422-434 La lutte pour le pouvoir en Occident

Après la mort de Constance (421) et celle d'Honorius (423) s'ouvre une longue période de guerre civile en Occident qui se concluera en 434 par la consécration d'un nouvel homme-fort incontournable, Aétius, qui l'emportera sur ses rivaux Félix, Boniface et Sébastien, guerres ruinant la patiente reconstruction d'une armée occidentale par Constance.


Année 422
Exil de Galla Placidia et de ses enfants à Constantinople
En 422-423 Galla Placidia se brouille avec Honorius. Elle quitte Ravenne avec son fils (le futur Valentinien III) pour Constantinople. Ravenne connaissait des émeutes en raison du soutien que témoignaient les Wisigoths à la soeur de l'Empereur, ancienne femme d'Athaulf et donc ancienne reine wisigothe.

Echec d'une expédition militaire en Espagne
Une armée romaine accompagnée de fédérés Wisigoths de Toulouse sont envoyés en Espagne contre les Vandales pour délivrer définitivement cette région des germains envahisseurs de 407. Mais les Wisigoths désertent et abandonnent les Romains au moment où la victoire est à portée. Les impériaux subissent une sérieuse défaite :

"Le général Castinus avec de nombreuses troupes et des alliés Goths, porte la guerre en Bétique aux Vandales qu’il assiège et affame; mais, au moment où ils vont se rendre, il engage précipitamment avec eux une bataille rangée, et trahi par ses alliés, il est battu et s’enfuit à Tarragone." (Hydace, année 422)

Cette trahison n'entraine pas de conséquences politiques entre Ravenne et le royaume de Toulouse, mais démontre les limites de la coopération entre les deux entités politiques. Peut-être est-ce la conséquence d'un relachement du pouvoir politique impérial après le décès de Constance l'année passée. Par la suite, les Wisigoths se montreront de plus en plus autonome, conséquence d'une installation viable économiquement et juridiquement en Aquitaine, cependant sans jamais réellement romprent l'alliance avec Ravenne, et ce jusqu'aux années 460.

Remaniement dans l'armée
Un maître de cavalerie est nommé en Gaule, accompagnée d'un remaniement de l'armée à laquelle vinrent s'agréger les corps des troupes provenant des parties de l'Empire laissées aux barbares. Il est difficile d'intérpréter cela. Est-ce la volonté d'agréger les dernières forces de l'Empire en un seul corps et en un seul point? Cela semble marqué en tout cas l'abandon politique, car militaire, des territoires sous contrôle barbare. Mais on ignore en quoi consista le remaniement de l'armée. En tout cas, cela semble indiquer une rupture, ce qui confirmerait la fin de l'armée romaine de Constance III à cette époque.

Une incursion des Huns de Scythie menace l'Empire d'Orient et Constantinople. Ces barbares envahissent le diocèse de Thrace. L'Empire d'Orient leur verse un tribut annuel pour se prémunir des pillages. C'est le début d'une longue politique de faiblesse à l'égard des Huns qui se poursuivra jusqu'en 450.


Année 423
Mort de l'empereur Honorius - usurpation de Johannes


Les favoris de l'empereur Honorius
Illustration de John William Waterhouse - Les favoris de l'empereur Honorius - 1883

L'empereur d'Occident, Honorius, meurt le 27 août. Sa succession pose problème. Son neveu Valentinien est en effet à Constantinople avec sa mère, Galla Placidia. Si Valentinien a des droits dynastiques au trône de l'Occident, Honorius n'en a pas fait pour autant son héritier présomptif, en lui donnant le titre de César, par exemple. Son départ pour Constantinople apparait même comme une marque de défiance. Théodose II, neveu de Honorius, rêve peut-être de son côté à reprendre pour son compte l'Occident romain.
Dans le même temps, à Rome, et apparement avec le soutien du Sénat et des troupes défendant l'Italie, un certain Johannes est proclamé empereur, ouvrant la voie à une nouvelle guerre civile entre les deux parties de l'Empire, à nouveau rivales.

Johannes, empereur païen?
Johannes est à l'origine d'une législation limitant les privilèges des ecclesiastiques. Aurait-il tenté, à la manière de Eugène et d'Argogast, 30 ans plus tôt, de s'appuyer sur les milieux paiens pour asseoir son autorité et s'assurer des soutiens politiques?
Johannes essaya de se faire reconnaitre comme un empereur légitime aux yeux de l'Orient romain. Or sa législation ne pouvait que mener au même résultat que la tentative d'Eugène : une guerre civile. L'Orient est alors aux mains de Théodose II (officiellement) et de sa soeur Pulchérie. Petits-enfants de Théodose et dévots catholiques, jamais ils n'auraient reconnu un empereur favorable aux religions antiques, voir même un chrétien modéré remettant en cause des privilèges accordés aux ecclesiastiques.
On ignore si Johannes prit ses édits restreignants les privilèges des ecclesiastiques avant ou après s'être brouillé avec Théodose II. Mais qu'il soit chrétien ou adepte des religions antiques, il ne pouvait par là qu'envenimer les choses avec l'Orient, dont il espérait la reconnaissance, ou au moins la neutralité. Sa législation ne fut donc très probablement prise qu'après l'échec des négociations qui rendaient la guerre inévitable.
Cette législation impose plusieurs remarques.

Une de ses monnaies (http://www.cgb.fr/monnaies/vso/v13/gb/monnaiesgb2f8d.html) représente sur son revers la Victoire, tenant un globe crucifère (surmonté d'une croix), symbôle largement reprit lors de la période médiévale. A noter aussi qu'Eugène en son temps avait été chrétien, en dépit de sa politique, mais il subissait largement l'influence d'Arbogast, son général Franc, resté lui adepte du paganisme.
Ce globe sur ses monnaies ne permet pas de conclure quant à la religion de Johannes. Ses motivations demeurent mystérieuses quant à sa législation. Même si certains des privilèges du clergé pouvaient être abusifs à l'époque, il devait se concilier l'Empereur d'Orient Théodose II pour éviter la guerre et se maintenir sur le trône. Un empereur chrétien modéré, estimant que son clergé bénéficiait (et usait mal) de largesses trop facilement accordées, se devait néanmoins de temporiser, afin de régler le problème de la succession impériale.
Qu'il soit ou non chrétien, si Johannes fut à l'origine de cette législation restreignant les privilèges du clergé chrétien, c'était dans le but d'en retirer un intérêt dans la crise qui l'opposerait militairement à Théodose II. En 423, l'Occident accueille divers peuples barbares pour la plupart chrétiens hérétiques. Les accusations des polythéistes contre le clergé chrétien furent nombreuses à l'époque, de sorte qu'une simple restriction de privilèges pouvait passer comme un soutien aux religions antiques.

Si le parti païen était encore vivace tant dans la population que dans la classe aristocratique et au sénat en Occident à la fin du IV siècle à l'époque d'Eugène, en était-il de même en 423, 31 ans après l'interdiction de la liberté de culte par Théodose? Contrevenir à cette interdiction revenait à encourir la peine capitale. Et si dans un premier temps, de nombreuses résistances eurent sans doute lieu, au moins passivement, qu'en était-il des adeptes des religions antiques une génération après? Aucune structure ne représentant officiellement ces traditions depuis trois décennies, le poids politique des polythéistes avait donc connu un déclin continu. Si dans les campagnes, naturellement conservatrices, de nombreux ralliements étaient possibles, les villes semblaient assez largement christianisées, en dehors de certaines élites. De nombreux troubles étaient à prévoir.
Johannes, prenant acte des divisions théologiques chrétiennes (orthodoxe, ariens, donatistes...) essaya peut-être de stimuler un “nationalisme réactionnaire” auprès de la population, autour des religions antiques (sincérement appuyées pour elles-même, ou au contraire pour leur aspect historique, culturel voir folklorique chez la population). Il pouvait toujours mettre en avant le fait que Rome avait été pillée par des chrétiens en 410.

Reste les faits. Johannes légiféra très probablement après avoir échoué dans sa conciliation avec Théodose II, donc en prévision d'une guerre civile. Et si Johannes mena cette dangereuse politique, c'est qu'il espérait retirer un appui politique (ou financier) supérieur aux troubles potentiels (guerre civile principalement avec l'Orient, conflits entre communautés religieuses en Occident). De part son ancien emploi de haut fonctionnaire (il était premier secrétaire avant son élévation au trône), Johannes devait bien connaitre la réalité de l'Italie, voir de l'ensemble de l'Occident romain.

On peut en conclure prudement que les religions antiques avaient encore des partisans, probablement dans la haute société, ou chez les propiétaires terriens (détenteurs des richesses agricoles et de la main d'oeuvre à l'époque), et en nombre suffisant pour justifier cette politique. Les finances que Johannes retira de cette affaire lui permirent peut-être de financer la guerre civile; peut-être est-ce avec cet argent qu'il envoya Aétius démarcher les Huns en 425.

Quant à savoir si Johannes était lui-même chrétien ou non, c'est une autre affaire.
S'il était chrétien, il pouvait mener sa politique sans trop de complexe : Eugène l'avait fait avant lui pour s'assurer un soutien politique. Théodose, faisant face au péril wisigoth, avait pactisé avec des Wisigoths ariens, hérétiques pourchassés farouchement par sa législation.
S'il était adepte des religions antiques, il ne pouvait pas rétablir d'un coup la liberté de culte : la guerre civile en Italie même aurait été inévitable. Mais frapper les excès et les abus du clergé pouvait symboliquement contenter les adeptes des religions antiques qui se rallierait à lui, tout en apparaissant neutre aux yeux des chrétiens non fanatisés.


Année 424
Préparatifs en vue de la guerre civile
La guerre se prépare entre les deux parties de l'Empire, en dépit de la grave menace que les peuples germaniques font peser sur l'Occident. Cherchant un appui militaire lui permettant de se maintenir sur le trône, Johannes conclut une alliance avec les Huns. Théodose II de son côté confia à un de ses généraux, Ardaburius, et à son fils Aspar, d'origines barbares, une expédition visant à destituer Johannes et placer sur le trône Valentinien. C'est le début d'une longue carrière militaire pour cet Aspar, qui prendra fin en 471 par son assassinat.
Une guerre civile se prépare donc, en dépit des grandes invasions, dans le but de sauvegarder en Occident la dynastie théodosienne (Valentinien est le petit-fils de Théodose, alors que Johannes, lui, est étranger à cette dynastie), peut-être aussi pour éliminer un empereur légiférant contre les ecclesiastiques. Mais les motifs religieux semblent moins pregnants que lors de la guerre civile de 393-394, lorsque Eugène et son général Arbogast avaient ouvertement favorisés une réaction païenne.


Année 425
Guerre civile entre Johannes et Théodose II

Les Huns fournissent une armée au tribun du palais Aétius pour aider Jean à se maintenir sur le trône d'Occident.
Ardaburius s'embarqua avec son infanterie, Aspar menant Galla Placidia et Valentinien le long des côtes de la mer Adriatique. Après une tempête, Ardaburius fut capturé avec le reste de sa flotte et emmené à Ravenne. Ayant été laissé en liberté par Jean, il fut en mesure de se rallier les troupes et de faire reconnaitre Valentinien comme héritier d'Honorius. Il fit venir son fils et Valentinien à Ravenne, où après une courte résistance, Jean fut abandonné et exécuté.
En compensation de la guerre, l'Illyrie occidentale revint à l'Orient. Dalmatie, Pannonie et Norique revinrent à Théodose II.

Annulation de la législation antichrétienne de Johannes
Après la chute de Jean, Théodose II et Valentinien III annulent sa législation défavorable aux chrétiens, avec trois édits, que l'on retrouve dans le codex theodosianus. Ce codex, rédigé de 435 à 438 compile les constitutions impériales, de Constantin (306-337) à Théodose II.

[...] les privilèges accordés par les lois passées aux églises et aux clercs, qui avaient été abolis, sont rétablis [...]. (Cth.16.2.46)

[...] par dévotion, nous rétablissons les privilèges de toutes les églises, que le tyran voyait d'un mauvais oeil en notre siècle, à savoir que tout ce qui est constitué par les principes divins, et ce que chaque évêques a pû obtenir pour les causes ecclesiastiques, soit maintenu par l'éternité solide du droit sous peine de sacrilèges [...]. (Cth.16.2.47pr.)

[...] Quant aux clercs, qu'un usurpateur funeste avait ordonné qu'ils devaient être traduits devant des juges séculiers, nous les réservons à l'attention épiscopale. Il n'est en effet pas permis que des ministres de la fonction divine soient placés sous le pouvoir temporel [...]. (CTh.16.2.47.1)

Ces trois édits, publiés d'août à octobre 425, démontrent que Jean limita les privilèges des chrétiens, et plus particulièrement ceux des clercs et de l'église, probablement dans le but de ménager la masse des croyants

Poursuite de la guerre civile par Aétius
Suite à cette guerre civile, Valentinien III commence à 6 ans un règne de 30 ans, qui prendra fin en 455. Galla Placidia, impératice, exerce une partie du pouvoir, au moins jusqu'à sa majorité en 437. On peut noter que cette administration par une ancienne reine wisigothique a peut-être contribué à rendre inviolable l'Italie pendant cette période.
La défaite et la mort de Johannes n'empêche pas Aétius de mener bataille avec ses Huns, évalués à 60.000 (chiffre sans doute exagéré, sans quoi il aurait prit l'Italie et le trône) contre les renforts venus d'Orient sous le commandement d'Aspar. Galla Placidia n'obtient le départ des Huns qu'en donnant à Aétius le grade de Comte et maître de la milice des Gaules. Les Huns reçoivent eux un tribut pour retourner chez eux. Aétius, qui sera l'homme fort de l'occident pendant 30 ans, n'en reste cependant pas là, puisqu'il libère Arles, assiégée par les Wisigoths, la même année. C'est là son premier fait d'arme.

Personnalité d'Aétius
A partir de 425, les Wisigoths attaquent régulièrement la cité d'Arles, mais se heurtant à chaque reprise à la résistance d'Aétius et de ses généraux, ils ne parviendront jamais à la prendre. De fait, le foedus de 418 ne fut pas violé avant les années 460.
Aétius et ses alliés Huns repoussent chaque attaque des Wisigoths. On peut noter que Aétius, après avoir soutenu Johannes, décide de soutenir sa propre carrière, essentiellement en Gaule. S'il représente officiellement Ravenne, il n'en apparait pas moins comme un ennemi de Galla Placidia jusqu'en 432.

Aétius est complexe à comprendre. L'un des point les plus intéressants le concernant est son éducation. Il fut en effet envoyé jeune chez les Wisigoths puis chez les Huns, en tant qu'otage. Son éducation fut donc hunnique et barbare, ce qui affecta certainement sa vision des choses On estime que cette éducation créa entre lui et les Huns des liens privilégiés, et c'est ainsi qu'il s'appuya presque continuellement sur des guerriers huns dans ses diverses entreprises. Peut-être aurait-t-il même connu Attila dans son enfance.
Le point le plus important est de savoir si cette éducation valorisant l'élément barbare sur le romain dénigra à ses yeux la civilisation de Ravenne, perçue comme corrompue, favorisant sa rupture avec Galla Placidia, vue comme une intriguante et une manipulatrice. En tout état de cause, et un peu comme Galla Placidia, Aétius devait au moins être persuadé de la supériorité militaire des barbares sur les impériaux. Tout comme la régente de l'Occident, il ne percevait pas autrement l'exercice du pouvoir : ce dernier passait par le soutien militaire d'éléments barbares. Mais là où il fut éduqué et influencé par les Huns, Galla Placidia fut liée aux Wisigoths. Cette “guerre froide” entre Aétius et Galla Placidia fut également une opposition entre les deux grandes forces militaires d'alors, Wisigoths contre Huns, les premiers ayant fuis les seconds en 375.

Les Francs Saliens s'étendent vers le sud et atteignent Cambrai. Aétius bat leur roi Chlodion près de Bouchain. Ayant stoppé la progression des Francs, Aétius les considère alors comme alliés des Romains.


Année 426
Influence de Constantinople à Ravenne après la guerre civile
Galla Placidia désigne au rang de Patrice un certain Felix. Ce Félix avait combattu aux côtés d'Ardaburius dans la guerre contre Jean. Félix prône le maintien des troupes d'orient en Italie. Galla aurait sans nul doute préféré désigner un de ses fidèles, le Comte d'Afrique Boniface, au rang de Patrice, mais elle aurait essuyé un refus du gouvernement de Constantinople, soucieux de garder une influence en Italie, alors que la situation était à peine stabilisée. Ardaburius et Aspar se maintiennent ainsi un temps en Occident. Felix installe des hommes à lui aux postes-clés du gouvernement de l'Occident. Des lois sont promulguées sous son sceau et celui de Valentinien III, démontrant son influence.
Dans le courant de l'année, Félix négocie le départ des troupes orientales, et reste en position de force en Italie.
Pour prix d'une soumission toute théorique, Aétius obtient de Galla Placidia la préfecture des Gaules. Trois généraux se partagent l'Occident romain : Félix en Italie, Boniface en Afrique, et Aétius en Gaule.

Pression des Wisigoths sur Narbonne
Les Wisigoths font pressions sur Narbonne, lieu des noces entre Galla Placidia et Athaulf. Ils estiment que la ville fait partie d'un patrimoine moral. Pour obtenir la ville, les Wisigoths doivent d'abord s'emparer de la ville d'Arles, qui sera lors des décennies suivantes soumise à leurs aventures militaires.

Boniface se rapproche des Vandales
Le Comte Boniface, déjà aux prises avec les Maures et les donatistes, est conscient des troubles politiques à Ravenne et de la possible hostilité de Félix. Il se cherche en conséquence des alliés pour renforcer son potentiel militaire. Dans le but de se rapprocher des Vandales, puissance non négligeable dans le sud de l'Espagne, il épouse une des leur, Pélagie, arienne de confession.


Année 427
Guerre civile opposant Galla Placidia à Boniface
Naissance de la fille de Boniface, baptisée par un évèque arien. Ce choix, qui fait suite à un mariage déjà passablement scandaleux, démontre le pragmatisme du catholique Boniface, mais suscite très certainement l'incompréhension chez Galla Placidia, fervente catholique. Il est très probable que Galla commence dès lors à prêter l'oreille aux intriguants de la cour de Ravenne, qui lui dépeignent Boniface comme un usurpateur potentiel.
Profitant de ce scandale, Felix formente un complot contre Boniface, dans le but probable de s'affirmer comme le seul homme-fort de la régence, et ainsi pour règner derrière le trône. Il suscite des calomnies contre son rival africain, et tente de convaincre la régente que Boniface complote contre elle et son fils. Galla, devenue méfiante après l'aventurisme confessionel de Boniface, lui demande de venir s'expliquer à Ravenne. Félix fait alors parvenir à Boniface une mise en garde l'avertissant que mettre les pieds à la cour de Ravenne reviendrait à mettre en danger sa vie. Boniface, à son tour méfiant, refuse de se rendre à la convocation de Galla Placidia.

Décontenancée par le mariage de Boniface, les accusations portées contre lui et son refus de venir s'expliquer à Ravenne, Galla Placidia, sous l'influence de Félix, donne son accord à son Patrice pour monter une expédition contre le Comte d'Afrique. En apprenant la nouvelle, la province d'Afrique fait corps avec Boniface contre Ravenne. Au printemps, trois généraux, peu compétents ou à la loyauté sujette à caution, débarquent en Afrique. L'un passe du côté de Boniface sitôt débarqué, suivie de la sédition des troupes des deux autres généraux.

Les Huns sont expulsés de Pannonie
L'intervention des Huns de Pannonie dans la guerre civile de 425 fit prendre conscience aux autorités de Ravenne de la menace qu'ils représentaient. Installés dans une province romaine, le dos au Danube, ils peuvent servir de tête de pont à leurs frères de Scythie. Les troupes romaines d'Occident et des mercenaires Wisigoths chassent les fédérés Huns de la Pannonie qu'ils occupaient depuis 50 ans. Cette province est récupérée pour un temps par le pouvoir politique romain.


Année 428
Poursuite de la guerre civile en Afrique
Après le revers singulier de 427 en Afrique, Félix prépare sa revanche. Nommé consul pour l'année, il monte une nouvelle expédition. Un barbare, Sigivult, est nommé Comte d'Afrique, en vue de remplacer Boniface. Sigivult recrute une armée de mercenaires pour débarquer en force. Devant la menace cette fois plus sérieuse, Boniface demande l'aide militaire des Vandales, qui avec les Suèves venaient de prendre Séville et Carthagène, après une victoire sur une armée menée par le général Castinus. Une fois débarqué, Sigivult bouscule les troupes de Boniface. Ses demandes se font de plus en plus pressantes auprès des Vandales.

C'est alors que les tensions entre Boniface et Galla Placidia sont résolues par la voie diplomatique. Des notables d'Italie craignent en effet la disette avec la sécession de l'Afrique romaine, et de ses indispensables convois de blé. Ils demandent à Galla Placidia d'infléchir Félix, coupable de pousser Boniface vers les Vandales et d'empêcher toute réconciliation avec la cour impériale. Voyant son influence s'amoindrir et sa machination déjouée, Félix fait un mauvais calcul : il abandonne son poste de chef des armées à Aétius, en qui il voit un allié. Mais comme Boniface, Aétius refuse de venir prendre ce poste à Ravenne, perçue non sans raison comme un guêpier. Galla Placidia envoie un ambassadeur, Darius, à Boniface qui consent finalement à traiter avec Ravenne.
L'armée de Sigivult s'engage à appuyer Boniface dans une guerre éventuelle face aux Vandales.

Gravure de Felix pour le consulat de 428
Dyptique de Felix représenté pour son consulat de 428


Les mesures anti-donatistes sont encore aggravées, à la veille de l'invasion vandale. Ces mesures amplifies encore les troubles agitant l'Afrique romaine. Genséric devient dans le même temps Roi des Vandales.

Aétius, maître de la milice des Gaules, repousse les Francs Ripuaires en Belgique, mais leur concède Cologne et Mayence avec le statut de fédérés.


Année 429
Les Vandales envahissent l'Afrique
En mai, les Vandales, menés par leur roi Genséric, passent le détroit de Gibraltar et arrivent en Afrique conformément aux demandes passées du Comte Boniface. Leurs effectifs se montent à environ 80.000 personnes, soit à peine 15.000 guerriers. Cette estimation peu importante pour un des plus dangereux peuples germaniques démontre que les “grandes invasions” furent le fait d'un nombre relativement restreint de Germains. L'Espagne est globalement délivrée; il ne reste que les Suèves, affaiblis par une bataille perdue contre les vandales juste avant leur départ en Afrique.

Les Vandales passent en Afrique
Copyright Edition Atlas


Ravenne envoie un diplomate, Darius, pour négocier la paix avec les Vandales. Dans une lettre à l'évèque Augustin, il exprime son souhait de parvenir à une paix durable :

“Vous dites que j'ai tué la guerre par la parole. [...] Si nous n'avons pas éteint la guerre, nous l'avons certainement suspendue; et avec le secours du souverain Maître de toutes choses, les maux, qui étaient montés jusqu'au comble, se sont ralentis. Mais j'espère du dispensateur de tout bien, et l'abondante bénédiction de votre lettre m'en est un bon présage, que cette trêve aura la solidité durable de la paix.” (Lettre CCXXX de la correspondance d'Augustin).

Décevant les espoirs des Romains, les Vandales se rebellent rapidement contre l'autorité de Boniface et s'allient avec les Maures, en rebellion depuis toujours contre Rome, et avec les Donatistes, hérétiques révoltés depuis l'époque de Constantin. On observe un peu la même situation qu'en 408 lors de la révolte anti-germanique des troupes régulières à Pavie. Cette révolte avait poussé les fédérés à se joindre à Alaric, et ce dernier surclassa numériquement les troupes romaines. Il en alla de même avec l'invasion Vandale. Dans un premier temps allié, comme Alaric en son temps, Genséric se révolta et fit cause commune avec des ennemis locaux de Rome, Maures et Donatistes. Boniface fut à son tour surclassé par le nombre, pour avoir voulu, comme Stilicon, se concilier un chef barbare ambitieux.
Sur le papier, l'Afrique possèdait 19 corps de cavalerie et 12 corps d'infanterie, mais ce dispositif ne s'est jamais vérifié dans les faits. Ainsi, ce sont des troupes venant de Gaule et d'Italie qui ont maté la révolte de Gildon en 398. Mais, puisque les Maures et les Donatistes étaient combattus de longue date en Afrique, on en déduit que la province ne devait pas être dénuée totalement en troupes. La composition de ces troupes est un mystère, mais la levée locale de Boniface en 430 indique que ces troupes pouvaient être autochtones, bien que sans nul doute peu ou pas aguerries. Il devait s'agir d'un mélange de paysans et de milices locales.

Mort de Felix
A la fin de l'année 429, Félix, décrédibilisé par son aventure africaine, ne gouverne plus en Italie. Conscient de risquer sa vie, il se cherche des partisans et tente une sédition militaire similaire à celle de 408, contre Aétius, qui a refusé de le suivre en 428. Mais son complot est un échec. L'armée se dresse contre lui, et il est tué dans la basilique Ursiane.
A la mort de Félix, Constantinople prépare une expédition en Afrique menée par Aspar, contre les Vandales.


Année 430
Défaite militaire contre les Vandales
Boniface et son armée renforcée de levées faites à la hâte sont battus par Genséric. Les Vandales se répandent en Afrique. En mai, les Vandales mirent le siège devant Hippone, lieu de résidence d'Augustin, qui mourra au cours du siège de la ville.
Aétius repousse les Alamans en Rhétie, les Wisigoths devant Arles et bat les rebelles de la province de Norique.


Année 431
Seconde défaite militaire contre les Vandales
Aspar, sur la demande de Galla Placidia, ammena un puissant secours de troupes et de vaisseaux en Afrique. Une fois la jonction faite avec l'armée occidentale, Boniface marche à la rencontre des Vandales, mais ce fut une nouvelle défaite pour l'Empire, qui confirma la perte de l'Afrique. Seule la flotte d'Orient fut capable d'envoyer des troupes sous le commandement d'Aspar.
En juillet, Hippone est prise par les Vandales après un siège de 14 mois.

La paix est faite avec les Vandales
De 431 à 439, Genséric temporise en Afrique du Nord. Il négocia un traité de paix, donna son fils en otage, et laissa à Valentinien III la possession des trois Mauritanies, qu'il ne contrôlait pas de toute façon. Les révoltes des Maures et des Donatistes posaient en effet problème à Genséric pour l'établissement de son royaume. La possession des Mauritanies, provinces situées en Afrique à l'ouest de Carthage et de Hippone, n'est que théorique pour le pouvoir impérial. Il n'a pas les moyens de lutter contre les Maures et les Donatistes. Ces provinces sont donc perdues.

L'Empire Romain en 431


Aétius repousse une invasion en Norique.

De 431 à 440, un partage à l'amiable de l'Arménie entre les Perses Sassanides et l'Empire d'Orient est réalisé. Cette solution est d'autant plus étonnante que ce territoire était une source de tensions permanentes entre Rome et les Orientaux, débouchant sur de nombreuses guerres, dès l'époque de Jules César, cinq siècles plus tôt.


Année 432
Aétius dégage une nouvelle fois Trèves et conclut la paix avec les Francs Ripuaires.

Guerre civile entre Aétius et Boniface
Après sa défaite en Afrique en 430-431, Boniface retourna à Ravenne, où il obtint le pardon de Galla Placidia pour sa révolte. Aétius est peut-être dégradé de ses charges et de son rang au profit de Boniface. Il décide de marcher contre Boniface. Ils se combattent à la bataille de Rimini. Boniface y trouva la mort, de la main d'Aétius, après avoir cependant remporté la bataille. Aétius entre en conflit avec Sébastien, gendre de Boniface, qu'il expulse de la cour :

"A l'instigation de Placidia, mère de l'empereur Valentinien, une grande guerre fut menée entre les patriciens Bonifacius et Aetius. S'étant préparé depuis plus longtemps que Bonifacius, Aetius lui-même indemne blessa Bonifacius lors d'un combat. Et le troisième mois, Bonifacius mourut de la blessure dont il avait été frappé, exhortant fortement sa propre épouse -la riche Pélagie- à n'épouser personne d'autre qu'Aetius." (Chronique de Marcellinus)

"Boniface, revient d’Afrique en Italie, appelé à la cour par Placidia, et en rivalité avec Aétius. Ce dernier déposé, Boniface lui succède et meurt peu de mois après, à cause d’une blessure reçue dans un combat contre Aétius. Son gendre Sébastien, qui lui succède, vaincu par Aétius, est expulsé de la cour."
(Hydace, Chronique, 432)

Sébastien - Sebastianus - gendre de Boniface, commence là un exil de 18 années qui le menera de l'Italie à l'Afrique en passant par Constantinople et Barcelone. Sans doute brièvement magister militum après la bataille de Rimini, il représente surtout pour Aétius une opposition durable à son pouvoir et à son autorité de par son lien avec Boniface. Cependant, Galla Placidia n'est alors qu'en mesure de le protéger ; elle ne peut lui confier un commandement ou des responsabilités en Italie, ni même le maintenir à la cour impériale de Ravenne en raison du poids acquis politiquement et militairement par Aétius.


Année 433
Aétius devient générallissime d'Occident
Des Huns sont réinstallés officiellement en Pannonie comme fédérés par Aétius, ce qui lui permet de recruter à nouveau des auxiliaires, et de s'imposer, cette fois définitivement, à Galla Placidia. L'expulsion en 427 des Huns de la Pannonie lui avait en effet coûté sa principale source de recrutement, but certainement recherché alors par Galla Placidia et Félix. Cette nouvelle source de recrutement donne à Aétius les moyens d'assouvir ses ambitions. De 433 à 454, Aétius est générallissime d'Occident. Devenu incontournable après la mort de Boniface, il reste le seul militaire capable de maintenir l'empire contre la menace de démembrement qui pèse sur lui. Galla Placidia doit s'entendre avec lui.


Année 434
Attila devient roi des Huns
Le roi Hun Rugila meurt. Ses neveux Attila et Bléda lui succèdent. Ils font l'unité des royaumes hunniques de Scythie et de Pannonie, et se montrent rapidement ambitieux. Attila n'est pas immédiatement hostile à l'empire d'Occident et continue à fournir à Aétius de nombreux mercenaires que ce dernier utilisera dans toutes ses batailles, jusqu'en 442, date de l'arrêt du mercenariat des Huns auprès des impériaux.

Défaite du dernier adversaire d'Aétius - bilan des guerres civiles de 423-434
Aétius, après avoir engagé de nombreux Huns devenus fédérés en vertu d'un traité conclu par le roi Rugila en 433, bat son dernier ennemi, Sébastien, fils ou gendre de Boniface. Il est désormais incontournable en Occident.

"Sébastien, exilé et fugitif, part en bateau pour la cour d’Orient". (Hydace, Chronique, 434)
Galla Placidia ne semble plus en mesure de protéger physiquement Sébastien et doit se plier aux exigeances d'Aétius, tout puissant grâce à ses fédérés Huns. Sébastien incarnant toujours une opposition à Aétius, ce dernier cherche à se débarrasser de lui. Il trouve asile à Constantinople, ce qui indique sans doute que Théodose II et ses conseillers ne voyaient pas favorablement la prise de pouvoir d'Aétius, peut-être perçue comme une menace contre la dynastie théodosienne, alors l'un des seuls liens unifiant le monde romain. Constantinople apparait comme un lieu d'exil commode pour ceux ne jouissant plus des faveurs de la cour en Occident : la soeur de Valentinien III, Honoria, y est elle-même exilée la même année (Source : Marcellinus, chronique, 434).

Les guerres civiles de 423-434 ont deux conséquences : une bipartition politique de l'Occident entre Aétius et Galla Placidia, et la mise à mal de l'armée patiemment reconstruite par Constance. L'Occident perd là son dernier instrument de souveraineté politique. Désormais, sa force militaire reposera pour l'essentiel sur la bonne volonté de ses fédérés barbares, ainsi que sur les renforts de l'Orient.

Retour à l'index

Suite - De 435 à 455