbares alliés aux Romains fondent ensemble et d'un seul mouvement sur les soldats et rendent ainsi tous les autres plus disciplinés, si au contraire l'Empereur paraissait sain et sauf mais que ceux qui occupaient les hautes charges avaient péri, à châtier alors les responsables de la sédition. Voilà donc ce qu'avaient décidé Stilicon et les barbares qu'il avait avec lui; mais lorsqu'ils apprirent qu'aucun excès n'avait été commis contre le pouvoir impérial, Stilicon jugea bon, non plus d'aller remettre au pas l'armée, mais de retourner à Ravenne; il prenait en effet en considération le grand nombre des soldats, se rendait en outre compte que les dispositions de l'Empereur à son égard n'étaient pas sûres, et en plus de cela estimait qu'il n'était ni honnête ni prudent de lancer des barbares contre une armée romaine.
Cependant que Stilicon se trouvait dans cette situation embarassante, les barbares qui étaient avec lui, désireux que leur point de vue précédemment fixé prévalût, entreprirent de le détourner de ce qu'il avait ultérieurement décidé; comme ils ne le convainquirent pas, ils décidèrent tous d'attendre en de certains endroits que l'Empereur manifeste plus clairement les dispositions qu'il avait à l'égard de Stilicon, à la seule exception de Sarus, qui l'emportait par la vigueur physique et le prestige sur les autres alliés; avec les barbares qui étaient placés sous ses ordres, il massacra durant leur sommeil tous les Huns qui précisément assuraient la garde de Stilicon, se rendit maître de tous les bagages que ce dernier avait avec lui et se dirigea vers la tente de Stilicon d'où celui-ci sans en sortir, observait de loin ce qui allait se passer.
Alors même que les barbares qu'il avait avec lui étaient en désaccord, Stilicon part donc pour Ravenne et prescrit aux villes dans lesquelles il se trouvait qu'il y avait des femmes et des enfants de barbares, de n'admettre aucun barbare qui s'en approcherait; quant à Olympius, qui s'était désormais rendu maître de la volonté de l'Empereur, il envoya aux soldats stationnés à Ravenne une lettre impériale qui leur enjoignait d'arrêter Stilicon et de le garder provisoirement à vue auprès d'eux sans le mettre aux fers. Ayant appris cela, Stilicon gagna une église des chrétiens qui se trouvait à proximité alors qu'il faisait encore nuit; quand les barbares qui étaient avec lui et d'autres familiers virent cela, ils observèrent, accompagnés de serviteurs et en armes, ce qui allait arriver.
Une fois que le jour se fut levé, les soldats pénétrèrent dans l'église et se portèrent garants sous serment, en présence de l'évêque, que l'Empereur ne leur avait pas ordonné de le tuer, mais seulement de le garder à vue; lorsqu'il fut sorti de l'église et placé sous la surveillance des soldats, celui qui avait apporté la première lettre en produisit une seconde, qui fixait la peine de mort pour les crimes commis par Stilicon contre l'Etat. [...] Stilicon fut conduit à la mort; les barbares, les serviteurs et par ailleurs les familiers qui l'entouraient (ils constituaient en effet une foule nullement médiocre) s'apprêtant à l'arracher à son sort, Stilicon, par toutes sortes de menaces effrayantes, les détourna de cette entreprise et tendit en quelque sorte lui-même la gorge à l'épée; parmi tous ceux pour ainsi dire qui exercèrent le pouvoir à cette époque, il fut le plus modéré. [...] Il assuma pendant 23 ans le fonction de général sans jamais paraître avoir mis des commandants à la tête des soldats pour de l'argent ou détourné à son profit personnel l'approvisionnement de l'armée
" (Zosime, Histoire Nouvelle, 5,34,1-7).

Le meurtre de Stilicon
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Massacre des familles des fédérés ; révolte des fédérés
Alors que Stilicon perds la vie, les familles des fédérés sont massacrées dans des villes italiennes par des soldats romains. Placées là par les soins de Stilicon pour maintenir dans de bonnes dispositions les fédérés qui s'étaient déjà révoltés de 395 à 399 et de 401 à 402, ces familles sont victimes d'un pogrom antigermanique, qui retire à l'autorité impériale tout moyen de pression à l'encontre des fédérés. Dans cette affaire de massacre de civils, il est probable que les troupes régulières furent influencées par les nouveaux ministres impériaux nationalistes :

"Comme si ces malheurs ne suffisaient pas à rassasier le démon qui régissait tout et qui, appartenant à la catégorie des êtres néfastes, bouleversait l'ensemble des hommes que la divinité avait abandonnés, voici l'autre fléau qui vint encore s'ajouter aux précédants : les soldats stationnés dans les villes, lorsque leur fut rapportée la mort de Stilicon, se jetèrent sur les femmes et les enfants des barbares qui se trouvaient dans chaque ville, les massacrèrent jusqu'au dernier comme sur un signal convenu et pillèrent tout ce qui était en leur possession. Quand les parents de ceux qui avaient été tués eurent appris cela, et se furent rassemblés de toute parts en un même endroit, indignés que les Romains eussent commis une telle impiété envers la loi jurée devant Dieu, ils décidèrent tous de s'associer à Alaric et de participer à sa guerre contre Rome; et, réunis dans ce dessein au nombre d'un peu plus de 30.000, ils se rassemblaient en hâte pour se tenir à sa disposition." (Zosime, Histoire Nouvelle, 5,35,5-6)

Les pro-stiliconiens sont pourchassés dans l'administration
Conséquence inévitable voir nécessaire à toute révolution de palai, le personnel impérial est "épuré" : on pourchasse les partisans ou prétendus partisans de Stilicon. Leurs biens et de ceux de Stilicon sont confisqués au profit de l'état. La mort de Stilicon améliore les relations entre les deux parties de l'Empire. Une législation datée du 10 décembre 408 met fin au blocus naval mit en place par Stilicon contre l'Orient, blocus qui avait interdit toutes les relations entre Ravenne et Constantinople. (Codex Theodosianus, VII, 16.1). Olympius est promu Magister Officiorum. Héraclien, l'assassin de Stilicon devient comes africae. L'ecclesiastique Jérome le décrit comme étant cruel, avide et ivrogne. Deux nouvelles victimes du nouveau régime sont connues : Deutérius, praepositus sacri cubiculi et Pierre, primicerius notariorum. De nombreux partisans de Stilicon sont torturés pour leur faire avouer le prétendu complot de Stilicon visant à mettre son fils Eucher sur le trône mais selon aucun aveux n'est obtenu.

Eucher est envoyé à Rome avec une garde de derniers fidèles, peut-être pour rechercher la protection de sa mère. Il y trouve asile dans une église de la ville. Mais un ordre d'Honorius arrive pour le ramener à la cour de Ravenne et en cas de difficultés, indique de le tuer immédiatement. La route étant impraticable en raison de la descente d'Alaric, Eucher est tué par les deux eunuques envoyés par Honorius, Arsace et Térence. Les deux eunuques remettent ensuite Thermantia, seconde femme d'Honorius et fille de Stilicon, à sa mère Séréna. Ils retournent à Ravenne par la mer en s'embarquant à Porto et en remontant la péninsule jusqu'à Gênes. Ils passent par Pavie où ils sont sûrs de trouver des troupes alliées, puis regagnent Ravenne. La réussite de cette mission leur vaut une promotion : Térence devient Praepositus sacri cubiculi en succèdant à Deutérius à ce poste. Arsace devient primicerius sacri cubiculi.

Alaric se dirige vers Rome pour obtenir son dû ; il est rejoint par les fédérés
Avec la révolte anti-germanique de 408, Alaric perds tout ce qu'il a réussi à obtenir de Stilicon en quelques jours. Il perds son rang de Magister militium per Gallias, ainsi que la stabilité pour son peuple que son intégration dans l'état-major impérial supposait. Ses origines le rendent infréquentable pour le nouveau pouvoir politique. L'accord péniblement conclu à la conférence de Bologne début août menaçant de devenir caduc, Alaric tente une nouvelle médiation.
Selon Zosime, il se fonde toujours sur l'accord conclu avec Stilicon, espérant donc par là obtenir un haut rang dans l'armée romaine, et un territoire où s'installer. Il demande une somme d'argent modique, non précisée, un échange d'otage, et se déclare prêt à quitter Virunum dans le Norique méditérranéen d'où il menace directement l'Italie, et à se retirer en Pannonie plus à l'est. Les otages demandés sont Aétius, fils de Gaudence, futur grand général qui repoussera Attila en 451. Aétius était sans doute déjà otage en 405-408. Est également demandé Jason, fils de Jovius, préfet de l'Illyricum qui s'est lié d'amitié avec Alaric.
Cependant, l'entourage farouchement nationaliste d'Honorius s'oppose aussi bien à un accord avec Alaric qu'au parti énergique de confier la défense de l'empire à un général capable, mais barbare tel que Sarus. La valeur militaire de ce dernier est pourtant soulignée par les sources. De plus, il dispose de fédérés en grand nombre, ce qui indique que tous les fédérés ne sont pas prêt à rompre avec Rome, mais désireux de continuer leur collaboration avec l'Empire. Honorius faisant pleine confiance à Olympius, il place sans inquiétude à la tête de l'armée des généraux jugés incapables. Turpillion devient Magister equitum praesentalis; il succède à ce poste à Vincent, tué à Pavie. Varanès, probablement d'origine persanne comme son nom semble l'indiquer (héllenisation du nom perse wahram), devient Magister peditum à la place de Stilicon. Vigilance devient comes domesticorum equitum.

La nature nationaliste, barbarophobe, et pro-catholique du nouveau pouvoir fait échouer ces négociations. Alaric ne se faisait d'ailleurs sans doute que peu d'illusions sur ses chances de parvenir à un accord. Estimant avoir davantage de chance de parvenir à un nouvel accord durable avec le gouvernement impérial en faisant monter les enchères, Alaric quitte Virunum fin septembre ou début octobre 408, passe en Italie sans attendre les renforts de son frère Athaulf, qui commande les Goths et les Huns de haute-Pannonie, et décide de marcher sur Rome.
L'idée d'une attaque contre l'ancienne capitale aux murs restaurés mais mal défendus s'impose à lui. Alaric ne compte pas s'en emparer mais sait qu'une période de siège brisera la résistance des habitants. Il cherche à appuyer ses revendications financières et politiques par un chantage dont Rome sera l'otage. Par ailleurs, il n'y a en Italie du nord outre la garnison de Ravenne assurant la protection d'Honorius, qu'une seule armée sérieuse, celle réunie à Pavie pour combattre Constantin III. De la vénétie, la voie vers Rome est ouverte et Alaric ne rencontre en effet aucune resistance.
En chemin, il recrute peut-être une partie des barbares de Radagaise, dont deux des trois groupes avaient échappé à Stilicon en 406. Alaric prend la voie Postumia, passe par Aquilée qui est pillée, puis par Vérone, Crémone, passe le Pô, puis suivent la voie Aemilia jusqu'à Bologne et Rimini. Altinum, Concordia et Crémone sont également pillées. Evitant Ravenne, imprenable, ils suivent la côte par la voie Flaminia, dépassent Ancône, arrivent dans la province de Picenum. Ils se dirigent de là vers l'ouest en suivant la voie Salaria, passent par Ascoli et Reate jusqu'à Rome. Il arrive devant Rome aux premiers jours de novembre 408. Le début du siège est datable de façon précise : Alaric bloque le port de Porto (Ostie étant ensablé est abandonné au IV siècle). Il affame Rome en bloquant les convois de blé. Selon les indications des archives juridiques du Codex Theodosianus (C TH 13.9.3.3), la navigation des navires ravitaillant Rome est interompue traditionnellement du 15 octobre au 13 avril, celle-ci devenant périlleuse en hiver). Au moment où Alaric bloque Porto et empêche le halage sur le Tibre, le blé pour l'hiver est encore à Porto, Rome se retrouvant rapidement affamée. Alaric a donc interrompu les transports entre Porto et Rome peu après la mi-octobre. Il quitte donc Virunum à la fin septembre, pour ne mettre le siège devant Rome que début novembre.

Cette incursion aura des conséquences très grave pour l'Empire. Les fédérés germains d'Italie, en révolte suite au massacre de leurs familles, profitent de l'arrivée d'Alaric pour se joindre aux Wisigoths. Le rapport de force bascule à cette occasion en faveur des Wisigoths. Renforcé par des milliers de fédérés mutinés (30.000 selon Zosime mais ce chiffre doit comprendre des civils), Alaric dispose de ses 15.000 à 20.000 guerriers auxquels il faut rajouter les quelques 15.000 fédérés se joignant à lui suite aux massacres d'août, au total 30.000 à 35.000 hommes, quand Honorius ne dispose plus que de sa garde personnelle à Ravenne, l'armée régulière s'étant désorganisée par sa sédition de Pavie et surtout ayant été divisée en plusieurs garnisons. Cette armée est incapable de contrer l'invasion de l'Italie par les Wisigoths d'Alaric.

Premier siège de Rome par Alaric
Alaric fait un premier siège de Rome. Il aurait fermé la navigation du Tibre pour affamer la ville, mais il semble qu'il fut incapable d'encercler la ville toute entière, et même de contrôler le Tibre. Beaucoup de romains l'utiliseront pour gagner la mer et le port de Giglio.

Abasourdis par l'audace des Wisigoths, ne comprenant pas l'apathie du pouvoir impérial à Ravenne, les habitants de Rome trouvent un bouc-émissaire en la personne de Séréna, la femme de Stilicon. Accusée d'être responsable de l'expédition d'Alaric, elle doit comparaître dans un procès, qui se tient après le début du siège de la ville. Ses ennemis sont le sénat, mais aussi Galla Placidia, alors âgée d'une vingtaine d'année. Honorius, qui épargne Thermantia, seconde fille de Séréna et de Stilicon, ne semble pas avoir joué de rôle dans ce procès. Il apparait comme vraisemblable que le sénat ai cherché à se couvrir dans un procès contre un membre de la famille impériale, Séréna étant la nièce de Théodose, en impliquant le témoignage de Galla Placidia, fille de l'ancien Empereur.
Ses liens avec Stilicon et Eucher, ainsi que le siège mené par Alaric, donnent une apparence de vraisemblance aux accusations. En réalité, le véritable motif serait d'ordre financier. A l'automne, alors que la menace des Wisigoths sur Rome commençait à se faire sentir, un sénateur, Pipianus, ayant perdus ses enfants, avait décidé de se vouer à une vie chaste et ascétique. Avec sa femme Mélanie, il avait vendu ses biens et ses esclaves pour en faire don à l'église, avant de partir pour l'Afrique. Cette décision se heurta à l'opposition des héritiers présomptifs, mais également du sénat, le prestige de l'ordre sénatorial s'en trouvant compromis par cette liquidation de patrimoine ainsi abandonné. Les sénateurs fondaient en effet leurs privilèges sociaux sur leurs patrimoines. Opposés à ce que l'un des leurs se soustrait aux obligations financières qui pesaient sur l'ordre, les sénateurs refusaient également que le marché immobilier soit désorganisé par la soudaine mise en vente de biens immenses, ce qui aurait déprécié d'autant leurs propres patrimoines. Politiquement, cette initiatice fut peut-être également ressentie comme une sorte de trahison de la patrie au moment même ou l'Italie était investie par les barbares. Pipianus demanda donc l'appui de Séréna, réputée pour sa piété religieuse, qui obtient d'Honorius qu'il lève les obstacles à la vente. Une fois leurs biens vendus, Pipianus et sa femme partirent pour l'Afrique, alors qu'Alaric se trouvait dans les domaines vendus. Le sénat se serait vengé de Séréna pour son appui à Pipianus.
Jugée responsable du siège de Rome, Séréna est étranglée.

Alaric maintient le siège de la ville. L'inaction de Ravenne provoque famine et épidémie à Rome. La veuve de l'Empereur Gratien (375-383) ainsi que sa mère offrent des subsides à la population. Le nouvel homme-fort du régime en place, Olympius, est totalement passif. Il se contentera de ne pas entériner le futur accord qui sera conclu avec Alaric.

La famine perdurant et le cannibalisme faisant peut-être même son apparition, une ambassade est envoyée à Alaric. Elle est dirigée par Basile, Comte des largesses sacrées en 382-383 et Préfet de la ville en 395, et par Jean, Tribun et notaire en 394. Avant 408, il est primicier des notaires. Les romains ne semblent pas prendre au sérieux l'armée qui les assiège, pensant probablement que ce n'est pas Alaric en personne qui les assiège (en raison de la rapidité de son déplacement pour arriver devant Rome). Peut-être y avait-il méprise sur l'identité des assiègeants de la part des habitants de Rome qui auraient confondus Alaric et ses Wisigoths avec des fédérés menés par un fidèle de Stilicon, qui seraient raisonnés en temps voulu. L'ambassade seule parvient à convaincre les Romains du danger très sérieux qui les menaçait.

Le sénat accepte de payer une rançon à Alaric
Un accord est trouvé sur la rançon à fournir à Alaric : 5.000 livres d'or, 30.000 d'argent, 4.000 vêtements de soie, 3.000 peaux teintées de rouge, 3.000 livres de poivre. Les sénateurs et les temples païens sont mis à contribution. Le préfet urbain de Rome, Gabinius Barbarus Pompéianus tente, après accord du Pape Innocent I (402-417), de patronner une cérémonie païenne publique, pourtant strictement interdite par la législation en vigueur. Par là, Pompéianus heurte la sensibilité religieuse d'une part importante de la population. Le récit de Zosime montre la survivance des pratiques de l'haruspicine dans l'Empire devenu officiellement chrétien. Il s'agit de l'examens des entrailles et de l'observation des phénomènes météorologiques pour prédire la volonté des Dieux. L'haruspicine prétendait même pouvoir provoquer certains phénomènes météorologiques. C'est ce que rapporte des transfuges d'une ville présents à Rome : des haruspices auraient sauvés la ville de Narnia (Narni) par une telle cérémonie et chassés les Goths l'assiègeant par le tonnerre et des éclairs. Cette ville présentait cependant des défenses naturelles la mettant hors de portée de Goths. Devant la dureté du siège, les païens jugent nécessaires de célébrer des sacrifices au capitole et dans les autres temples. Mais Innocent ne voulait que d'une cérémonie tenue secrête, les haruspices demandant eux une cérémonie officielle aux frais de l'Etat romain, avec le sénat montant au capitole (ce qui serait revenu à une reconnaissance officielle du polythéisme par là-même). Par couardise, le sénat s'en abstient et la cérémonie n'est pas tenue. Il est décidé de payer rançon à Alaric. Une nouvelle ambassade parvient non sans peine à un accord avec Alaric.

Les fonds publics à disposition du préfet urbain concernent les travaux publics et le ravitaillement avant tout. Ces fonds, alimentés par divers impôts ne suffisent pas à couvrir ces dépenses exceptionnelles (évaluables à environ 700.000 solidii). En cas de dépense exceptionnelle ou imprévue, c'est le sénat qui pourvoit au financement à travers une contribution exceptionnelle. Pompéianus lève un impôt exceptionnel chez les sénateurs, proportionnel à leurs richesses. Mais les sénateurs récalcitrant cachent l'ampleur de leurs richesses et Pompéianus ne peut rassembler la rançon.

Levée du siège de Rome
Alaric, en échange de richesses et d'otages, se déclare prêt à une alliance avec Ravenne contre quiconque serait hostile. Après des semaines de siège et l'obtention d'une rançon, il songe donc visiblement à une alliance avec l'Etat romain. Le récit de Zosime montre clairement qu'Alaric avait comme objectif d'obtenir des terres viables pour son peuple et de recevoir le grade de Magister Militium, pour devenir le défenseur attitré de l'Empire. Les otages devaient être fournis par Ravenne, mais la cour ne montrera aucun empressement à remplir cette clause. Dans l'immédiat pourtant, Honorius semble donner son accord, et dès le retour de l'ambassade, les communications sont rétablies entre Rome et Porto, ce qui met un terme à la famine. Alaric remonte vers le nord au moins sur 50 km pour gagner l'Etrurie. Des bandes de goths devaient cependant rester autour de Rome et lancer des raids dans des régions asez éloignées. Ainsi urbs salvia dans le Picénum sera prise après la levée du blocus de Rome. Alaric aurait exigé qu'on lui remette tous les esclaves barbares de Rome. Mais cette exigence ne figure pas dans la clause officielle de l'accord. Néanmoins, après la levée du blocus, de nombreux esclaves rejoignent Alaric. Cependant, pour des motifs de ravitaillement de cette multitude potentielle (peut-être 100.000 esclaves), Alaric ne reccueille que quelques miliers de transfuges, sans doute ceux d'origine gothique en état de servir dans son armée. Alaric tente de mettre fin aux désordres qui suivent la levée du blocus, signe qu'il souhaite un accord politique avec Ravenne. Tous ces évènements se déroulent avant la toute fin de l'année 408.
Le préfet Pompéianus est lynché par la plèbe en colère avant la levée du siège en raison de la famine sévissant dans la ville. Pompéianus s'était cependant fait des ennemis dans la communauté chrétienne de Rome. Il avait tenté de patronner une cérémonie païenne. De même il aurait voulu se servir du patrimoine abandonné par le sénateur Pipianus pour payer une partie de l'immense rançon demandée par Alaric. Du point de vue du préfet, utiliser comme rançon un patrimoine abandonné par un couple de chrétien qui a fuit Rome est légitime. Au début du siège lors du procès de Séréna, Pompéianus avait réglé ses comptes avec ses ennemis chrétiens en mettant à mort l'alliée et la protectrice de Pipianus. Habile, Pompéianus exploite un faux prétexte contre Séréna et se rallie la plus grande part, voir la totalité du Sénat, et se venge ainsi d'une femme qui avait gravement menacé les intérêts politiques, sociaux et financiers du Sénat. De plus, il se vengait d'une femme réputée pour son impiété face au paganisme. Zosime rapporte en effet que Séréna se serait rendue coupable du pillage d'un temple de Vesta.

Alaric prend ses quartiers d'hiver en Toscane. Les Wisigoths sont cependant victimes de leurs succès : les régions qu'ils ont ravagés sont incapables de les nourrir, et la valeur du butin extorqué aux romains est dépréciée par une inflation après qu'ils aient détruits les marchés où leur or nouvellement acquit pouvait être échangé.

Conquête de l'Espagne par Constantin III
Seul Constantin III semble tirer son épingle du jeu en 408. Il parvient à étabir son autorité en Espagne. Les fortifications des Pyrénées sont franchies par ses troupes en raison de garnisons insuffisantes. Gérontius, général de Constantin III y défait les quelques forces loyales envers Honorius, peut-être après avoir soudoyé des auxiliaires barbares.
La guerre civile entre Honorius et Constantin III oblige ce dernier à transférer ses troupes régulières vers les Alpes et en Espagne. Les marches du Rhin sont définitivement abandonnées par l'armée régulière. Constantin III confie la Belgique seconde à des fédérés Francs. En contrepartie, il peut compter sur l'aide du Prince Franc Edobinch pour combattre Honorius. Constantin III doit se prémunir de toute attaque d'Honorius, et pour ce faire disperse ses troupes, ce qui le rend impuissant fâce aux Vandales, Alains et Suèves. Bien qu'il assure une certaine autorité en Gaule, il ne peut résoudre le problème de l'invasion.

En novembre, l'intriguant Olympius fait passer un édit (Codex TH 16.5.42 du 14 novembre 408) écartant des emplois de l'Etat tout les non-chrétiens catholiques romains, ce qui priva l'Etat de ses meilleurs et de ses plus braves officiers, encore attachés au paganisme, ou Ariens. Après la mort de Stilicon, il devient Magister Officiorum. En décembre, un édit publié par Honorius rétablit entre les deux Empires la communication interrompue depuis 395. La mort de Stilicon favorise le rapprochement des deux cours impériales.

Bilan de l'année 408
L'année 408 a donc une grande importance. En 407, l'Occident a les moyens d'intervenir, mais ne peut le faire. Ce n'est plus le cas en 408. L'armée régulière est désorganisée après s'être purgée elle-même, les fédérés ont rejoint Alaric qui assiège Rome. Les barbares occupent donc de facto l'Italie. Enfin Constantin III disperse ses forces et barbarise ses troupes, ce qui restreint ses capacités d'action et de résistance.

Raisons de la faiblesse du sénat au début du V siècle
En 408-410, le sénat de Rome se montre incapable de mettre en oeuvre une résistance politique et militaire contre les Wisigoths d'Alaric. Cette incapacité tient à plusieurs raisons.

-Le précédant de 238 : le sénat en guerre contre un empereur
En 238, l'empereur règnant Maximin le Thrace, particulièrement impopulaire, est menacé par une double révolte contre son autorité : le sénateur Gordien est proclamé empereur en Afrique. Suite à sa défaite 3 semaines plus tard, le sénat de Rome proclame à son tour des empereurs pour lutter contre Maximin : Maxime et Balbin (74 et 61 ans), tous deux sénateurs. Maxime est chargé de la guerre contre Maximin et rassemble des troupes stationnées dans la ville et en Italie, à l'exception de la garde prétorienne, favorable à Maximin. Ce dernier est finalement tué devant Aquilée par ses propres soldats qui subissaient la famine en faisant le siège prolongé de cette ville (Histoire Auguste, P691-695, 746-752).

-La nature de l'ennemi en 408-410
En 238, le sénat était opposé à un ennemi jugé inconciliable ; de fait il s'était révolté contre un empereur, trahison qui ne laisse aucune place pour une quelconque conciliation, et avait de plus tué les hauts administrateurs que ce dernier avait nommé : le préfet du prétoire Vitalianus, le préfet de la ville Sabinus (HA P750). En 408-410, le sénat et la ville de Rome sont menacés par un chef barbare, Alaric et par ses soldats Wisigoths. Mais ces derniers sont également des fédérés en rupture avec le pouvoir impérial de Ravenne. Ils sont donc des ennemis, mais restent liés par traité à la défense de l'empire, tâche dont ils se sont acquittés de 403 à 407 en Epire, sur demande de Stilicon. Ils furent donc peut-être considérés comme des soldats révoltés, qu'il était possible d'acheter ou de faire rentrer dans le rang.

-La démilitarisation de Rome
En 312, après sa victoire sur Maxence, Constantin démilitarise la ville de Rome en supprimant la garde prétorienne. Cette dernière est remplacée par les scholes palatines, très efficaces mais en nombre restreint, qui accompagnaient l'empereur à la guerre et ne résidaient plus en permanence à Rome. En 408-410, ces troupes d'élites ne sont pas à Rome mais à Ravenne auprès de l'empereur Honorius.
De plus, suite à la sédition de Pavie en août 408, l'armée est désorganisée et ne peut intervenir militairement au sud pour dégager Rome, à l'exception de l'envoie de 6.000 soldats qui sont capturés ou tués par Alaric en 409. Enfin, plus grave, depuis un édit de 262 de l'empereur Gallien, les sénateurs ne pouvaient accéder aux carrières militaires et à l'armée, ce qui prive ces derniers de toute compétence et expérience militaire (HA P800). Jusqu'alors, en effet, on considérait la guerre et la politique “civile” liées et faisaient parties du même cursus. Le commandement des armées romaines pouvait être exercée par des hommes politiques qui n'étaient pas des militaires de carrière.
En 408-410, il y a donc une absence de ressort militaire pouvant porter une révolution politique. L'Italie est dépourvue de troupes, et les sénateurs ne possèdent plus d'expérience militaire comme auparavant et donc ne peuvent plus connaitre les considérations de stratégie et de logistique pour mener à bien une lutte armée.

-Le sénat après Constantin
Constantin augmente le nombre de sénateurs, de 600 à environ 2.000 (Carrié, P658). Deux types de sénateurs coexistent : les vieilles familles et ceux qui parviennent à ce rang comme couronnement de leurs carrières politiques (Carrié P659).

-Faiblesse morale de certains sénateurs
En 408, le sénateur Pipianus et sa femme Mélanie décident de vendre leurs biens et leurs esclaves puis de partir pour l'Afrique. Si l'intervention de la femme de Stilicon permet à la vente et à ce départ d'avoir lieu, les sénateurs tentent de s'y opposer en raison de leurs craintes de voir le marché des biens immobiliers baisser (les sénateurs sont de gros propriétaires terriens), mais aussi pour éviter une désertion à l'heure où l'Italie est sous la menace d'une invasion (Zosime V,38). Isolé, cet acte montre cependant que les sénateurs ne sont pas tous prêts à se confronter aux dangers de la guerre.

-Opposition entre païens et chrétiens
Depuis la fin du IV siècle, deux factions s'opposent dans l'enceinte du sénat : les polythéistes et les chrétiens. Même si cette opposition ne dégénère pas en conflit ouvert, les tensions sont réelles et touchent parfois des symbôles au coeur-même du sénat, tel que l'affaire de l'autel de la victoire, présent dans le sénat, retiré définitivement après la défaite en 394 d'Eugène et d'Arbogast. La politique favorable de ces derniers au rétablissement des cultes antiques oppose nécessairement les deux factions du sénat. ces tensions ne sont pas éteintes au début du V siècle. Ainsi, Zosime rapporte que le rpéfet urbain de la ville, Gabinius Barbarus Pompéianus, tente de convaincre le sénat et le Pape Innocent I de permettre la réalisation d'une cérémonie officielle visant à chasser les asiègeants des murailles de Rome (Zosime V,41). La cérémonie qui se devait voyante et officielle n'est pas tenue. Cette opposition entre ces deux factions affaiblie également les ressources du sénat.

-Instrumentalisation et faiblesse du pouvoir sénatorial
L'instrumentalisation par le pouvoir impérial du sénat apparait lorsque, fin 397, le sénat de Rome décrête, sur demande de Stilicon, le prince Maure Gildon ennemi public, ce dernier ayant le soutien d'Eutrope, qui détenait le pouvoir à Constantinople (Zosime V,11). Le sénat n'est pourtant plus associé aux décisions d'importances, mais celà permet à Stilicon de donner du poids à sa mesure. Dans un débat en 408 sur la politique à tenir sur Alaric, seul le sénateur Lampadius s'oppose à Stilicon (Zosime V,29). Lors des sièges successifs de Rome, le sénat se contentera de lancer des ambassades à Ravenne et de payer les rançons imposées.

Le sénat de Rome n'a plus la capacité de mobilité et les ressources pour lancer une révolution en 408-410.



Tentative d'analyse de la révolte anti-germanique de 408.

La révolte anti germanique de 408 est l'évènement fondamental, avec le franchissement du rhin par les germains, pouvant expliquer la chute de l'Occident romain. Salvatrice en Orient 8 ans plus tôt, ce mouvement nationaliste réduira à presque rien les défenses militaires de l'Empire en Occident et précède de deux ans le sac de Rome par les Wisigoths d'Alaric.

Premier acte, Stilicon est déconsidéré auprès d'Honorius.
Le général Stilicon ayant un fort ascendant sur Honorius, le tuer, ou du moins le discréditer revient à créer un vide politique auprès de l'Empereur d'Occident, qu'il faudra combler. Galla Placidia et Olympius, deux intrigants ambitieux semblent impliqués dans ce complot. On comprend que l'ambitieuse Galla Placidia, de part sa position (elle est la fille de Théodose et donc la soeur de l'Empereur Honorius) digère mal la tutelle de Stilicon, au final un barbare parvenu, entré dans la famille impériale en 383 après une mission diplomatique auprès des Perses. Cependant, ce dernier a assuré la défense de l'Empire dans le passé. Il faut donc réduire son influence et le discréditer auprès d'Honorius. Olympius tente alors de manipuler l'Empereur, en lui présentant Stilicon comme un semi-barbare ambitieux cherchant non pas à le défendre de ses ennemis, mais à lui ravir la pourpre au profit de son propre fils, Eucher.

Divers élements sont exploités pour monter Honorius contre son général en chef :

-le malaise dans l'opinion et dans les troupes régulières face à la barbarisation de l'armée,

-la mansuétude de Stilicon à l'égard d'Alaric et des Wisigoths (qu'il évite soigneusement de détruire pour reprendre l'ascendant en Orient, mais aussi et surtout parce qu'il manque de troupes),

-sa passivité vis-à-vis de l'invasion de 407 (aucune action militaire n'est tentée en Gaule contre les germains, seul Constantin III a été visé par une opération conduite par Sarus, envoyé par Stilicon en 407),

-les origines ethniques de Stilicon : c'est un semi-vandale, et qui plus est un général de l'Orient romain, parachuté en Occident par Théodose. Une double origine qui ne devait pas le rendre populaire auprès de l'opinion publique, certainement davantage sensible au modèle plus romain qu'incarnera Constantius, quelques années plus tard.

-Stilicon a été accusé par ses ennemis de vouloir mettre sur le trône son fils Eucher, à la place soit d'Honorius, soit selon d'autres sources, à la place de Théodose II. Ce dernier étant lui-même Franc de par sa mère, l'accession au trône d'Eucher, fils d'un semi-vandale et de la nièce / fille adoptive d'un Empereur (Théodose I) est rendue possible,

-le mouvement nationaliste portera au pouvoir non seulement des germanophobes, mais également des catholiques extremistes décidés à en finir avec les hérésies et le polythéisme. Olympius, le chef de file du complot correspond ainsi avec Augustin après son élévation. Dans une des deux lettres où Augustin lui écrit, il est question de répression des hérétiques donatistes et des polythéistes :
"[...] Je l'invite à redoubler de soins, pour hâter votre bonne oeuvre, et pour apprendre aux ennemis de l'Église que les lois publiées en Afrique, du vivant de Stilicon, pour briser les idoles et ramener les hérétiques, ont été établies de la volonté du très-pieux et très-fidèle empereur; ils répètent faussement, ou bien ils croient volontiers que cela s'est fait à l'insu de l'empereur ou malgré lui, et c'est ainsi qu'ils passionnent les Ignorants et qu'ils les déchaînent violemment et dangereusement contre nous. Ce que je demande ici à Votre Excellence vous serait demandé, je n'en doute pas, par tous mes collègue de l'Afrique ; je crois qu'à la première occasion on peut et on doit se hâter, pour rappeler, comme je l'ai dit, à ces hommes vains, dont nous cherchons le salut, quoiqu'ils soient nos ennemis, que les lois publiées pour l'Église du Christ l'ont été bien plus par les soins du fils de Théodose que par les soins de Stilicon. [...] Mais il importe que la province apprenne sans retard les sentiments du très-clément et très-religieux empereur envers l'Église, et que vous n'attendiez pas pour cela d'avoir vu les évêques qui sont partis; il est nécessaire que cela se fasse aussitôt que le pourra votre éminente vigilance " (Lettre XCVII datée d'octobre 408).

La neutralité religieuse affichée par Stilicon depuis le début de sa régence, a donc probablement été utilisée contre lui par des extrémistes soucieux de porter un coup décisif aux hérétiques et aux polythéistes.

Depuis l'époque de Constantin, il existait une rupture entre l'opinion publique et les dirigeants romains. Cette rupture tient à la place de l'élement germain dans l'armée. En dépit des réactions scandalisées de l'opinion, cette germanisation fut progressive, générant une forme de nationalisme dans la société romaine, par opposition avec tout élement germanique. En raison du problème de recrutement militaire, les dirigeants ne purent se passer de ces élements germains, mais au-delà de cette évolution, une certaine”barbarophilie” se développa au sommet de l'état – des empereurs tel Gratien (375-383) affichant clairement leurs préférences pour la culture germanique ou asiatique. Les intriguants de la cour de Ravenne perçurent sans doute cette rupture avec le pouvoir. Or, l'élement germain dans l'armée et au sommet de l'état était incarné à la perfection par Stilicon. Un semi-vandale, ménageant les wisigoths, passif devant la destruction de la Gaule par -entre autre- les Vandales. Les intriguants se rallient donc à l'opinion publique – pour un temps.

A force d'intrigues, Honorius est convaincu d'abandonner son tuteur. C'est alors que survient la mort d'Arcadius, son frère. Honorius aurait dans un premier temps cherché à se rendre à Constantinople pour régenter la partie orientale de l'Empire. Stilicon, lui, y voyait peut-être la dernière chance de réunifier l'Empire sous son autorité.

Second acte, mutinerie des troupes régulières à Pavie.
Constantin III pour survivre, ne peut que chercher à évincer Honorius de son trône. Toute conciliation ne reviendrait qu'à remettre à plus tard une confrontation inévitable. Or Constantin III venait de faire main basse sur l'Espagne (en réaction peut-être à la tentative avortée de Sarus de le tuer. Pour survivre, il lui fallait étendre son pouvoir et par contrecoup amoindrir celui d'Honorius). La priorité pour Honorius est donc de mettre un terme à l'usurpation de Constantin III. En cela, il diverge de son général qui lui pense avant tout à prendre le pouvoir en Orient.

Cependant, les troupes régulières composées de Gaulois ont elles aussi un autre objectif : la priorité n'est pas de lutter contre cet usurpateur qui défend en partie la Gaule avec des troupes régulières, mais de sauver cette province de peuples envahisseurs qui s'y livraient impunément au pillage depuis 18 mois.

La décision d'Honorius d'aller combattre son rival provoque une mutinerie chez les troupes régulières, qui se traduit par le 13 août par le massacre de hauts dignitaires, ainsi que des officiers de l'armée. Zosime dresse la liste des hauts fonctionnaires tués :

-Liménius, préfet du prétoire des Gaules
-Chariobaude, magister equitum per gallias
-Vincent, magister equitum praesentalis
-Salvius, comes domesticorum
-Némorius, magister officiorum
-Patroinus, comes sacrarum largitionum dès 401
-LACUNE (Silvanus ou ursicinus, tous deux au poste en 405) comes rei privatae
-Salvius, quaestor sacri palatii (fonction équivalente à un ministre de la justice à l'époque)
-Longinianus, préfet du prétoire d'Italie

L'historien Edward Gibbon présente comme probable la culpabilité d'Olympius dans ce massacre, les victimes étant des proches de Stilicon. Olympius aurait cherché à purgé la haute administration de tout élément germanique – pour mieux s'imposer par la suite. Honorius sur les conseils d'Olympius amnistia les mutins, reconnaissant publiquement leur innocence et leur fidélité à sa personne.
Philippe Richardot, dans son livre “La fin de l'armée romaine”, estime lui que c'est la décision d'Honorius de marcher contre Constantin III et non contre les germains qui provoque cette mutinerie. La responsabilité en incomberait à Honorius et non aux intriguants de la cour. Mais le thème de l'anti-germanisme serait présent dans ce cas comme dans l'autre : Olympius devait avoir de bons arguments pour convaincre les troupes gauloises de se livrer à ce pogrom, le même type d'arguments que ces troupes devaient ressasser au regard de l'inaction de Ravenne : les germains sont au pouvoir, ils ne feront rien contre ces invasions.

C'est Zosime (historien “byzantin” du début du VIème siècle) qui relate les évènements de la révolte anti-germanique de 408. Or Zosime est connu pour ses sympathies païennes. Et cet Olympius est connu comme un chrétien fanatique : Augustin révérait sa piété et l'appelait “un vrai fils de l'église”. Le 14 novembre 408, devenu maître des offices, Olympius exclu par un édit tous les non-catholiques de l'administration impériale. Gibbon y voit la perte des meilleurs et des plus braves officiers de l'Empire, tout au profit des Wisigoths... Zosime, tout à sa rancune, aurait-il fait d'Olympius le responsable de toute l'affaire?

Quelle que soit la responsabilité d'Olympius dans le déclenchement de cette mutinerie, ce sont des troupes gauloises qui se sont livrées à cette purge politique, ce qui manifeste une exaspération à l'encontre de la politique de faiblesse d'Honorius quant aux envahisseurs des Gaules, ainsi que d'une défiance grandissante à l'égard de l'élément germanique dans l'armée et dans la haute administration impériale.

Au regard de la situation, il est étrange que l'armée des Gaules n'ai pas porté à la dignité impériale l'un des siens, défiant la politique d'Honorius. Peut-être estimait-elle que Constantin III faisait un bon candidat. Cet usurpateur était le seul à opérer militairement en Gaule. D'autre part, après cette purge d'officiers, il ne restait guère de candidats valables à la pourpre, les hauts-gradés ayant été tués.

Troisième acte, mort de Stilicon.
La révolte a lieu le 13 août 408. Ce sont – du moins en partie – des amis de Stilicon qui en furent les victimes. Bologne, le lieu de résidence de Stilicon et des fédérés, est distant d'environ 200 km de Pavie et de ses troubles. La nouvelle de la mutinerie et de la défiance à son égard de l'armée régulière lui arrive entre 3 et 5 jours plus tard.
Quand Stilicon apprend la révolte de Pavie, il délibère sur la conduite à tenir avec les commandants des fédérés barbares avec lui à Bologne. Stilicon hésite à intervenir en raison du nombre des soldats à Pavie, ce qui indiquerait que les fédérés sont moins nombreux que les soldats réguliers. Lors du ralliement des fédérés à Alaric, Zosime note qu'ils seront 30.000 à changer de camps. Mais ce chiffre comprenait des femmes et des enfants. Cela permet de confirmer que les fédérés sont moins nombreux que les soldats réguliers de Pavie. Dans un premier temps, avant d'être fixé sur le sort d'Honorius, Stilicon décide d'aller remettre au pas l'armée de Pavie, en proportionnant le châtiment avec les excès commis. Mais Olympius et ses complices avaient soigneusement planifiés leur machination, qui ne pouvait réussir que si Honorius était sains et sauf, et ralliait leur parti. Ils parviennent à manipuler les troupes révoltées de manière à ce que leur plan se réalise exactement comme ils le voulaient. Quand on su qu'Honorius était en vie, la situation changea du tout au tout pour Stilicon. Il ne pouvait plus intervenir contre l'armée régulière sans entrer en rebéllion contre Honorius qui apparement couvrait de son autorité les évènements de Pavie où les proches de Stilicon avaient trouvé la mort.
La conduite ultérieure de Stilicon démontre sa loyauté et signe son arrêt de mort : il refuse d'intervenir à Pavie militairement avec les fédérés contre l'armée régulière. Cela aurait signifié en effet qu'il trahissait Rome après 20 ans de loyauté, de plus l'issue de la lutte aurait été incertaine. Stilicon était prisonnier d'un dilemme ne lui laissant le choix qu'entre la mort et la révolte ouverte. Il n'est pas étonnant que cet homme scrupuleux, peu enclin aux décisions hardies et aux gestes tranchés ai répugné à prendre un parti qui aurait démenti toute sa politique précédante. Il persista dans la voie qu'il s'était tracé, qu'il considéré comme un moindre mal apparement, et se sut dès lors condamné. Ses derniers jours le prouvent.
Comme Stilicon pouvait le prévoir, son inaction lui aliène le soutien de tous les fédérés barbares. Après de vaines tentatives pour le faire revenir sur sa décision, la majorité des fédérés décide d'attendre et d'observer l'évolution de la situation. Sarus, resté jusqu'alors fidèle à Stilicon fait assassiner de nuit la garde personnelle de son général, composée de Huns. Peut-être que Sarus, comprennant la nouvelle nature du pouvoir en place auprès d'Honorius, tente de placer ses pions et se place du côté des "nationalistes" en abandonnant Stilicon et en massacrant sa garde hunnique.
Stilicon prend alors la fuite et se dirige vers Ravenne. Il décide de garder en otage les familles des barbares installées dans les villes italiennes dans le but de contrôler les fédérés, ou de donner des armes au gouvernement en cas de révolte de ces derniers contre l'autorité impériale. Constatant la défection des fédérés après sa décision de ne pas avancer sur Pavie, il cherche à garder un atout soi pour lui, soit mettre un atout entre les mains de la population, alors sans grande défense contre les nombreux barbares présents en Italie du Nord. En isolant et en bloquant ces civils barbares, on conservait sur eux un moyen de pression. Par un enchainement fatal pas forcément prévisible, cette précaution rendit un autre massacre possible qui aggrava la haine entre romains et barbares. Stilicon ne semble pas considérer l'attaque contre sa garde comme une attaque contre lui et il maintient sa politique : sa mesure concernant les familles des fédérés constitue une nouvelle preuve de sa loyauté envers Rome.
Stilicon se tourne vers Ravenne le 22 août. Sa dernière ressource est de se réfugier dans une église, avec ses derniers fidèles en armes. Des soldats se rendent au matin du 22 ou 23 août 408 dans l'église et lui certifient sous serment en présence de l'évèque qu'ils n'ont reçu que l'ordre de le faire prisonnier. Mais une fois Stilicon sorti de l'église, celui qui avait montré la première lettre en produit une seconde, ordonnant sa mort. Ses serviteurs se montrent prêt à le défendre, mais Stilicon s'y oppose et meurt stoïquement. Fidèle à la ligne qu'il s'était tracé, il refuse l'aide sans doute efficace que ses derniers fidèles apparement assez nombreux auraient pû lui prêter. La comédie à laquelle se livre les soldats chargés de l'arrêter montre qu'ils le craignaient encore. Son fils Eucher se dirige lui vers Rome où se trouve sa mère Séréna, escorté par des fédérés barbares.

Quatrième acte, le massacre des familles des fédérés.
C'est ce massacre des civils germains, poussant une partie des troupes fédérées vers les Wisigoths d'Alaric qui sera la grande catastrophe de 408 par ses conséquences. La précaution prise par Stilicon pour mettre entre les mains de la population romaine des villes un atout contre les risques que faisait peser sur elle la présence de nombreux fédéré barbares en Italie du nord manque entièrement son but. Stilicon mort, les soldats romains disséminés dans les villes furent contaminés par la fureur antibarbare des troupes de Pavie et massacrent les familles des fédérés barbares, qui s'y trouvaient enfermées sans défense.

Ce massacre n'a rien d'invraisemblable. En Orient, après la victoire des Wisigoths à Andrinople sur Valens en 378, un grand nombre de Goths sont massacrés en Asie pour prévenir une révolte : "À la nouvelle des désastreux événements de Thrace, un coup énergique autant que salutaire fut frappé par Jules, commandant de la force militaire au-delà du Taurus. Un grand nombre de Goths, transportés précédemment dans ces provinces, y avaient été distribués dans les villes et par cantonnements. Jules parvint, avec un secret qu'on obtient rarement aujourd'hui, à se concerter par lettres avec ses chefs inférieurs, pour effectuer, à jour donné, un massacre général de ces barbares, en les convoquant sous promesse d'un payement de solde. Cette utile mesure, accomplie avec discrétion et célérité, préserva de malheurs plus grands nos provinces orientales." (Ammien Marcellin, Res Gestae, 31,16).

Zosime suggère que l'initiative des soldats stationnés dans les villes fut encouragée directement par Olympius. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que les fédérés passent dans le camp d'Alaric avec ce qu'ils leur restent de familles. Les fédérés se réunissent en quelques endroits de l'Italie du nord mais ne rejoignent pas Alaric, qui devait encore se trouver dans le Norique à Virunum.

On ne sait pas exactement quand ce massacre eu lieu : soit à la fin du mois août, soit au début du mois de septembre 408. Si ce massacre se déroula simultanément au meurtre de Stilicon, alors l'armée fut probablement à l'origine de ce massacre. En effet, les responsables politiques alors à Pavie, tant Honorius qu'Olympius, ou d'autres, ne connaissaient pas la réaction de Stilicon, à 200 km au sud-est de là, aux évènements récents de Pavie. Peut-être qu'en apprenant le pogrom de Pavie et la mort de ses amis, ce dernier allait se révolter contre l'Empereur, fort de ses 15.000 fédérés fidèles à sa personne. Dans le même temps, l'armée régulière dont une partie des officiers avaient été tués dans la sédition ne serait peut-être pas en mesure de lui résister. Stilicon estimant que les nouveaux ministres d'Honorius le mettrait hors-la-loi pouvait également s'allier aux Wisigoths d'Alaric. Prendre la décision de massacrer les familles des fédérés sans savoir ce qu'il en était de Stilicon aurait été inconsidéré de la part de l'autorité impériale. Cela serait revenu à enterrer d'avance toute conciliation entre les fédérés et l'autorité impériale, mais également à pousser ces derniers vers Stilicon. Il pouvait représenter un danger militaire direct et immédiat au sud en se révoltant aux côtés des fédérés, et de là prendre Ravenne ou Rome pour son propre compte. Honorius, déjà aux prises avec Constantin III en Gaule n'aurait pas prit le risque de se retrouver avec un nouvel ennemi, militaire expérimenté à la tête de 15.000 fédérés, 200 km plus au sud.
Si ce massacre se déroule un peu après le meurtre de Stilicon, les responsabilités ne sont pas les mêmes. Le massacre eu lieu dans ce cas dans les premiers jours du mois de septembre 408. L'annonce de la mort de Stilicon et de l'inaction des troupes de fédérés parvint à Pavie sans doute vers le 25-26 août (260 km séparaient Ravenne de Pavie, les nouvelles à cheval cheminant assez rapidement).Stilicon mort, Honorius pouvait penser devenir le maître de ses décisions. Cependant, le ressentiment anti-germanique restait fort chez les troupes, la situation n'ayant pas évoluée d'un iota en Gaule, ainsi que chez les nouveaux hommes-forts du régime, Olympius en tête.

Les intriguants savaient Stilicon mort et les fédérés l'arme au pied, sans réaction notable suite à la mort de leur chef. La peur de représailles sur leurs familles pouvaient les retenir dans leur désir de vengeance. Dans le climat d'antigermanisme ambiant, il est possible que les soldats de garnisons des villes où étaient stationnés les familles des fédérés massacrèrent ces derniers, autant donc par antigermanisme, qui semblait dans l'air du temps, que pour piller leurs biens. Edward Gibbon parle d'ordres directs, ou tout au moins de la connivence des ministres impériaux dans ce massacre. Peut-être les biens des fédérés intéressaient non seulement les soldats mais également les ministres d'Honorius.

La responsabilité de ce massacre, conséquence de la mutinerie du 13 août, revient à un sentiment d'antigermanisme. Ce sentiment est profond dans l'opinion, croissant dans l'armée, mais a pu être encouragé par divers personnages :

-indirectement par Stilicon en ménageant Alaric et en installant les fédérés et leurs familles en Italie

-indirectement par Honorius, en raison de la priorité donnée à Constantin III

-directement par des intriguants comme Olympius auprès des troupes régulières et d'Honorius

La réalité de ce massacre
Le titre de fédéré regroupe une pluralité de mode de recrutement faisant appel à la main d'oeuvre germanique : les préféctures de sarmates en Italie du Nord, les déditices, et les alliés situés hors et dans l'Empire.

Les préféctures de Sarmates sont de petites communautées devant mettre en valeur une terre et fournir des troupes. L'implantation de préféctures de divers peuples remonte à la période tétrarchique (à partir de 285). Ce mode de recrutement n'a donc rien de nouveau. De plus, ces colons (également composés de Suèves, de Bataves, de Teutons, de Francs) se sont montrés à la fois loyaux et efficaces dans le passé, permettant de résoudre en partie le problème du recrutement militaire. Cependant, les Sarmates diffèrent en ce que, pour les romains, ils personifient les nouveaux barbares, non pas ceux qu'ils cotoient depuis des siècles comme les Francs ou les Alamans, mais des peuples issus des steppes, comme le sont également les Huns et les Alains, eux-même considérés comme des barbares par les peuples trans-rhénans. Selon la notitia dignitatum, 17 préféctures de Sarmates sont installées en Italie, dont la majorité au nord de la péninsule. L'exotisme des Sarmates a pu être la source de cette montée d'antigermanisme.

Les déditices sont des engagés à titre individuels. Impossible donc d'estimer leurs origines et leurs effectifs.

Les alliés sont des peuples installés dans l'Empire ou à des frontières, tenus de fournir des recrues. En cas d'installation dans l'Empire, ils sont installés sur une terre qu'ils doivent mettre en valeur. Les alliés semblent eux aussi en cause dans ce massacre. Non pas ceux installés aux frontières (comme les Francs, partenaires de longue date), mais ceux installés dans l'Empire, et dont les familles ont pu être installées dans les villes italiennes, peut-être à l'occasion du transfert de ces unités militaires en Italie pour la guerre contre Radagaise en 405-406. Stilicon dispose ainsi d'Alains, de Goths et de Huns, fédérés depuis l'époque de Gratien en Occident, auxquels il faut ajouter les Goths enrôlés suite à la défaite de Radagaise. Le nombre des fédérés est évaluable à plus ou moins 15.000 soldats, Zosime sous-entendant que Stilicon hésite sur la marche à suivre après la sédition, en raison du plus grand nombre de soldats réguliers. Une proportion de un soldat pour quatre civils est généralement accepté chez les peuples germaniques. On obtiendrait donc un total de 75.000 personnes, 15.000 soldats et 60.000 civils.
Ces alliés, dans l'esprit des soldats réguliers et des populations civiles des villes italiennes sont peut-être similaires aux Wisigoths : des étrangers. Ce mode de recrutement n'est pas assimilé à une vieille tradition comme pour les déditices qui se retrouvent dans des unités régulières, les auxiliats, et sont sans doute romanisés depuis leur installation, mais à la politique ambivalente de Stilicon à l'égard des barbares. Sujet de frustation supplémentaire : l'accueil à grand frais en Italie de ces familles, avec dans le même temps les Gaules brûlant comme une torche. Partout dans les villes italiennes des familles entières de peuples étrangers parlant une autre langue et ayant d'autres coutumes.
Ces alliés, assimilables à une cinquième colonne oeuvrant pour le compte des envahisseurs, pouvaient cristalliser toutes les rancoeurs accumulées contre tout élément barbare. Les Alains et les Huns étaient certainement assimilés à des barbares par les Gaulois et même par les Germains de l'armée, de part leur exotisme.

Cette distinction entre les fédérés explique mieux le massacre : il ne s'agissait pas pour les troupes régulières de se mettre à dos tous les fédérés de l'armée, et de massacrer indifférement leurs familles, mais de marquer leur défiance à l'égard de la politique de Stilicon, qui recrutait des troupes d'alliés auprès de peuples différents d'eux, des étrangers assimilés au reste du monde non contrôlé par les Romains, sauvage et à l'origine de la poussée barbare qui pressait l'Empire sur toute ses frontières depuis la fin du II siècle. L'empereur Gratien (375-383) avait en son temps perdu le soutien de l'armée en s'affichant à la mode asiatique des Alains et des Huns.

L'avenir pour les relations entre ces alliés, source de recrutement commode, et l'autorité impériale devenait incertain après cet épisode. Tout à leur antigermanisme, les intriguants espéraient d'une façon ou d'une autre se débarasser de ces alliés trop exotiques, peu fiables dans le passé, difficilement intégrables, sources de tensions avec l'armée régulière et l'opinion publique, alliés représentant l'assujetissement de l'Etat au vandale Stilicon, d'empereurs tels Gratien à des valeurs et à des coutumes étrangères, peut-être une certaine acculturation romaine au monde extérieur. Peut-être des éléments culturels se joignent à des aspects politiques pour expliquer ce massacre.
Un risque certain était prit pour la sécurité de l'Empire. Le risque d'envenimer les relations entre l'autorité impériale et les fédérés était fort. Mais si ces derniers avaient moins de chance de se révolter et de s'organiser sans Stilicon, c'était cependant oublier Alaric. De fait, il semble que le calcul des intriguants n'était pas mauvais, puisque les alliés ne se révoltent pas immédiatement mais seulement avec l'arrivée des Wisigoths en Italie.

Cinquième acte, les conséquences du massacre.
Des témoins ou des survivants du massacre portèrent la nouvelle auprès des fédérés. Bien que les alliés n'étaient jamais stricto sensu que des mercenaires, c'est-à-dire liés en théorie uniquement par l'argent, l'installation de peuples entiers et non pas seulement des guerriers dans le cadre des traités se révéla à double tranchant.
Les alliés, concernés au premier chef par les évènements de la révolte anti-germanique, passent sans doute en masse dans le camp d'Alaric dès sa venue en Italie.

Les villes d'Italie.

L'Italie et les villes de la révolte antigermanique de 408


La carte représente l'Italie contemporaine, mais elle permet cependant de repérer les villes où se jouèrent la révolte anti-germanique de 408. Pavie, Bologne et Vérone sont les 3 villes qui nous intéressent.

C'est à Pavie qu'étaient stationnées les troupes de l'armée des Gaules, après qu'Honorius décida de les envoyer combattre Constantin III. On note que Pavie se situe nettement au Nord de l'Italie; c'est une ville qui comme Milan, est tournée vers l'interventionisme militaire. On peut donc imaginer la frustration et la colère des soldats gaulois : envoyés en août 408 à Pavie, signe d'une intervention militaire prochaine, et ce après 18 mois de raids barbares dans leur patrie, ils apprennent que Honorius donne la priorité non pas aux envahisseurs mais à l'usurpateur Constantin III.

Bologne est pendant ce temps le lieu de regroupement des fédérés germains. C'est également là que s'est tenue la grande conférence de 408 qui fixa la politique officielle de l'Etat face à Constantin III, à Alaric et à la succession d'Arcadius en Orient. Les fédérés sont peut-être placés là afin de défendre l'Italie, tout en restant à proximité de Ravenne et d'Honorius. Burgondes et Alamans pouvaient en effet menacer par le Nord l'Italie, il n'était donc pas question de démilitariser la péninsule lors de l'intervention de l'armée des Gaules. De plus, il fallait garder un oeil sur les Wisigoths d'Alaric. Enfin peut-être que Stilicon, sentant son pouvoir vaciller, avait décidé de s'entourer et de garder avec lui des troupes qu'il savait fidèles, il était en effet pour ces troupes un rempart contre les nationalistes en raison de ses propres origines vandales. On notera que le fait de voir ces fédérés germains stationnés “à l'arrière” et non en première ligne irrita sans doute encore un peu plus les troupes gauloises contre tout ce qui était de près ou de loin germain.

L'historien Philippe Richardot cite Vérone comme lieu de massacre des familles des fédérés fin août 408. Il est donc très probable que cette ville -sans doute avec d'autres- était le lieu de résidence de cette population. De fait, il doit s'agir d'une masse importante d'individus. On estime qu'en 376, lors de la migration des Wisigoths, environ 200.000 personnes migrèrent dans l'Empire. Quelques années plus tard, Théodose acceuillera 40.000 guerriers wisigoths dans son armée. On aurait donc 4 civils pour chaque guerrier. On retrouve le même prorata pour les Vandales en Afrique à la fin des années 420. Appliqué ici aux 15.000 fédérés, cela correspondrait à 60.000 individus. Même s'il s'agissait de civils désarmés, il est peu probable que toute cette population fut tuée par les soldats des garnisons. Quoi qu'il en soit, massacre de population ou raid plus limité, cet acte poussera à la révolte les alliés fédérés. Il est intéressant de noter que les familles des alliés étaient stationnées nettement au Nord de l'Italie, ce qui est un indicateur d'une certaine réticence à acceillir une telle population au sein même de l'Italie.


Année 409
Ambassade du Sénat à Honorius
En janvier, une ambassade venant de Rome se rend à Ravenne auprès d'Honorius. Cette ambassade est menée par Attale, Comte des largesses sacrées, Cécilien, préfet du prétoire d'Italie, et un certain Maximien, personnage difficile à identifier.
Cette ambassade a pour but de faire remplir à Honorius ses obligations, à savoir la fourniture des otages à Alaric. Olympius obtient qu'Honorius n'accède pas à cette demande. Néanmoins, cette ambassade marque le déclin politique d'Olympius : 2 des 3 ambassadeurs remplacent les favoris d'Olympius, et Honorius prend des mesures militaires pour protéger Rome. Olympius lui est toujours engagé dans sa traque des complices réels ou supposés de Stilicon. Il ne rencontre pas beaucoup de succès dans cette entreprise, puisqu'il est toujours à la tâche après 5 mois au pouvoir, et en est réduit à s'attaquer au menu fretin que constituait les notaires. Deux frères, Marcellin et Salonius, promus dans le corps des secrétaires sont trainés en justice mais aucun aveux n'est obtenu d'eux.

Ambassade de Constantin III à Honorius
Au début de l'année 409, Constantin III envoie une ambassade à Ravenne, puis une autre quelques mois après. Constantin III se justifie auprès d'Honorius en affirmant avoir été contraint de revêtir la pourpre. Honorius envoie en retour un manteau de pourpre à son rival, lui signifiant par là-même sa reconnaissance comme empereur légitime et non plus comme usurpateur. Honorius est alors sous la pression d'Alaric en Italie. De plus, il est possible qu'il soit soucieux du sort de membres de sa famille : Vérénianus et Didyme, deux frères vivants en Espagne, et Théodosiolus et Lagodius, tous les quatre cousins d'Honorius. Vérénianus et Didyme étaient en fait déjà morts, ce qu'ignorait Honorius.

Perte de 6.000 soldats contre Alaric et disgrâce d'Olympius
En janvier-février 409, Olympius a encore suffisament d'influence sur Honorius pour faire obstacle à un accord avec Alaric. Néanmoins son influence commence à décliner : sa politique antigermanique se révèle être un échec, l'accord conclu avec Constantin III donnait davantage de marges de manoeuvre à l'empereur. Enfin, Honorius envoie des renforts pour défendre Rome, ce qu'il ne fait pas à la fin 408.
La situation ne s'améliorait pas en effet à Rome, où la population ne pouvait sortir librement probablement en raison des bandes de germains infestant la région. Il est également possible qu'Alaric mettait davantage de pression sur Honorius en se rapprochant à nouveau de Rome pour faire respecter les clauses du traité conclu fin 408. La réaction inatendue d'Honorius fut d'y envoyer 6.000 soldats commandés par le Magister Equitum Valens, encore dux ou Comes rei militaris au début 409, et remplaçant de Turpillion à ce poste.

Comme la situation à Rome ne prenait nullement un tour plus favorable, l'empereur jugea bon que cinq corps de troupes parmi ceux de la Dalmatie quittent leurs cantonnements et aillent protéger Rome; ces corps de troupes réunissaient six mille hommes qui, du fait de leur audace et de leur puissance, constituaient l'élite de l'armée romaine. Leur commandant était Valens, un homme parfaitement prêt à prendre tous les risques, qui ne jugea pas nécessaire d'emprunter des chemins que l'ennemi ne surveillait pas et fit si bien que, comme Alaric guetta son passage et fondit sur lui avec toute son armée, l'ensemble de ses forces tomba aux mains de l'ennemi et qu'à peine cent hommes s'échappèrent, parmi lesquels se trouvait aussi leur commandant [...] (Zosime, Histoire Nouvelle, V, 45,1-2)

Le grade de Valens n'indique pas nécessairement un commandement de force de cavalerie; le chiffre moyen de 1.200 hommes par unités indique des forces d'infanterie et non de cavalerie. Ces 5 corps de troupes sont soit fait prisonniers par Alaric, soit détruits. Un traité avantageux pour Alaric ayant été signé peu avant, il est donc possible que ces troupes furent simplement capturées pour ne pas constituer un nouveau cassus belli. D'autre part, Alaric ne pouvait laisser 6.000 soldats se rendre à Rome qu'ils auraient pu défendre efficacement. Ces troupes ont donc peut-être continué à exister dans l'armée d'Attale, futur empereur crée par Alaric. Elles proviennent probablement de l'armée concentrée à Pavie en 406 pour contrer Radagaise. Après la défaite de celui-ci, ou peut-être plus tardivement, elles semblent donc avoir été ramenées en Dalmatie, possible lieux de cantonnement pour elles. François Paschoud qui commente le texte de Zosime estime que ces unités étaient à Pavie où elles étaient stationnées en vue de l'offensive contre Constantin III. Suite à l'accord entre ce dernier et Honorius, elles devenaient utilisables pour soutenir Rome, d'où l'ordre d'Honorius. Mais dans ce cas, ces unités n'avaient pas de raison d'avoir été ramené en Dalmatie pour garder cette province, la situation en Italie restant très préocupante avec la présence des Wisigoths sur le territoire italien. Après la défaite de Radagaise, les troupes de l'armée des Gaules n'avaient pas été ramené sur le Rhin, la défense de l'Italie restant précaire. Il en va de même donc pour ces troupes Dalmates. Il est néanmoins possible d'expliquer la présence de ces troupes en Dalmatie grâce à la conférence de Bologne menée par Stilicon à l'été 408 : ce dernier prévoyait, outre une alliance avec Alaric contre Constantin III, de se rendre en personne à Constantinople pour mettre sous tutelle le jeune Théodose II et par la même occasion se débarasser des intriguants faisant partie de la mouvance anti-germanique gravitant autour du nouvel empereur. Pour cela, il avait prévu, selon l'historien Sozomène, de se rendre avec le soutien officiel d'Honorius à Constantinople avec quatres légions :

Stilicho then took that one of the sceptres which the Romans call Labarum, obtained some letters from the emperor, with which he set out, at the head of four legions, to carry on war in the East (Sozomène, Histoire ecclesiastique, Livre IX, chapitre 4)

Il est donc possible que les 4 légions dont parle Sozomène soient en réalité les 5 corps de troupes de Zosime, si l'on accepte une marge d'erreur dans le décompte de ces unités. Ainsi, pour partir à Constantinople, Stilicon donne l'ordre à des unités assemblées à Pavie de prendre sans tarder la direction de la Dalmatie (lui étant encore retenu à Bologne pour finaliser son accord), avec pour objectif, une fois qu'il les aura rejoint, de passer par voie terrestre dans l'empire d'orient, de traverser la Dacie et la Thrace pour arriver à Constantinople. Stilicon aurait alors choisit de passer par la voie terrestre plutôt que par la mer, car l'empire d'orient semble avoir gardé de sérieuse capacité marritime : en 409, 4.000 soldats arrivent en renfort à Ravenne, en 425 Théodose II envoie une armée contre Johannes à Ravenne, puis l'empire est à même d'envoyer des armées par la mer contre les Vandales en 431, 441 et 468. Rien ne permet de dire qu'en 408-409, l'occident dispose encore d'une flotte capable de rivaliser avec son homologue orientale. Passer par voie marritime revenait pour Stilicon à prendre le risque d'être anéantit en pleine mer. Sa mort en 408 stoppe net son projet; les troupes envoyées en avant son alors stationnées en attente en Dalmatie, possible lieux de stationnement habituel pour ces unités. Elles sont alors bien placées pour intervenir en Pannonie, qu'elles couvrent peut-être, en Italie du Nord ou en Orient, mais pas pour intervenir contre Constantin III en Gaule.
Une autre interprétation, celle de François Paschoud, et que ces troupes, originaires de Dalmatie, ont été regroupé à Pavie pour lutter contre Constantin III. Un accord étant intervenu début 409, il est décidé d'utiliser une partie des troupes de Pavie pour aller défendre Rome. Cette interprétation simplifie le problème en estimant que Zosime aurait voulu dire : "l'empereur jugea bon que cinq corps de troupes parmi ceux (originaires) de la Dalmatie quittent leurs cantonnements (de Pavie) et aillent protéger Rome".
Mais si l'on considère le nombre de troupes stationnées à Pavie vers 406, 30 unités donnant 20.000 soldats, et l'absence de bataille de ces corps de troupes, on voit mal pourquoi Honorius aurait envoyé seulement 6.000 soldats. Deux hypothèses à celà : après la sédition de Pavie, la majeure partie des troupes de Pavie ne sont plus mobilisables (cadres tués, désertions, refus de servir...) et Honorius ne peut mobiliser plus de 6.000 hommes sur 20.000, plus de 6 mois après la sédition. Autre hypothèse : davantage de soldats sont mobilisables mais Pavie n'est pas dégarnie de toute ses troupes pour couvrir l'Italie du Nord. D'ailleurs on note que Constantin III ne passe pas en force en Italie, même après la sédition de Pavie : peur des Wisigoths, incapacité à prendre Honorius réfugié à Ravenne, ou peur de se mesurer avec ses faibles effectifs à l'armée de Pavie? Si l'hypothèse que rallie François Paschoud est correcte, elle permet d'affirmer que l'armée de Pavie demeure après sa sédition en partie opérationnelle mais avec de faibles effectifs. On ne note dans les sources écrites aucunes autres tentatives de mobiliser des troupes régulières dans les années 408-410. Seuls combattent des mercenaires Goths de Sarus et des unités de Huns devant Ravenne, peut-être des scholes palatines.

Attale, à peine nommé Comte des largesses sacrées, est renvoyé à Rome avec les troupes de Valens, pour appliquer les lois prévoyant la confiscation des biens de toute personne ayant été liée à Stilicon, en remplacement d'Héliocrate, jugé trop modéré.

La sortie funeste des 6.000 soldats marque la fin de la carrière d'Olympius dont la disgrâce semble se situer entre février et avril 409. Les intriguants entourant Honorius favorisent Jovius, nommé préfet du prétoire entre février et avril, malgré son manque de mérite. Olympius prend la fuite vers la Dalmatie, mais est retrouvé et exécuté. Son successeur au poste de magister officiorum n'est pas connu.

Fin de la politique antigermanique à outrance ; sédition militaire à Ravenne
Le retour au pouvoir de Jovius, ami d'Alaric, montre le virage politique du début de l'année 409. L'édit d'Olympius écartant les non-catholiques romains de l'administration et de l'armée est levé peu après sa mort. On met fin à la lutte à outrance contre les Germains. Ces derniers reviennent au premier plan de l'armée avec Genneridus, un soldat païen qui avait quitté l'armée en raison de l'édit d'Olympius. Avant mars 409, il était peut-être le commandant des troupes de norique, de rhétie et de Pannonie supérieure, sans la dalmatie alors sous commandement de Valens. Après mars, il devient soit comes illyrici soit Magister militum per Illyricum en recevant les troupes de Dalmatie alors sous commandement de Valens. Ramenant des renforts Huns évalués à 300 cavaliers, il ranime la discipline dans l'armée. Les païens reviennent également sur le plan politique avec Attale, nommé préfet de Rome en mars 409. Ce poste semble avoir été vacant depuis décembre 408 et la mort de Pompéianus.

Une fois au pouvoir, Jovius se hâte de se débarasser des créatures d'Olympius. Une sédition militaire éclate à Ravenne en mars ou début avril 409 :

"A Ravenne, les soldats se mutinent, s'emparent du port de cette ville, pousent des cris dans une grande confusion et réclament que l'empereur paraisse devant eux; comme celui-ci se cachait par crainte de la sédition, Jovius, le préfet du prétoire, qui était aussi en même temps revêtu de la dignité de Patrice, s'avança au milieu d'eux et, feignant d'ignorer le motif de la sédition (bien qu'il passât pour en être lui-même responsable, ayant comme complice dans cette entreprise Allobic, le commandant des cavaliers domestiques), leur demanda pour quelle raison ils avaient été incités à agir ainsi. Lorsqu'ils apprend des soldats qu'ils veulent absolument qu'on leur livre les généraux Turpillion et Vigilance et, outre ceux-là, Térence, le préposé aux appartements impériaux, ainsi qu'Arsace, son subordonné immédiat, l'empereur, par crainte de la révolte des soldats, porte contre les généraux une sentence d'exil perpétuel; jetés dans un navire, ils sont massacrés par ceux qui les emmenaient car tel était l'ordre que leur avait donné Jovius. Il craignait en effet que si jamais ils revenaient et prenaient connaissance du complot dont ils avaient été les victimes, ils n'incitent l'empereur à le châtier lui-même; quant à Térence, il est envoyé en Orient, et Arsace est assigné à résidence à Milan. [...] Quand l'empereur eut nommé Eusèbe à la place de Térence comme gardien des appartements, confié à Valens le commandemant que détenait Turpillion et désigné Allobic comme général de la cavalerie pour succèder à Vigilance, il parut d'une certaine manière calmer la sédition des soldats. (Zosime, Histoire Nouvelle, V, 47-48)

Les généraux romains mais incompétents d'Olympius sont donc évincés :
Turpillion, Magister Equitum praesentalis est remplacé par Valens (un autre Valens que celui commandant les 6.000 dalmates du début 409). Valens était alors Comes domesticorum peditum
Vigilance, Magister Equitum per gallias est remplacé par Allobic.
L'Eunuque Arsace, primicerius sacri cubiculi, est également évincé.
L'Eunuque Térence, praepositus sacri cubiculi, est envoyé à Constantinople.
Enfin, il semble qu'à cette date, Varanès, le Magister Peditum qui avait prit le poste de Stilicon, soit à Constantinople, mandé par Honorius pour renforcer le trône de son neveu Théodose II. Ce poste devenant vacant en raison de son maitien en Orient, c'est Flavius Constantius, futur empereur en 421, qui semble prendre ce grade en Occident.

Nouvelle ambassade du Sénat à Honorius
Après la défaite ou la capture des renforts commandés par Valens, une nouvelle ambassade est envoyée de Rome à Ravenne, sous la protection d'Alaric, en raison de l'insécurité règnant dans la région, pour demander à Honorius de respecter le traité conclu fin 408. L'escorte d'Alaric montre que ce dernier tenait à la conclusion de l'accord et que le siège de Rome n'était qu'un moyen de pression pour obtenir ce qu'il voulait. Le pape Innocent I participe à cette ambassade, soit pour lui donner plus de poids, soit plus probablement pour échapper aux Goths et se mettre à l'abri à Ravenne, qu'il ne quittera pas avant le siège et le sac de 410. C'est au cours de cette seconde ambassade de février 409 qu'Athaulf débouche en Vénitie. Il était depuis l'automne 408 resté en Pannonie supérieure. Le motif possible de ce retard est que ses troupes ne pouvaient se mouvoir en territoire inconnu en plein hiver, troupes de plus composées essentiellement de fantassins donc moins mobiles que les troupes d'Alaric, alors composées de cavaliers. Peut-être avait-il des civils avec lui qui ne pouvaient faire le voyage en hiver. Athaulf n'a pas avec lui une force considérable, mais n'est pas arrêté. En dépit d'un revers à Pise ou 300 cavaliers Huns de la garnison de Ravenne tuent 1100 de ses Goths, Athaulf parvient à rejoindre Alaric. Les Huns eux regagnent Ravenne. Jovius excite les gardes qui réclament la tête de Genneridus. Ce dernier est exécuté.

Echec des pourparlers entre Honorius et Alaric
L'eunuque Eusèbe et le barbare Allobich succèdent au commandement de la chambre et des gardes. Ces ministres subordonnés périssent tous deux victimes de leur mutuelle jalousie. Mais ils avaient auparavant incité Honorius à se montrer ferme envers Alaric, alors que Jovius, absent, négocie un traité avec Alaric à Rimini.

Jovius prend l'initiative de cette rencontre. On ne sait pas si à cette ocassion, Alaric lève le blocus de Rome. D'abord invité à Ravenne, Jovius prend les devant et le rencontre à Rimini, à 50 km au sud, pour éviter à Honorius d'avoirà recevoir officiellement Alaric dans la capitale impériale entouré de ses troupes rejointes par celle de son frère Athaulf.
Jovius connait depuis longtemps les revendications d'Alaric : des terres viables, des vivres, un tribut, mais aussi son désir de rentrer formellement au service de Rome en obtenant un haut grade, celui de magister militum. Jovius, certainement un des rares personnages de la cour impériale favorable à la collaboration avec les Germains, essaie de faire comprendre à Honorius que ces prétentions d'Alaric en terre, blé et or constituent un maximum comme base de négociations, et que de telles conditions déshonorantes seraient réduites si le gouvernementt impérial se décidait à négocier sérieusement.

Alaric commence donc par demander les provinces de Norique, et la Vénétie y compris la Dalmatie, des subsides annuels, la garantie d'un approvisionnement en céréales, et à nouveau le titre de Magister Militium. Alaric demande des provinces de part et d'autres des Alpes juliennes, ce qui lui permettrait de faire pression sur Ravenne en ayant un pied en Italie. Ultérieurement, il ne demandera plus que des provinces transalpines. Jovius envoie les demandes d'Alaric à Honorius, et y joint une lettre privée où il incite Honorius à nommer Alaric Magister utriusque militiae, maître des deux milices, afin de l'amadouer pour rabattre ses prétentions ultérieurement. Instruit des négociations, Honorius blâme Jovius pour sa promptitude. Il écrit une réponse à Jovius où il l'instruit que "jamais il n'accorderait une dignité ou une fonction de général à Alaric ou à qui que ce soit de ses parents" (Zosime, V-48).
La réaction d'Honorius montre que Jovius ne mesure pas exactement le degré d'indépendance qu'Honorius était capable de s'arroger ni l'influence que les conceptions nationalistes d'Olympius conservaient sur lui même après la chute du maître des offices. Honorius, piqué au vif, demande à son préfet du prétoire de ne pas se mêler de ce qui ne le regarde pas et lui rapelle ses compétences de fonction (l'annone et les impôts), et lui fait comprendre qu'il ne lui appartient pas de proposer la nomination d'un magister militum. Honorius se sent peut-être alors en position de force grâce à la neutralité de Constantin III ou par la possibilité soulignée par Zosime de recruter 10.000 Huns.

Sûr de la réponse favorable de l'empereur aux demandes d'Alaric, Jovius fait lire en public la lettre de ce dernier, devant Alaric : "Quand Jovius eut reçu cette lettre, il ne la déroula,et ne la lut pas en privé, mais de manière à ce qu'Alaric l'entende; or celui-ci admit avec calme ce qu'elle contenait par ailleurs, mais lorsqu'il vit qu'on lui refusait à lui-même et aux siens la charge de général, il entra en fureur et ordonna aux barbares qui l'accompagnaient de marcher de là même sur Rome afin de venger aussitôt l'insulte faite à lui-même et à toute sa famille" (Zosime, V-49). Jovius, présenté comme un diplomate, aurait évité une telle rebuffade à Alaric s'il l'avait pressenti et n'aurait pas fait une lecture publique de la lettre. Jovius, conscient d'être responsable d'un tel échec dans les négociations avec les Wisigoths, choisit la fuite en avant : pour sauver sa vie, sa seule option était de prendre le parti des nationalistes, de faire adopter la lutte à outrance contre Alaric, et de clôre les négociations engagées. Ainsi, il pouvait rejeter la responsabilité de la rupture avec les Wisigoths sur Alaric lui-même, et dissimuler sa maladresse. Pour empêcher tout retour en arrière, et pour se défausser de ses responsabilités, Jovius prête serment sur la personne de l'empereur : "Désireux d'échapper au blâme, il fit faire à Honorius le serment qu'absolument jamais la paix ne serait conclue avec Alaric, mais qu'il lutterait contre lui jusqu'au bout; il prononça aussi lui-même le serment en touchant la tête de l'empereur et en invitant les autres qui exerçaient les hautes charges à faire de même" (Zosime, V-49). Depuis le triomphe du chrisitianisme, on ne jurait plus sur les Dieux ou par le génie de l'empereur, mais sur Dieu ou les évangiles ou encore par le salut de l'empereur.

Ce nouvel échec des négociations entre le gouvernement impérial et les Wisigoths ne provoque pas encore de rupture définitive. Alaric s'empresse en effet selon Zosime de tenter une nouvelle conciliation sur des bases beaucoup plus modérées qu'auparavant : "Alaric [...] envoya les évèques de chaque ville pour qu'ils soient ses portes-paroles et en même temps pour qu'ils exhortent l'empereur [...] à conclure la paix à des conditions extrêmement modérées. Le barbare n'avait en effet pas besoin d'une haute charge ou d'une dignité, ni ne désirait plus, même dans les circonstances présentes, entrer en possession des provinces précédemment mentionnées pour s'y établir, mais seulement des deux Noriques, situés quelque part dans les régions les plus reculées du Danube [...] et en plus de cela chaque année la quantité de blé que l'empereur croirait suffisante ; il renoncerait en outre à l'or, et établirait un traité d'amitié et d'alliance entre lui et les Romains contre quiconque pendrait les armes et se dresserait pour faire la guerre contre l'Empire" . (Zosime, V-50)
Ce revirement d'Alaric pourrait éventuellement être la conséquence d'un recrutement important de cavalier Huns opéré par Honorius au même moment, renfort que Zosime chiffre à 10.000 (Zosime V-50). Cependant, ces cavaliers n'intervennant jamais par la suite, on peut donc douter sérieusement de leur réalité. Concrêtement, Alaric devait parvenir à un accord, pour garantir la loyauté et la survie de son armée. Une rupture totale avec le gouvernement légitime n'est donc pas dans son intérêt et ne peut que prolonger son errance, d'autant que les faits montrent que l'année 409 tirait à sa fin. Le second siège de Rome date en effet de novembre ou décembre, la famine guette à nouveau les Wisigoths.
Interprétant peut-être cette modération comme un signe de faiblesse, les intriguants entourant Honorius, dont Jovius, rejetèrent les demandes d'Alaric au motif du serment fait au nom de la personne de l'empereur (Zosime, V-51).

Simultanément à ces négociations, Constantin III envoie une ambassade vers l'été 409 à Ravenne pour conclure une alliance avec Honorius et proposer son aide militaire dans une expédition en Italie contre les Wisigoths :
"[...]Jovius (un homonyme) qui se distinguait par sa culture et ses autres vertus, arriva comme ambassadeur auprès d'Honorius de la part de Constantin, qui avait usurpé le pouvoir en Gaule, afin d'entériner la paix précédemment conclue et de demander en même temps pardon pour la mise à mort de Didyme et Véténianus, les parents de l'empereur Honorius ; il alléguait en effet comme excuse que ce n'était pas à la suite d'une décision de Constantin qu'ils avaient été exécutés. Constatant qu'Honorius était fort troublé, il lui dit qu'il était raisonnable qu'il donne son accord, du moment que les soucis qu'il avait en Italie le tenaient occup ; s'il avait l'autorisation de s'en retourner auprès de Constantin et de lui faire connaître la situation qui régnait en Italie, bientôt il l'amènerait même en personne avec l'ensemble de l'armée stationnée en Gaule, en Espagne et dans l'île de Bretagne afin de porter secours aux malheurs de l'Italie et de Rome ; or Joviusreçut la permission de repartir à ces conditions [...] (Zosime, VI-1)
Dans l'immédiat, Constantin III recherche surtout à se prémunir de toutes attaques en provenance du sud, et cherche sans doute à évaluer la situation en Italie. Une opération militaire de sa part dans la péninsule apparait comme impossible à l'été 409 en raison de la dispersion de ses troupes en Gaule et en Espagne qui n'est peut-être pas encore pacifiée. Cette ambassade lui permet certainement de se rendre compte qu'Honorius est paralysé par la présence des Wisigoths, ainsi que d'évaluer les difficultés de ces deux partis à parvenir à un accord. Néanmoins, les propositions d'Alaric de combattre les ennemis de l'empereur de Ravenne ne peuvent alors que le désigner comme cible potentielle d'une alliance romano-wisigothe.

Alaric fait un second siège de Rome et proclame le préfet de la ville Attale empereur
Une fois le nouveau refus d'Honorius porté à la connaissance d'Alaric, ce dernier décide de mettre à nouveau le siège devant Rome. Il commençe par prendre Ostie, le port militaire de Rome. En novembre ou décembre 409, devant la menace de la famine, Alaric conclu un accord avec le sénat de Rome et place sur le trône Attale, le préfet de la ville :

"Cependant, Alaric, qui n’avait pas obtenu la paix aux conditions qu’il désirait ni reçu des otages, se dirigea derechef sur Rome en menaçant de s’en emparer de vive force si les habitants ne se mettaient pas d’accord avec lui pour marcher contre l’empereur Honorius. Puis, comme ils hésitaient face à cette demande, il assiégea la ville, et ayant atteint le port et l’ayant investi avec détermination pendant quelques jours, il s’en rendit finalement maître ; comme il trouva entreposé là tout l’approvisionnement de la ville, il menaça de l’utiliser pour sa propre armée si les Romains n’agissaient pas sans délai conformément à ce qu’il leur proposait. Le Sénat au complet se rassembla donc pour délibérer de ce qu’il fallait faire et céda sur tout ce que qu’exigeait Alaric ; il n’y avait en effet pas moyen d’échapper à la mort si aucun approvisionnement n’était fourni à la ville par le port.
Ils reçurent par conséquent l’ambassade d’Alaric et lui demandèrent de venir lui-même devant la ville ; puis conformément à ce qu’il leur prescrivait, ils firent monter Attale, qui était préfet de la ville, sur le trône impérial et le parant d’un manteau de pourpre et d’une couronne. Celui-ci désigne aussitôt Lampadius comme préfet du prétoire et ordonne à Marcien de prendre le commandement de la ville ; quant aux postes de généraux des forces armées, il les remit à Alaric lui-même et à Valens (c’est lui qui était auparavant commandant des corps de troupes en Dalmatie), et confia aux autres dans l’ordre, les hautes charges.
S’étant ensuite mis en route avec la garde du corps impériale, il se dirigea vers le palais impérial, non sans que se produisent pour lui beaucoup de signes qui n’étaient pas de bon augure ; le jour suivant, il se rendit au Sénat et prononça un discours plein de vantardises en prétendant orgueilleusement soumettre toute la terre aux Romains et accomplir encore d’autres exploits plus extraordinaires que cela, et pour cette raison la divinité ne tarda pas à s’indigner à juste titre contre lui et à la destituer peu après."
(Zosime, VI, 6-7)

Attale avait été porté à de hautes fonctions dans le passé. Il n'appartenait pas au parti nationaliste, et était païen. Peu après, pour complaire à Alaric, il se fit baptiser par un évèque arien. Alaric recherche donc à travers la nommination d'Attale l'appui et le soutien de ceux favorables à un accord avec les Germains ainsi que celui des minorités religieuses persécutées.
Attale désigne Tertullus comme consul pour 410, qui ne sera pas reconnu à Ravenne et à Constantinople. Lampadius, un corrrespondant d'Augustin, ancien consularis de Campanie et préfet de Rome entre 403 et 408 est nommé préfet du prétoire. Marcianus, ancien proconsul d'afrique en 394 qui avait apostasié sous Eugène, ami et corrrespondant de Symmaque, est nommé préfet urbain de Rome. Un certain Johannes, empereur en 423-425, devient maitre des offices.
Alaric est fait à nouveau magister militium, rang qu'il partage avec Valens, l'officier qui commandait les renforts Dalmates en 408. Un autre Valens homonyme revêt en même temps la charge de Magister equitum praesentalis à Ravenne. Athaulf est désigné comes domesticorum equitum.

Attale dans un discours au sénat promet de défendre les droits traditionnels du sénat, de soumettre l'orient à l'Italie. C'est la reprise du thème de la domination universelle de Rome et celui de la paix universelle. Les romains, et surtout les sénateurs sont probablement satisfaits d'un empereur issu de l'aristocratie. La grande déception à la déposition d'Attale des polythéistes et des ariens indique qu'Attale avait projetté de rétablir la liberté de culte. Attale, Lampadius, Marcianus et Tertullus sont tous polythéistes. Johannes soutiendra également les polythéistes une fois empereur (en 423-425), ou du moins tentera de limiter les privilèges des clercs chrétiens. Par ailleurs, la gens des Anicii, grande famille sénatoriale chrétienne, aurait mal vécu le changement de régime. (Zosime, VI-7)

Ayant obtenu ce qu'il souhaitait, Alaric lève le siège de la ville contre rançon. Il doit cependant partager le grade de magister militum avec un ennemi déclaré des Goths. Son frère Athaulf, comes domesticorum equitum, doit lui aussi partager sa charge. Attale déçoit encore un peu plus les espoirs d'Alaric en nommant au plus haut poste civil de l'Italie le porte-parole du parti sénatorial anti-gothique.

Attale s'oppose à Alaric sur une expédition en Afrique
Rapidement après avoir élevé au rang d'Auguste Attale, Alaric lui demande de prendre le contrôle de l'Afrique, restée fidèle à Honorius. Cependant, Attale refuse d'envoyer une petite armée de soldats wisigoths sous commandement goth, et préfère déléguer un romain pour persuader l'Afrique de le rejoindre contre Honorius :
"Comme Alaric conseillait avec justesse à Attale d'envoyer en Afrique et à Carthage ce qu'il fallait de forces pour, grâce à elles, abattre le pouvoir d'Heraclien (Le Comte d'Afrique) , afin d'éviter que quelques obstacle pour leurs entreprises ne surgisse par sa faute aussi - car il était un partisan d'Honorius - , Attale ne se rallia pas à ces suggestions, car il s'abandonnaitaux espoirs que lui avaient donnés les devins et il était convaincu qu'il s'emparerait sans combat de Carthage et de toute l'Afrique. Il ne détache pas Drumas, qui aurait très facilement pu dépouiller Heraclien de son pouvoir avec les forces de barbares dont il disposait et, négligeant le conseil d'Alaric, confie à Constantin le commandement des soldats stationnés en Afrique, sans envoyer avec lui la moindre force en mesure de combattre; bien au contraire, alors que la situation en Afrique est incertaine, il part en campagne contre l'empereur qui se trouve à Ravenne." (Sozime, VI, 7)

Alaric veut faire main basse sur l'Afrique, grenier à blé de Rome, alors dirigée par un fidèle d'Honorius, Héraclien. Alaric pouvait craindre une interruption de l'approvisionnement en blé à destination de Rome, qui autait eu pour consésuence la famine dans ville, la perte du soutien de la population à Attale ainsi que la reconnaissance derechef de l'autorité d'Honorius. Attale, bien qu'il était la créature d'Alaric refusa de livrer ainsi la plus riche province de l'Occident aux Wisigoths. Par ailleurs, ses amis sénateurs avaient de grands domaines en Afrique. Il envoie un certain Constantin pour succèder à Héraclien, mais sans troupes, il sera tué dans sa mission. Attale part ensuite pour Ravenne afin de combattre Honorius avant de connaitre le résultat de la missin de Constantin.

Honorius parvient à se maintenir sur le trône
Jovius passe dans le camp d'Attale, de même que Valens, maitre de la cavalerie et de l'infanterie, qui commandait le renfort des 6.000 soldats capturés au début de l'année 409.
Le règne d'Honorius semblait toucher à sa fin. Il est soutenue cependant par l'arrivée in extremis de renforts orientaux, 6 tagmata, ou unités, évalués à 4.000 hommes. L'arrivée de ces renforts le dissuade de fuir Ravenne pour Constantinople.
Poussé par Alaric, ou de son propre chef, Attale refuse de partager le pouvoir avec Honorius. Il y voit peut-être une opportunité historique pour le parti païen, semblable à celle d'Eugène et d'Arbogast, 17 années plus tôt.
Honorius panique à la nouvelle de l'élévation d'un nouveau concurent, cette fois soutenu par les Wisigoths. Il envoie une ambassade à Attale pour lui demander un partage du pouvoir. Son ambassade était formée du préfet du prétoire et patrice Jovius, Valens qui était magister equitum praesentalis, le questeur du palai sacré Potamius et le primicier des notaires Julien. Pour toute réponse, Attale se rend à Rimini avec une armée composée de Goths et de soldats Romains (peut-être toute ou partie des 6.000 hommes battus par Alaric qui avaient été envoyés en renfort à Rome ; Alaric qui cherchait à l'époque un arrangement aurait ainsi évité de fermer les négociations par un bain de sang). Attale ou Alaric menacent peut-être alors Honorius de mutilation, afin de s'assurer qu'il ne pourra remonter sur le trône par la suite (Il y a divergence des sources ; pour Olympiodore et Sozomène, un simple exil est demandé, pour Philostorge, Attale menace de mutiler Honorius).

Jovius rencontre Attale à Rimini. Ce dernier exige qu'Honorius aille vivre en un endroit écarté en conservant la dignité impériale mais sans exercer aucun pouvoir. Jovius, secrêtement passé dans le camp d'Attale lui suggère de le déposer et de le mutiler, mais Attale refuse la mutilation. Jovius porte à Honorius les propositions d'Attale où il n'est pas question de mutilation. Toujours préfet du prétoire d'Honorius qui ignore son double-jeu, Jovius fait la navette entre Rimini et Ravenne sans pouvoir rien conclure. Des négociations assez longues se mettent en place entre les deux Augustes rivaux probablement jusqu'au début de l'année 410.
Privé de tout secours, insulté ou intimidé par les prétentions d'Attale et par les troupes coalisées romano-gothique, Honorius songe sans doute à fuir vers Constantinople auprès de son neveu de 7 ans, Théodose II, d'où il pourrait projetter une guerre contre son adversaire. L'incertitude semble durer assez longtemps et les négociations durent suffisament longtemps pour que l'Orient, averti de la situation par Honorius, envoie des renforts à destination de Ravenne. Ces renforts orientaux (6 unités comptant au total 4.000 hommes) permettent à Honorius de se maintenir dans sa capitale de repli et ce probablement avant la fin du premier trimestre 410. Honorius confie la défense des murs de la ville à ces renforts orientaux ; il semble redouter une possible trahison de ses anciennes troupes auprès desquelles il est déconsidéré, au profit d'Attale, Alaric ayant mit le siège devant Ravenne lorsqu'il estima que les négociations trainaient trop en longueur.
Honorius, plus assuré à Ravenne, décide de temporiser et suit les évènements d'Afrique, où le Comte Héraclien refuse de reconnaitre Attale comme empereur et reste fidèle à Honorius. Il stoppe le ravitaillement de Rome, provoquant le mécontentement de la population romaine contre Attale. Ce dernier refuse d'intervenir avec l'aide des Wisigoths, en dépit de la demande d'Alaric, qui y voyait sans doute l'occasion inespérée de passer en Afrique pour y établir un royaume autonome de l'autorité impériale. L'échec de la tentative de soumettre Honorius, et la famine qui se dessine à Rome ruine le crédit d'Attale auprès du peuple et déçoit Alaric. Attale est en réalité coincé entre un double-front. L'Afrique au sud ne peut être prise sauf à employer les Wisigoths, ce qui revient à leur céder la province, chose qu'il refuse à faire. De la politique du Comte Héraclien dépend l'approvisionnement de Rome en blé, arme politique très efficace contre Attale. Au Nord, Ravenne dispose de peu de troupes mais le signal est clair, le gouvernement oriental soutient la dynastie théodosienne et le parti chrétien ; il ne laissera pas s'installer Attale comme unique empereur (il en sera de même en 423-425 avec Johannes dont on peut soupçonner les sympathies polythéistes, et qui sera à l'origine d'une nouvelle guerre civile). De plus, Honorius s'est allié avec Constantin III en le reconnaissant comme empereur légitime au début de l'année 409. Même s'il dispose avec les Wisigoths d'une forte armée, Attale ne peut en user comme il le souhaiterait. Le plus sûr aurait été de chercher à s'allier avec Constantin III mais ne dernier y aurait perdu sa nouvelle légitimité.

Invasion de l'Espagne par les peuples germaniques de Gaule
Le 22 septembre 409, Vandales, Alains et Suèves envahissent en Espagne. Comme en 408, les garnisons insuffisantes des fortifications sur les Pyrénées ne sont pas capables d'arrêter un envahisseur. Gérontius, le général de Constantin III en espagne ne peut arrêter ce déferlement. Les troupes hispaniques affaiblies se maintiennent jusqu'en 411. Les pillages suivant l'invasion de l'Espagne finissent par réduire les barbares eux-même à la famine.

L'Armorique et d'autres régions gauloises se révoltent contre l'autorité romaine et les barbares qui occupent leurs villes. Il s'agit en fait d'un refus de la fiscalité romaine pour l'entretien de fédérés barbares, mais c'est un cas sans précédent, un signe des temps, indiquant nettement le déclin et le rejet de l'autorité impériale.


Année 410
Jovius prend parti pour Honorius contre Attale, famine à Rome.
Au printemps 410, ne parvenant pas à conclure une entente entre Attale et Honorius, Jovius choisit son camp et décide brièvement de se mettre au service d'Attale qui le nomme Patrice.
Constant (ou Constantin), l'homme envoyé en Afrique par Attale pour permettre un ralliement de cette province à son gouvernement, échoue dans sa mission. L'Afrique, toujours aux mains d'Heraclien, fidèle à Honorius, demeure un atout pour Honorius. L'arme de la famine sape en effet la légitimité d'Attale et les soutiens à sa politique. Rome privée de blé, Attale y envoie en ambassade Jovius mais ce dernier sent le vent tourner en la faveur d'Honorius.
Jovius ne livre pas le message d'Attale au sénat de Rome comme il devait le faire, mais incite directement le sénat à envoyer des Goths en Afrique. Devant le comportement de Jovius, Attale lui-même se rend de nouveau à Rome. Il s'oppose à nouveau à ce qu'on envoie des Goths en Afrique et décide d'envoyer à la place des Romains en petit nombre pourvus de richesses pour les pots-de-vins des proches d'Héraclien, pour acheter l'allégeance de l'Afrique et éviter sa soumission aux Goths. Cette seconde mission échouera cependant elle-aussi. Jovius se rend compte de l'obstination d'Attale à refuser l'aide des Goths pour prendre l'ascendant en Afrique contre les partisans d'Honorius, et comprend que cette province restera fidèle à Honorius et que la famine ruinera Attale politiquement.

L'entêtement d'Attale dans ses tentatives pour s'emparer de l'Afrique ne débouche que sur la famine des Romains et des troupes d'Alaric. Jovius, depuis le revers africain d'Attale, a de nouveau pris le parti d'Honorius . Il n'a pas de mal à convaincre Alaric qu'il perds son temps devant Ravenne. Ce dernier lève le siège de Ravenne, que ses défenses et la nouvelle garnison rendait de toute façon imprenable pour les Goths. La levée du siège de Ravenne rend service à Honorius auprès duquel Jovius tente à nouveau de rentrer en grâce. Dans le même but, il dénigre Attale pour que le Goth abandonne sa créature (Zosime, VI-9).

Politiquement, la situation est alors bloquée. Honorius est imprenable derrière les murs de Ravenne, mais ne peut agir directement. Attale refuse d'utiliser les Goths en Afrique et ne peut étendre son autorité ni forcer Honorius à abdiquer. Alaric ne peut parvenir à un accord définitif tant que Honorius reste dans la partie. Le blocage du blé africain rend la situation intenable pour Attale et Alaric, mais le temps joue en faveur d'Honorius.

Alaric attaque les villes italiennes fidèles à Honorius
Malgré les propos de Jovius, Alaric soutient encore pour un temps Attale. Un laps de temps s'écoule entre les premières insinuations de Jovius contre Attale et sa déposition. Après avoir fait mettre à mort valens pour trahison (peut-être le magister equites praesentalis d'Honorius?), Alaric devient plus agressif et tente de faire plier les cités soutenant encore Honorius au printemps 410, afin d'isoler totalement ce dernier :
[...] il attaqua toutes les villes d'Emilie qui avaient refusé d'admettre avec empressement le pouvoir impérial d'Attale. Or il les prit toutes sans aucune peine; ayant cependant assiégé Bologne sans parvenir à s'en emparer du fait qu'elle résista de nombreux jours, il marcha contre les Ligures (au nord-ouest, où se trouvent les cités de Milan et de Verceil) pour les forcer eux aussi à admettre Attale comme empereur.

Famine à Rome, mécontentement de la plèbe
En raison du blocus d'Heraclien en denrées africaines, la famine sévit alors à Rome :
Comme Héraclien avait occupé tous les ports d'Afrique en usant de multiples précautions, et comme ni blé, ni huile d'olive, ni rien d'autre de ce qui était nécessaire n'était transporté dans le port de Rome, une famine plus grave que la précédante affligea la ville, car ceux qui offraient des marchandises à vendre au marché cachèrent tout ce qu'ils possédaient dans l'espoir de s'emparer des richesses de tout le monde, la fixation des prix était laissé à leur libre appréciation. La ville en fut réduite à une telle détresse que les gens s'attendant à se nourrir même de corps humains, poussèrent le cri suivant à l'hippodrome : "Pretium inpone carni humanae", ce qui signifie "fixe un prix pour la chair humaine". Significativement, il apparait que le peuple romain ne renonce pas à ses plaisirs et à ses courses de chars en dépit de la famine et attend du préfêt de la ville qu'il fixe les prix.

Constantin III échoue à libérer l'Italie des Wisigoths
Constantin III, reconnu par Honorius, s'engagea par serment à délivrer l'Italie des Goths. Il s'avançe jusqu'aux rives du Pô; mais se retire précipitamment à Arles. Gérontius, le plus brave de ses généraux, s'était révolté contre lui. Durant l'absence de Constant, fils de Constantin III déjà revêtu de la pourpre, il commandait les provinces d'Espagne. Gérontius donna la pourpre à un de ses amis, Maxime, qui fixa sa résidence à Tarragone. Objectivement, il est difficile de croire que Constantin III avait des moyens militaires suffisants pour battre Alaric. Cette révolte faisait donc peut-être ses affaires. Le siège d'Arles par Constance montrera qu'à l'instar de Honorius, il était plus soucieux de son trône que de l'Empire.

Alaric dégrade Attale et renégocie avec Honorius
Alors que la famine sévit à Rome en raison du blocus africain, Attale se rend auprès du Sénat pour débattre de la politique à suivre. Une grande majorité de sénateurs se prononce en faveur d'une intervention militaire réunissant Wisigoths et soldats romains, commandés par Drumas, "un homme qui avait déjà fourni de très nombreuses preuves de fidélité et de bonne volonté" . Cependant, Attale et une faible minorité de sénateurs, probablement conscients du risque que feraient courir à l'Afrique des soldats Wisigoths, refusent de suivre la majorité. Ce refus d'Attale de suivre une nouvelle fois la politique souhaitée par Alaric va provoquer sa déposition.
Selon une autre source, Attale au contraire est en accord avec le Sénat qui s'oppose à la réalisation des plans d'Alaric, prévoyant un débarquement conjoint en Afrique de 500 soldats Wisigoths et de soldats romains contre le Comte Héraclien. Devant le refus d'Attale qui craint de donner le contrôle de l'Afrique aux Wisigoths, Alaric le dégrade (Sozomène, Histoire Ecclesiastique, VIII).
"Dès lors Alaric envisagea de destituer Attale, ce à quoi Jovius, longtemps auparavant, l'avait poussé par de continuelles calomnies avec un zèle accru; mettant ensuite son dessin à execution, il fit sortir Attale devant Remini, où il se trouvait alors, et, après lui avoir enlevé le diadème et l'avoir dépouillé de la pourpre, il envoya ces insignes à l'empereur Honorius et réduisit publiquement Attale à la condition de simple particulier. Il le retint auprès de lui avec son fils Ampélius jusqu'au moment où, la paix une fois conclue avec Honorius, il pourrait leur garantir la vie sauve; il avait aussi auprès de lui la soeur de l'empereur Galla Placidia, qui remplissait en quelque sorte un rôle d'otage, tout en jouissant de tous les honneurs et égards dus au rang impérial" (Sozime, VI-12). La déposition d'Attale se situe entre fin avril et fin juillet, vraisemblablement au début de l'été.

Les négociations reprennent une nouvelle fois entre Honorius et Alaric et les deux hommes se rencontrent même dans la ville d'Alpes, à 13 kilomètres de Ravenne.

Sarus empêche la paix entre Honorius et Alaric
Plusieurs auteurs antiques racontent alors un évènement majeur, aboutissant à la prise de Rome par Alaric : la tentative de Sarus pour faire échouer toute réconciliation entre les Goths et les Romains.

"Alaric s'étant mis en route pour Ravenne afin d'entériner la paix entre lui et Honorius, la Fortune dressa un autre obstacle inattendu en s'avançant sur la voie du destin réservée à l'Etat. Sarus se trouvant avec un petit nombre de barbares dans le Picénum et n'ayant pris parti ni pour l'empereur Honorius, ni pour Alaric, Ataulf, mal disposé envers lui à la suite d'un différend antérieur, s'avance avec toute son armée vers les parages où était précisément Sarus ; celui-ci, ayant eu vent de cette attaque et ne s'estimant pas en mesure de combattre, vu qu'il n'avait que 300 hommes avec lui, décida de se rendre en hâte auprès d'Honorius et de s'associer à lui pour faire la guerre à Alaric" (Zosime, VI-13).

"Une autre raison du comportement d’Alaric fut que Sarus, un Goth, chef d’une petite troupe de 200 ou 300 hommes, courageux et guerrier invincible, s’était vu offrir une alliance par les Romains car hostile à Alaric, qui ainsi devint son ennemi irréductible" (Olympiodore).

"Peu après, Alaric tint une conférence avec l'empereur concernant la conclusion d'une paix. Saros, barbare par la naissance, et très expérimenté dans l'art de la guerre, avait seulement 300 hommes avec lui, mais tous bien disposés et très efficaces. Très soupçonneux à l'égard d'Alaric en raison de leur hostilité, il estima qu'un traité entre Romains et Goths ne serait pas à son avantage. Avançant soudainement avec ses troupes, il tua certains de ces barbares. Poussé par la colère après cet accident, Alaric revint sur ses pas et retourna à Rome qu'il prit par traîtrise" (Sozomene, IX-9).

"Alaric retourna à Ravenne, et ayant proposé de faire un traité avec Honorius, il fut repoussé par Sarus, qui affirma qu'un homme qui a beaucoup à faire avant d'avoir payé le prix de son audace, est indigne d'être reconnu comme ami. Enragé par ce discours, et un an après sa première attaque contre le port de la ville de Rome, Alaric remarcha vers Rome, comme un ennemi" (Philostorge XII-3).

Une vieille haine oppose Sarus à Alaric et à Athaulf en 410. Athaulf se disposant à attaquer Sarus avec des forces supérieures, ce dernier, resté neutre depuis l'invasion gothique de l'Italie en 408, décide de prendre le parti d'Honorius et de s'allier avec l'empereur contre les Goths. Cependant, après les coups de force des Goths sur Rome, l'incapacité d'Alaric à faire plier Honorius et la non moindre incapacité de l'empereur de réagir militairement à cette invasion, les deux camps s'accordent pour conclure un traité mettant fin aux hostilités. Réalisant que cette paix lui serait fatale, Sarus tente d'empêcher la conclusion de tout traité : il attaque et massacre quelques soldats d'Alaric et reprend contact avec la cour de Ravenne pour user de son influence sur Honorius et le convaincre de ne pas conclure d'alliance avec les Goths. Sarus entre de nouveau au service de l'empire avec le grade de Magister militum, apparement comme successeur de Valens. Sa manoeuvre réussie parfaitement, la paix n'étant pas conclue et les hostilités relancées.

Troisème siège de Rome et sac de la ville

Les Wisigoths d'Alaric prennent Rome
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Sac de Rome par les Wisigoths d'Alaric
Le sac de Rome par les barbares en 410 par Joseph Noel Sylvestre


Après l'échec des négociations avec Honorius suite au coup de force de Sarus, Alaric retourne vers Rome, et met pour la troisième fois le siège devant la ville. Il semble que ce siège ne dure pas. Contrairement aux deux premiers qui furent des épreuves de force avant tout déstinés à faire plier le pouvoir politique de Ravenne, ce troisième siège se termine par le pillage de la ville après quelques jours seulement. En effet, selon le codex theodosianus, Honorius ordonne pour le réapprovisionnement de Rome aux naviculaires de continuer leurs transports même après la fermeture hivernale de la navigation dans la mesure où le régime des vents le permettrait, article daté du 15 août 410, depuis Ravenne, soit 9 jours avant la prise de rome (les juges qui,sous prétexte de l'hiver,auraient permis aux navires chargés du ravitaillement de rester dans les ports de leur juridiction,alors même qu'un vent plus favorable invitait à poursuivre le trajet,en supporteront les dommages avec leurs concitoyens et avec les fortunes personnelles du même endroit. En outre,en cas de fraude avérée,les armateurs seront condamnés à la déportation Codex TH. XIII-5.34). Honorius n'aurait pas publié un tel décrêt si Rome était déjà assiégé. Le troisième siège ne dura donc que quelques jours, ce qui renforce les fortes présomptions de trahisons; la ville fut certainement ouverte aux troupes gothiques. Par ailleurs cet article du codex theodosianus semble indiquer que le Comte d'Afrique Heraclien reprend les livraisons de denrées suite à la déposition d'Attale. Pour remplir les greniers et contrer la famine, Honorius ordonne une navigation plus tardive dans l'année, ce qui indique que la famine sévit à Rome, que des troubles ont ou pourraient encore éclater - ce qui explique aussi que la population n'aurait pas pu faire face à un nouveau siège de la ville de longue durée par les Goths - et aussi que la déposition d'Attale doit se situer peu de temps avant la prise de ce décrêt au regard de l'urgence et de la mesure inhabituelle prise par Honorius.

Le 24 août, les portes de la ville sont ouvertes à Alaric, qui prend et pille Rome. Un asile est accordé à ceux qui se place sous la protection de lieux saints : Saint Paul hors-les-murs et la basilique saint-Pierre au vatican. Plusieurs palais, des temples et même des quartiers sont la proie des flammes. Sur le forum, la basilique Aemilia vieille de 6 siècles brûle aussi.

Alaric avait levé par deux fois le siège de Rome avant de prendre la ville, non pas sous la contrainte, mais après arrangements (financiers). Cela démontre que le roi Wisigoth ne cherchait pas tant à piller Rome qu'à obtenir des avantages, en terre et en ravitaillement. Le casus belli justifiant ce troisième siège de Rome n'était en effet pas plus grave, ou plus sérieux, que les précédants. Mais piller Rome revenait à se placer irrévocablement dans l'illégalité. Il était conscient que le sac de Rome provoquerait une rupture définitive, le condamnant à chercher une terre où fonder son royaume, avec tout les aléas que cela comporte.

Evènement qu'Alaric n'avait sans doute pas prévu, c'est une trahison qui livre Rome à ses troupes, en ouvrant les portes de la ville. Dans ces conditions, avec de formidables perspectives de pillages, les troupes gothiques et surtout les fédérés révoltés obtiennent le droit de piller la ville. Alaric ne put faire l'économie du sac de Rome, conscient que cela ruinerait sa politique.
Autres indices laissant penser que ce sac n'était pas prémédité, il ne dure que trois jours, alors qu'aucune menace militaire sérieuse ne menaçe Alaric. Sans doute limite-t-il les pillages afin de rendre un racomodage possible avec Honorius. Enfin, signe révélateur, Alaric quitte Rome avec des otages, comprenant entre autre la soeur de l'Empereur. La volonté de se ménager Ravenne est évidente. Sans nul doute, il y avait eu rupture, mais Alaric espérait-il encore pouvoir revenir dans la légalité.

Alaric quitte donc la ville après trois jours en emmenant de nombreux otages dont Galla Placidia, soeur d'Honorius et future mère de l'Empereur Valentinien III. Il capture les cités de Capoue et de Nole, puis cherche probablement à passer en Sicile et de là en Afrique. L'échec de la traversée du détroit de Messine le pousse à retourner vers le nord del'Italie et la Campanie. Alaric meurt à Bruttium avant la fin de l'année dans des circonstances inexpliquées. Il est enterré avec de nombreux trésors dans le lit du fleuve Busentin, dont le cours est détourné momentanément. Les esclaves chargés des travaux sont tués afin que personne ne puisse violer sa sépulture.

L'enterrement d'Alaric


Athaulf remplace Alaric à la tête des Wisigoths. Il suspend les opérations de guerre et commence à négocier sérieusement un traité d'alliance avec la cour de Ravenne.



Le sac de Rome par Alaric et la réaction des élites et du peuple
L'impact du sac de rome dans l'Empire apparait comme considérable. Il faut noter que la ville éternelle n'est plus en 410 la capitale politique du monde romain, et ce depuis le début de l'anarchie militaire, au début du III siècle. Certains Empereurs n'y séjournèrent jamais, comme Julien (360-363). D'autres comme Constance II (337-361) n'y firent qu'un bref passage. Elle n'était plus qu'un musée que l'on visitait, bien que demeurant incomparable à toute autre cité. Constance II parle au sujet de Rome de la “maîtresse des vertus”, ce qui ne manque pas de sel, venant d'un empereur chrétien pour parler de la ville du paganisme par excellence.
Rome était donc un symbole. Le sac de la ville eu un écho considérable, et fut sans doute perçu par bon nombre de gens comme le signe annonciateur de la chute de l'Empire et de la prise de pouvoir par les barbares. "Que restera-t-il si Rome tombe?" disait en 409 saint Jérome. Les opinions divergèrent sur le sens à donner à l'évènement et une querelle d'opinion entre païens et chrétiens se développe.

L'évènement déclenche une poussée de millenarisme dans un premier temps. Les Apocalypses juives et chrétiennes prophétisaient depuis 3 siècle la destruction de Rome.

L'autre grande réaction est l'accusation portée par les païens contre le christianisme, jugé responsable du désastre. Les païens pensent que les malheurs publics sont la conséquence de l'abandon des anciens cultes. Le christianisme lui se révèle incapable de défendre les Romains.

Deux des huit "docteurs de l'église" catholique qui vécurent pendant l'antiquité furent contemporains du sac de Rome par les Wisigoths d'Alaric. Il s'agit de saint Augustin, évèque d'Hippone, et saint Jérome, alors installé à Bethléem. Leurs correspondances, davantage que la cité de Dieu d'Augustin, écrit après de longues élucubrations, donnent leur point de vue à vif sur ces évènements historiques.

Augustin éprouve une grande inquiétude dans les années 408-409 quant au sort de Rome. " [...] nous regrettons beaucoup qu'il n'ait pas songé dans sa lettre à nous dire ce qui se passe à Rome ou autour de Rome, afin de savoir ce que nous devons croire des bruits apportés par la renommée. Les nouvelles que nous donnaient les précédentes lettres de nos frères, quelque inquiétantes qu'elles fussent, n'avaient pourtant rien de pareil à tout ce qui se dit en ce moment. Je m'étonne [...] que votre lettre elle-même ne nous fasse rien entendre de vos grandes tribulations; car ces douleurs nous sont communes dans les entrailles de la charité". (Lettre XCIX datée de l'année 408 ou 409).
Bien que cette inquiétude ne soit sans doute nullement factice, Augustin n'hésite pas à se servir des malheurs de l'Empire suite aux invasions germaniques pour s'attaquer aux hérétiques donatistes d'Afrique. Le conflit théologique dont il est le témoin dans cette province prend le dessus à ses yeux sur la ruine du monde politique. " [...] Vous n'ignorez point, je pense, les horreurs accumulées dans les régions de l'Italie et des Gaules; on commence à en dire autant de ces pays d'Espagne qui jusqu'ici avaient été préservés. Mais pourquoi chercher si loin ? Voilà que dans notre contrée d'Hippone, non encore envahie par les Barbares, les clercs donatistes et les circoncellions dévastent nos églises avec tant de cruauté, qu'à côté de ces brigandages les coups des Barbares nous paraîtraient peut-être bien doux. En effet, quel Barbare aurait, comme eux, l'idée de jeter de la chaux et du vinaigre dans les yeux de nos clercs et de faire à leurs membres d'horribles plaies et blessures ? Ils pillent et brûlent des maisons, enlèvent les récoltes, répandent les vins et les huiles, et forcent beaucoup de nos catholiques à se faire rebaptiser en les menaçant tous de ces violences. Hier j'ai appris qu'en un seul endroit quarante-huit catholiques ont été ainsi contraints de recevoir de nouveau le baptême. [...] (Lettre CXI datée d'octobre 409). Les hérésies, voilà le véritable énnemi, plus encore que les invasions des provinces romaines...
Par ailleurs, Augustin relativise ces malheurs en mettant en exergue la volonté divine. " [...] Du reste, que devons-nous espérer pour le genre humain, lorsque depuis si longtemps les prophètes et l'Evangile ont prédit toutes ces choses? [...] Vous dites que de bons, de fidèles et pieux serviteurs de Dieu ont péri sous le glaive des Barbares. Mais qu'importe que leur âme soit sortie de leur corps par le fer ou par la fièvre ? Le Seigneur ne considère point par quel genre de mort, mais en quel état ses serviteurs quittent ce monde. [...] Il est assurément malheureux et lamentable que des femmes chastes et saintes soient captives; mais leur Dieu n'est point captif et il n'abandonne pas dans la captivité celles qu'il reconnaît lui appartenir. [...] qui sait si Dieu, dans sa toute-puissance et sa miséricorde, ne veut pas se servir de ces femmes, même sur une terre barbare, pour faire éclater ses merveilles? [...] Il (Dieu) ne permettra pas qu'aucune injure soit faite à ces chastes femmes; ou bien, s'il le permet, il ne leur imputera point. Quand l'âme ne se souille point par un consentement impur, elle sauve le corps de toute atteinte criminelle; et si la passion de celui qui souffre violence n'a rien fait ni rien permis, l'attentat n'est imputable qu'à celui qui en est l'auteur; il doit être considéré, non comme une corruption honteuse, mais comme une blessure douloureuse. La chasteté du coeur est d'un si grand prix que, si elle demeure entière, le corps gardé une pureté parfaite malgré le coupable triomphe de la brutalité." (Lettre identique). Volonté divine, salut individuel par la religion catholique et la châsteté l'emportent sur le tragique de la situation.
Son thème de la volonté divine est répété en 410. " il ne faut pas vous laisser abattre et décourager par l'ébranlement de ce monde : ce que vous voyez arriver a été prédit par notre Seigneur et Rédempteur qui ne peut hélas mentir." (Lettre CXXIL datée de 410).
Ultérieurement, Augustin critique ses connaissances se désolant des ravages dont ils sont les témoins. "On me dit (et Dieu fasse que ce ne soit qu'un bruit), que votre esprit est bouleversé; je m'étonne qu'un sage et un chrétien comme vous pense si peu que les choses de la terre ne sont pas à comparer avec celles du ciel, où nous devons placer notre cœur et notre espérance. Homme de bon sens que vous êtes, vous aviez donc mis tout votre bonheur dans ce que vous paraissez perdre?" (Lettre CCXLIV non datée).

En dépit d'une réelle préocupation pour le sort de ceux subissant ces tragiques évènements, Augustin se comporte en théologien polémiste et profite de la circonstance en prêchant pour sa religion. Bien que ces malheurs soient regrettables, il s'agit là de la volonté divine. Ses motivations bien qu'échappant aux hommes doivent être pour Augustin l'occasion de se détourner des vanités de ce monde pour se consacrer à la religion catholique. Par la suite, il consacre l'essentiel de son temps à la rédaction de la cité de Dieu, qui s'étale sur 15 ans. Il y défend le christianisme. Pour lui, le paganisme, les hérésies, et l'immoralité tolérés dans l'Empire officiellement chrétien sont entre autre les causes de la chute de Rome. Il y relativise l'évènement, estimant que la religion et le salut sont plus importants que le sort d'une ville. La volonté divine est à l'origine de cette épreuve, qui éprouve les bons et punie les mauvais. Sa reflexion sur l'histoire romaine conclue à une décadence morale continue que seul le christianisme peut combattre. Inventeur de la transmission du péché originel, Augustin estime que les hommes ont besoins d'être disciplinés par des épreuves.

Jérôme écrit lui sur le thème de la faute, de la culpabilité et de la volonté divine. Il rejette la responsabilité des malheurs dont sont victimes les Romains à leurs péchés et à leur manque de foi. “Elle est prise, cette ville qui a conquis l'univers!” (Jérome, lettre 127 à Principia). "Ce sont nos péchés qui font triompher les Barbares et succomber les Romains. [...] A voir les Romains, ces vainqueurs et ces maîtres du monde, craindre, trembler et succomber à la vue d'un ennemi qui ne peut pas seulement marcher, et qui se croit en danger dès qu'il touche à terre (les Huns, réputés être toujours montés à cheval) , ne dirait-on pas que nous avons perdu tout à la fois et la raison et la foi? ne voyons-nous pas ici l'accomplissement de ce que les prophètes ont prédit, qu'un seul homme en ferait fuir mille? Si nous voulons nous délivrer de tous ces maux, faisons-en tarir la source ; et nous verrons en même temps les flèches de nos ennemis céder à nos javelots, leurs tiares à nos casques, et leurs méchants chevaux à notre cavalerie." (Lettre écrite du monastère de Bethléem, en 396).
"L'univers entier périssait dans la chute d'une seule ville. [...] Qui aurait jamais pensé que Rome, cette Rome qui dominait par la victoire dans toutes les parties de l'univers, s'écroulerait ; qu'elle serait tout à la fois et la mère et le tombeau de tous les peuples; qu'elle deviendrait esclave à son tour , celle qui comptait au nombre de ses esclaves l'Orient, l'Egypte et l'Afrique?". (Lettre à la vierge Eustochia datée de 410).

Les grands penseurs chrétiens prennent donc acte de la situation. S'ils regrettent les troubles dont ils sont les témoins, ils leurs donnent une signification religieuse. Qu'un chrétien ai pillé Rome, cela ne peut avoir été que l'oeuvre de la volonté divine. Quant aux malheurs frappant les populations, ils enjoignent ces dernières à se détacher du monde pour se consacrer à la religion.

Les élites politiques elles-aussi sont décontenancées par l'évènement. L'aristocrate gaulois Rutilius Namatianus émet un avis franc et sans nuance. “La mère du monde est assassinée.” (Rutilius Namatianus, sur son retour, I, v.47).


Dépeuplée par les morts sans doute nombreux et surtout par l'exil d'une partie de la population, Rome tente de se relever après cette épreuve. Des signes incontestables de retour à la vie sont signalés dans la ville.
Des reconstructions sont menées. En 412-414, le secretarium senatus à Rome et les thermes de l'aventin sont restaurés. En 414, il en est de même pour les thermes de Sura sur l'Aventin. En 416, c'est la basilique Julia qui est restaurée. On orne la ville de nouvelles statues. Au début des années 420, à la fin du règne d'Honorius, les portiques des bureaux de la préfecture urbaine sont restaurés. (Rome dans l'antiquité tardive, de Bertrand Lançon). Par la suite, ce seront essentiellement des églises qui seront construites à Rome au V siècle. Sainte-Sabine et Sainte-Marie-majeure sont achevée vers 430. Symbôle politique violé et déchu, Rome se redécouvre un destin en devenant la capitale de la chrétienté, même aux yeux de Constantinople et de son clergé.

Démographiquement, Rome a souffert de l'épreuve. Néanmoins, après une baisse importante suite aux évènements de 410, sa population se maintient à un haut niveau, et fait d'elle la ville la plus peuplée d'occident jusqu'au second sac de 455 par les Vandales (en considérant que Carthage, prise par ces Vandales en 439 n'ai pas été dépeuplée elle-aussi par l'évènement).
Au IV siècle, il y avait 200.000 inscrits (incisi) sur les listes officielles d'ayants droits à l'annone, ration de blé et d'huile fournie par l'administration aux citoyens romains. Selon les estimations, ce chiffre représentait 30% de la population. Le nombre de citoyens découlant de cette estimation est évaluable entre 550 et 700.000 personnes, pour une population totale comprise entre 700.000 et 900.000 habitants. On retient généralement 800.000 habitants pour la Rome du IV siècle.
En 419 a lieu une réforme de l'annone, qui laisse penser que la population a chuté de quelques 300.000 personnes. La ville compterait donc encore près d'un demi-million d'habitants à cette date. Les incisi passent de 200.000 au IV siècle à 100.000 après 410. Ce chiffre remonte en 419 à 120.000. En 452, les incisi sont 80.000. Le chiffre tombera à 15.000 en 530. Ces chiffres permettent des estimations pour la population globale, forcément discutables mais qui constituent une base. En 419, Rome compte peut-être 480.000 habitants si on applique le ratio du IV siècle (1 incisi pour 4 habitants). 80.000 incisi en 452 représenteraient 320.000 habitants. En 530, les 15.000 incisi représentent encore peut-être 60.000 habitants, faisant de Rome l'une des plus grandes villes d'un occident alors aux mains des Germains.

Nous avons deux témoignages datés de 417 sur la reprise de la vie à Rome. Orose, disciple d'Augustin, achève son histoire "contre les païens". Il y écrit que le sac de Rome est encore un souvenir récent, mais qu'à entendre les Romains, on aurait pu croire que rien ne s'était passé. Seules les dernières ruines des incendies témoignent encore de l'évènement.
Rutilius Namatianus quitte Rome en octobre 417 après avoir été préfet urbain de la ville en 414. A son arrivée à Portus, le premier soir après son départ de Rome, Rutilius perçoit des bruits venant de Rome. Il écrit :
“Plusieurs fois raisonne à mes oreilles l'écho du cirque
dont les acclamations annoncent que les théâtres sont pleins”

(Rutilius, sur son retour, I, vv 201-202).

Augustin ne dit pas autre chose lorsque les réfugiés d'Italie débarquent en Afrique. L'évèque tempête contre eux : "O malheureux! Quelles épaisses ténèbres, quel aveuglement, quelle hideuse corruption! La postérité aura peine à le croire : à peine échappés au désastre de Rome, ces réfugiés, à peine arrivés à Carthage, se précipitent au théâtre et chaque jour y font éclater à l'envie leur frénétique enthousiasme pour des histrions.
O esprits en délire! Quelle est cette erreur, que dis-je cette folie? Quoi, les peuples d'outre-mer pleurent vos malheurs; dans les plus grandes villes des pays lointains, c'est une consternation profonde, un deuil public, et vous, vous courez aux théâtres, faites la queue à l'entrée, les remplissez!"
(Saint Augustin, cité par H. Davenson, Le christianisme et la fin du monde antique, p 83-84, édition de l'abeille).

Les témoignages d'Orose, de Rutilius Namatianus et d'Augustin nous permettent de voir une population non pas prostrée mais décidée à vivre à la romaine. Les spectacles donnés par les magistrats sénatoriaux reprennent à Rome : chasses dans l'arêne et à nouveau, brièvement, des combats de gladiateurs, une première fois supprimés en 404. Augustin, ainsi qu'Orose, estiment scandaleux que les Romains, comme s'ils ne mesuraient pas la gravité de l'évènement, aillent aux spectacles publics après la prise de Rome. La réaction des Romains et la désaprobation de ces ecclesiastiques doit cependant être expliquée.
Les spectacles donnés étaient, comme on peut s'en douter, une réjouissance, un plaisir, une fête pour ceux qui en bénéficiaient. Or, à l'épopque, un interdit ascétique était jeté par l'église sur tous les spectacles à commencer par les courses de chars.
“La passion des spectacles rend les gens semblables à des démons. Par leurs clameurs, ils excitent à s'entre-tuer des hommes qui n'ont d'autre motif de combattre ceux qui ne leur ont rien fait que le désir de plaire à un public de fanatiques.” (Augustin, de catachizandis rudibus, XVI, 25, trad Tardif de Lagneau).
Augustin condamne la cruauté des combats de gladiateurs, mais sa condamnation ne se limite pas à ce type de spectacle. Les lignes suivantes de son texte sont très révélatrices : outre les gladiateurs, le même cercle vicieux de passion folle et de rivalité emporte aussi “les comédiens, les musiciens, les cochers du Cirque et ces misérables chasseurs qu'on fait se battre contre des fauves” . Augustin parle par la suite des fausses joies “de la richesse, des cabarets, du Cirque, de la lascivité des bains publics, de la débauche” . (Augustin, de catachizandis rudibus, XVI, 25, trad Tardif de Lagneau).
Augustin en reste à ce qui était depuis 3 siècles la critique chrétienne consacrée : tous les spectacles sont coupables, que ce soit l'arène, le Cirque, ou le théâtre. Leur égale culpabilité est de soulever les passions, de troubler l'âme des acteurs et du public. Cette condamnation rend en théorie infréquentable les spectacles par les chrétiens. “Nous autres chrétiens, qui nous reconnaissons à nos bonnes moeurs et à notre retenue, avons raison de nous tenir à l'écart de vos plaisir mauvais, de vos processions, de vos spectacles” . (Minucius Félix, Octavius, XXXVII, 11).
Cyprien (V.200 - 258), évèque de Carthage avait déjà en son temps condamné tout un mode de vie à la romaine :
On élève à grand frais des bêtes féroces pour dévorer des hommes, que dis-je, on leur donne des maîtres pour aiguillonner leur cruauté, et on fait bien, car sans ces leçons, elles se montreraient peut-être moins barbares que l’homme. Parlerai-je ici de toutes les vanités popularisées par l’idolâtrie? Qu’ils sont ridicules ces combats où on se, dispute pour des couleurs et pour des chars; où on se réjouit de la vélocité d’un cheval; où on gémit sur sa lenteur; où l’on compte ses années, les consuls sous lesquels il a brillé; où l’on explique sa généalogie en remontant jusqu’à ses ancêtres les plus éloignés! Comme tout cela est vain! Comme tout cela est honteux! retenir de mémoire toute la généalogie d’un cheval et la réciter sans broncher! Mais demandez à cet homme la généalogie du Christ, il l’ignore; et s’il la connaît, il est plus malheureux encore, car si je lui demande par quel chemin il est arrivé au théâtre, il sera forcé d’avouer qu’il y a été conduit par la débauche et les passions les plus honteuses. Avant de souiller ses regards par le spectacle de l’idolâtrie, il les a souillés par celui de la 1ubricité, il a traîné l’Esprit-Saint dans des lieux infâmes, et il a profané le corps du Christ dans les orgies de la prostitution.
Quant aux plaisanteries qui se débitent sur la scène, j’ai honte de les rapporter, même pour les flétrir. Comment parler en effet du chant des acteurs, de l’artifice des débauchés, de l’impudeur des femmes? comment oser reproduire ces bouffons éhontés, ces parasites sordides, ces pères de familles qui déshonorent la toge par leur stupidité, leurs vices, leurs obscénités? Toutes les classes de la société, toutes les professions sont traînées dans la boue: et pourtant tout le monde accourt au spectacle; on se réjouit de la honte commune; on vient, dans cette école du vice, chercher de funestes leçons afin de renouveler en secret les infamies de la scène; on vient, sous la sauvegarde des lois, apprendre des forfaits que les lois réprouvent et condamnent.
Encore une fois, que peut faire le chrétien dans ces assemblées, lui qui ne peut pas même penser au vice? Pourquoi se permettre le spectacle de la débauche? Hélas! en dépouillant toute pudeur, on porte plus loin l’audace du crime; car c’est apprendre à faire le mal que de s’habituer à le voir. Du moins les femmes que le malheur condamne à la prostitution se cachent dans des retraites obscures; après avoir vendu leur pudeur, elles rougissent de paraître en public. Mais, sur le théâtre, la débauche n‘a pas de bornes; elle ne daigne pas même dissimuler ses excès. On voit paraître des mimes, aux manières efféminées et dissolues, dont l’art consiste à parler avec les mains en présence de ces êtres dégradés, toute une ville s’émeut et applaudit à leurs danses lascives. On puise dans la fable les sujets les plus lubriques, et ainsi ce qui commençait à se perdre dans la nuit des siècles, repasse sous les yeux du spectateur. Ce n est pas assez pour la passion de profiter des maux présents, il faut que, dans un spectacle éhonté, elle s’approprie encore les turpitudes anciennes.
Non, le répète, il n’est pas permis aux chrétiens de se mêler à de semblables réunions. Il ne leur est pas permis non plus de prêter l’oreille à ces artistes trop bien instruits dans les arts de la Grèce qui promènent partout leur funeste science. L’un avec la trompette imite les rauques clameurs de la guerre; l’autre avec la flûte reproduit les sombres mélodies des tombeaux. D’autres, mêlant leurs voix à celle des choeurs, poussent des cris aigus, arrêtent ou précipitent leur respiration, frappent sur leur bouche pour produire des sons brisés: travail à la fois ridicule et offensant pour celui qui leur a donné une langue.
Que dire de la vanité de la comédie? Que dire des folies des acteurs tragiques? Quand ces spectacles ne seraient pas consacrés aux idoles, un chrétien ne devrait pas se les permettre. A défaut de crime, la vanité en fait tout le fond; or la vanité est indigne d’un chrétien. N’est-ce pas une grande folie, en effet, de recevoir des coups pour amuser une assemblée oisive, do se condamner à toute sorte de privations pour mériter une couronne frivole, de présenter son visage aux soufflets pour obtenir tin morceau de pain?
Parlerai-je de la lutte? deux hommes s’enlacent dans des noeuds impudiques; ils tombent l’un sur l’autre, et dans cette chute honteuse la pudeur reçoit une mortelle atteinte. Un autre s’élance tout nu au milieu de l’arène; un autre déploie toutes ses forces pour jeter en l’air un globe d’airain. Tous se disputent la couronne de la folie en effet, éloignez les spectateurs, que signifient tous ces jeux ?
Fuyez, fuyez, ces spectacles vains, pernicieux, sacrilèges tenez en garde vos yeux et vos oreilles contre les dangers qu’ils renferment. L’habitude du mal ne se contracte que trop vite. L’esprit de l’homme est naturellement porté au vice : que sera-ce donc s’il a sous les yeux des exemples funestes? Il tombe par sa propre faiblesse: que sera-ce si on le pousse dans l’abîme? Oui, je vous le répète pour la millième fois, loin de vous ces spectacles corrupteurs!
(St Cyprien, sur les spectacles)

Georges Ville (auteur du livre Les jeux de gladiateurs dans l'Empire chrétien) a montré que le Cirque, le théâtre et l'arène étaient entièrement désacralisés. Les chrétiens ne reprochent pas aux spectacles un caractère sacré ou religieux qu'ils n'ont pas, mais le fait qu'il ne s'agissait que de plaisirs, en raison selon C.Lepelley (Les cités de l'afrique romaine au bas-empire) d'un “puritanisme enclin à condamner toute recherche du plaisir” , et par cette dévalorisation du monde qu'implique toute religion de salut. Lactance parle à propos des spectacles de “volupté des sens” ; ils sont à fuir au même titre que les bains, les gymnases, les parures des femmes, tout ce qui peut s'appeler luxe et vie mondaine. De plus, les spectacles faisaient de la concurence en attirant de larges foules, dont de nombreux chrétiens peu respectueux de l'interdit.

Les Romains avaient une perception bien particulière, au delà du simple divertissement, pour leurs spectacles.
Pour Paul Veyne (L'Empire gréco-romain), le rétablissement des spectacles dans une ville romaine signifait le retour à la vie et à la civilisation. La cité païenne attache une importance presque idéologique à ses spectacles, réclamés comme un droit institutionalisé. Ils étaient la preuve que la cité était prospère, civilisée, conforme à son idéal. Ils représentaient la part de superflu au delà des nécessités de subsistance. Après une guerre ou une invasion, le premier souci d'une cité était de rétablir les spectacles pour se prouver qu'on était retourné à la normale, que la cité continuait et prospérait et avec elle le modèle de la civilisation antique, basée sur la cité.
Pour Peter Brown (Le renoncement à la chair, Virginité, célibat et continence dans le christianisme primitif, Gallimard, 1995), “Le sentiment de l'existence continue et joyeuse d'une grande communauté civique dans un empire stable s'était toujours exprimé par une atmosphère soigneusement entretenue de grandes réjouissances, ne pas y participer, c'était trahir la conception antique qui voyait dans la cité la plus parfaite des communautés humaines.”
Ainsi s'explique le comportement des réfugiés italiens après le sac de Rome en 410, et la reprise des spectacles à Rome-même. La condamnation d'Augustin à l'égard des réfugiés laisse à penser que la population, indifférente à l'évènement, n'est égoïstement préoccupée que de son amusement. Mais la symbolique des spectacles est puissante et porteuse de sens pour les Romains. La vie reprend son cours à Rome et pour la population certainement traumatisée, ce que ne rapporte pas Augustin.



Défaite de Gérontius et de Constantin III
Après la prise de Rome, Honorius charge les Wisigoths contre rétribution d'abattre Constantin III. Encore une fois, Honorius se préoccupe davantage de son trône que de son Empire. Mais les Wisigoths semble-t-il ne quitteront l'Italie qu'en 412. Il revient à un général romain, Constance, de lutter contre Constantin III.

Gérontius traversa les Pyrénées pour surprendre Constantin III et son fils, Constant. Ce dernier fut tué à Vienne. Constantin III s'enferma à Arles, et soutint un siège. C'est alors qu'une armée venant d'Italie, commandée par Constance fit son apparition. Gérontius fut vaincu, ou ses troupes l'abandonnèrent. Il fuit mais fut tué près de la frontière espagnole. Maxime, un moment le pantin des barbares d'Espagne, fut renvoyé à Ravenne où il fut exécuté.

L'armée de Constance montrera de fortes aptitudes (elle viendra à bout de Gérontius, de Constantin III et parviendra à organiser un blocus naval et terrestre des Wisigoths en Espagne). Il faut donc lui reconnaître des effectifs importants et des moyens logistiques conséquents, même si la composition de l'armée reste délicate à établir. Elle comprenait peut-être des fédérés wisigoths enrôlés, suite à la mort l'Alaric, mort qui apaisait les tensions entre Ravenne et les Wisigoths. Des fédérés mutinés en 408 ont peut-être également rejoints à nouveau les rangs de l'armée romaine, de même que des mutins de Pavie de 408. Au vu de la révolte de 408, il est peu probable qu'Honorius fasse garder Ravenne par ces troupes. La capitale était sans doute défendue par les renforts orientaux de 409. Il était donc possible de regrouper à nouveau l'armée des Gaules, ou ce qu'il en restait, pour lutter plus activement contre les barbares.
Un dernier indice quant à la composition de cette armée : Constance en 410-411 lutte contre Gérontius et Constantin III, ce qu'avaient refusé de faire les troupes régulières d'origine gauloise en 408. Mais en fait ce détail ne règle rien. Il laisserait supposer que les troupes autochtones ne sont pas présentes dans son armée. Mais comme Constantin III a barbarisé ses effectifs, il serait devenu acceptable pour les troupes régulières de marcher contre lui, d'autant qu'il n'a pas sauvé Rome et n'a pas lutté efficacement contre les barbares en Gaule. Il pactisera avec des barbares afin de se prémunir contre Constance en 411. Il n'apparait plus comme le champion pro-gaulois ou pro-romain. Par contre, Constance, d'origine romaine, peut assurer ce rôle.

On remarquera qu'Honorius envoie une armée hors d'Italie combattre Constantin III, alors que l'Italie elle-même est toujours sous occupation wisigothique. En fait, les garnisons ne pouvaient fixer les armées wisigothiques. Dès lors, elles ne servaient à rien en Italie. Il reste cependant peu probable que toutes les garnisons furent déployées. Même si Constance pourra contraindre les Wisigoths à fuir la Gaule en 414-415, puis à se mettre brièvement au service de l'Empire en 416-418, il ne le pourra plus par la suite, signe de son impuissance à s'imposer militairement; de fait, les Wisigoths comptabilisant plus ou moins 15.000 guerriers, le corps de Constance peut être estimé à un chiffre analogue. Il s'agit là d'une force incapable d'anéantir un peuple barbare en migration, ou la coalition wisigothique d'Alaric. De plus, il est inenvisageable de risquer ces troupes dans un seul combat, et donc dans un seul champ d'action.

Dans l'immédiat, cette réaction de Ravenne arrive tardivement, et elle cible un usurpateur, et non les envahisseurs barbares.


Les Wisigoths et Alaric de 402 à 410 - rétrospective

402-408 La conduite d'Alaric
La carrière d'Alaric débute après la guerre entre Théodose et Arbogast. Il est alors battu ou encerclé, à la merci des impériaux, 5 fois en 7 ans (en 395, 397, 401, et deux fois en 402).
En dépit de ses nombreuses défaites militaires, Alaric ne semble pas être devenu impopulaire chez son peuple, du moins pas au point de se faire assassiner. Pourtant, des revers militaires moindres auront raisons de son successeur Athaulf, assassiné en 415.

Après les défaites de Pollentia et de Vérone en 402, Alaric et ses Wisigoths résident dans l'Illyricum occidental. Puis suite à un accord, dans le but de reprendre d'Illyricum oriental à Constantinople, ils se rendent dans la province d'Epire, dans le Diocèse de Macédoine, où ils attendent de 405 à 407 les ordres de Stilicon. A cette occasion, Alaric démontre clairement qu'il souhaite se mettre au service de l'autorité impériale, en échange d'un grade militaire important. Toute conciliation, voir même intégration avec les Wisigoths n'est donc pas impossible. De 402 à 407, les Wisigoths ne font plus guère parler d'eux.
Lors de l'invasion de Radagaise en 405-406, qui plaçe l'Occident et Stilicon dans une situation militairement dangereuse, Alaric se montre parfaitement neutre. Résidant en Epire, il se trouve relativement éloigné du chef Ostrogoth. Cependant, apprenant la nouvelle, il aurait pu quitter cette province pour se joindre à lui, et fondre sur l'Italie à nouveau. La crainte de Stilicon, ou la volonté d'aboutir dans son processus de légitimation par le service dans l'armée romaine le retient. La solidarité entre les peuples Goths ne semble donc pas avoir jouée, Wisigoths et Ostrogoths suivaient des chemins divers depuis près de 30 ans. C'est entre le début de l'année 408 et le 1èr mai 408 qu'Alaric quitte l'Epire de son propre chef, lassé d'attendre les ordres de Stilicon, sans cesse repoussés en raison des troubles à l'ouest : invasion de Radagaise en Italie et des Germains en Gaule, usurpation de Constantin III. Alaric demande à être dédommagé pour le temps passé en Epire. Stilicon se montre conciliant, alors qu'il dispose en Italie du Nord de forces bien supérieures à celles des Wisigoths, et demande au sénat d'accorder 4.000 livres d'or à Alaric. Stilicon, politique avisé, estime donc par là les Wisigoths toujours utilisables et intégrables pour l'Empire.

La mort d'Arcadius le 1èr mai 408 rend la situation politique très complexe en Occident. Désormais, Stilicon et Honorius sont à couteaux tirés. Une conférence est tenue à Bologne de mai à début août 408 sur la politique à mener. Stilicon projette d'envoyer Alaric et une partie de ses guerriers, encadrés de troupes et d'officiers impériaux, se battrent en Gaule contre Constantin III, lui-même se chargeant de règler la situation politique nouvelle à Constantinople.

La révolte de Pavie juste après la conférence de Bologne prend de court Stilicon qui n'a pas le temps de démarcher Alaric. La situation évolue considérablement avec l'assassinat de Stilicon le 23 août. Sa mort et les évènements de la révolte anti-germanique font comprendre à Alaric que ce sont des nationalistes opposés aux barbares, quels qu'ils soient, qui dirigent désormais l'Empire. Alaric, alors dans la province de Savie, voit ses espoirs de reconnaissance et d'intégration par la hiérarchie militaire s'effrondrer avec la mise en oeuvre d'une politique résolument anti-germanique. Il estime cependant la négociation possible avec le nouveau gouvernement.

Pour que la nouvelle de la mort de Stilicon parvienne à Alaric, en Savie, il faut compter environ 10 jours (il y a environ 560 km de Ravenne à la Savie). La nouvelle lui parvient donc vers le début du mois de septembre 408. Sa décision de marcher vers l'Italie est prise très vite. Il est en effet distant de près de 950 km de Rome. Une telle distance peut être couverte en un peu moins de 50 jours par une armée en marche, à raison de 20 km par jour. Alaric arrivant en octobre devant Rome, cela implique que les Wisigoths se soient mit en marche rapidement, sans se laisser fixer par les villes dotées de garnisons. Passant les Alpes et le Pô, Alaric pille Aquilée (côte adriatique), Altinum, Concordia, et Crémone (Lombardie non loin de Milan). En octobre 408, il met le siège devant Rome pour la première fois.

408-410 La conduite d'Alaric
Un peu plus tôt, suite à son invasion de l'Italie, Alaric arrive à Bologne où siègent les fédérés mutinés. Outre la mort de Stilicon, il a sans nul doute eu des échos de leur révolte. Il s'agit là pour lui d'une formidable opportunité pour recruter ces éléments, qui lui donneront un poids militaire (donc politique) sans égal. Cependant, l'intégration de ces révoltés, ulcérés contre le gouvernement de Ravenne, ne semble pas compatible avec la volonté de négociation d'Alaric. Les fédérés étaient probablement des militaires plus expérimentés, mieux équipés, et au moins aussi motivés que les guerriers d'Alaric, de par leurs nombreux combats victorieux contre les envahisseurs divers. Le massacre de leurs familles firent de ces révoltés des partisans influents d'une politique résolument offensive contre le pouvoir impérial. Ils poussent Alaric à durcir le ton, à attaquer Rome. Alaric est donc l'otage de ces troupes, et la succession de négociations qui se soldent par un échec est la conséquence d'une incompréhension entre un nouveau pouvoir politique nationaliste, anti-arien et anti-barbare, et une coalition disparate de Wisigoths et de révoltés, dont les objectifs divergent radicalement de ceux d'Alaric. Ce dernier, en choisissant de s'allier avec les révoltés, cause lui-même l'échec de son ambition. En se montrant politique plus que guerrier avec Honorius, il risquait de voir les fédérés l'abandonner. Ils avaient prouvé leur inconstance peu auparavant, et ce fut sans doute un défi pour Alaric de réussir à concilier Wisigoths et fédérés. Ce “lobby des faucons” mené par les fédérés dans le camps de Alaric ne le pousse sans doute pas à entreprendre le siège de Rome, qui était un moyen de pression énorme sur Ravenne, ce dont Alaric ne pouvait se passer au regard de la nouvelle ligne politique du gouvernement impérial.
Ce siège envenima ses relations avec Ravenne, et ne permit pas de déboucher à une solution politiquement correcte ou acceptable pour les deux parties. Les troupes d'Alaric se seraient elles sans doute contentées de suivre leur roi dans sa volonté de reconnaissance officielle; ou la simple obtention de terres viables. La présence des fédérés rendaient tout arangement de ce type impossible ; du moins ne facilitait pas les négociations. Dans la même veine de la vengeance orientant la politique d'Alaric, la désignation d'Attale en 409 consitue l'aboutissement de l'ambition d'Alaric : incarner “le pouvoir derrière le trône”, comme Arbogast et Stilicon avant lui avec Eugène et Honorius.

Coincé entre son ambition et les fédérés qui voulaient en découdre, Alaric alterne les négociations avec une cour impériale elle aussi déchirée entre partisans d'une conciliation et germanophobes irréductibles.
Après un troisième siège éprouvant, une des portes de Rome est ouverte aux Wisigoths et aux fédérés qui s'y engouffrent. Alaric sait alors que le pire vient de lui arriver. Il lui est désormais impossible de prétendre à quoi que ce soit de légitime et seule sa mort débloquera la situation avec l'autorité impériale de Ravenne. Il tente de limiter l'humiliation de Ravenne en stoppant le pillage de Rome après seulement 3 jours, évite l'incendie de la ville, respecte les lieux de culte catholique, gage évident de bonne volonté auprès des catholiques au pouvoir à Ravenne. Pour ménager l'avenir, il quitte Rome avec de nombreux otages, dont Galla Placidia, soeur de l'Empereur.
Placé devant le fait accompli d'une cassure jugée irréparable, et devant des fédérés grognant de ne pas avoir pu disposer de Rome plus longtemps, Alaric tente de jauger la situation. L'affaiblissement du pouvoir impérial et de l'armée romaine lui offre l'opportunité de fonder son royaume gothique en territoire romain, sans que Ravenne ne puisse y faire grand chose. Une fois le sud de l'Italie gagnée, la riche Afrique romaine serait à portée de main. Cette province, au prise avec les hérétiques donatistes – alliés potentiels contre le clergé catholique- pourrait tomber comme un fruit mûr. Cependant, l'armée des Gaules, même désorganisée, existait toujours, Honorius restait à Ravenne, l'Orient était toujours aussi puissant, et en 410, l'essentielle de la vague barbare était stabilisée en Espagne. Parier sur un effacement du pouvoir impérial est prématuré en 410. Les successeurs d'Alaric en tiendront compte et chercheront l'alliance de Ravenne, au moins jusqu'à la mort de Valentinien III en 455.

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